mardi 26 novembre 2013

Lançon bashing



Je suis arrivé hier en séance de Conseil municipal avec trois quarts d'heure de retard, à cause d'une rencontre-débat que j'animais au Centre social Saint-Martin sur les violences conjugales (voir billet de demain). Je n'ai donc pas pu suivre la présentation des orientations budgétaires, qui était le point principal et important à l'ordre du jour, ni les réponses de l'opposition. Quand je me suis installé, c'est Xavier Bertrand qui avait la parole, offensif comme à son habitude, tapant sur sa tête de Turc, le chef de file de l'opposition, avec des arguments mille fois entendus, mais qui me surprennent toujours par leur violence (lui, dirait sûrement : leur vérité). Jean-Pierre Lançon est qualifié de "pas honnête intellectuellement", accusé de dépenses indues lorsqu'il était élu au District (les "frais de bouche" sont visés). Le maire fait allusion à sa place sur la liste socialiste, en affirmant qu'"on ne veut plus de cette gauche-là" ; il lui reproche même de "ne pas aimer le vélo" (allusion à son absence lors de l'inauguration de la piste cyclable, quai Gayant, dimanche dernier). Enfin, le pompon, par cette formule cinglante : "Ce n'est pas parce qu'on a été enseignant qu'on a des leçons à donner sur l'école".

Je sais que la politique est une activité difficile, violente et parfois cruelle. C'est le jeu : quiconque y entre ne peut s'en plaindre. Malgré tout, je me pose la question : comment un individu normal peut-il accepter de subir de telles attaques publiques, qui visent sa personne, qui sont porteuses de jugement moral, et pas seulement de divergence politique ? Si on m'offensait de la sorte, je sauterais à la gorge du vindicatif. L'opposition a-t-elle jamais dit que le maire n'était "pas honnête intellectuellement" ? Jean-Pierre Lançon encaisse, sachant que le maître du jeu est celui qui détient le micro et le dernier mot, c'est-à-dire le pouvoir. Il lui reste quelques mois à résister dans cet enfer ; j'ai l'impression que jusqu'à l'ultime minute de son départ, Xavier Bertrand cognera. La politique ne connaît ni la pitié, ni l'indulgence.

J'aurais aimé que les premiers de la liste socialiste, Garand, Héry, Valentin, Andurand, soient hier présents au balcon. Car il faut le voir de visu, l'entendre réellement, sentir l'atmosphère de tension, de violence (de haine, de mépris ?) ; sur un écran, ce n'est pas la même sensation, on ne se rend pas vraiment compte. Que mes camarades sachent (le savent-ils ?) ce qui les attend. Car ce n'est même pas la mort au champ d'honneur, qui a sa part de gloire, mais la mort au champ de déshonneur, quand les attaques sont ce que j'entends. Michel, Jacques, Marie-Anne, Stéphane, sont-ils des violents ? Il le faudra, pourtant. L'opposition qui va partir avait ses défauts, puisque rien n'est parfait : Lançon trop sanguin, Aurigny trop froid, Tournay bon en début d'intervention et piégé à la fin, les autres trop silencieux. Mais ils auront essayé, dans un contexte très difficiles pour eux, qui les exonère de leurs maladresses. Il faudra que la nouvelle opposition (si elle ne devient pas majorité) fasse aussi bien et même mieux : ce n'est pas donné.

Je reviens sur Olivier Tournay. Hier soir, il a habilement repris la parole, insistant pour revenir sur un rapport précédent, que Xavier Bertrand a fini par lui concéder. Le jeune élu communiste s'est alors lancé dans une énumération assez efficace de délits contre lesquels la vidéo-surveillance n'a rien pu. C'était plutôt bien vu, bien amené, et les murmures de réprobation de la majorité prouvaient que Tournay faisait mouche. Sauf que Xavier Bertrand a retourné la situation en sa faveur, par une simple question portant sur un cas cette fois favorable aux caméras. Olivier Tournay lui a accordé le point, et c'en était fini : une seule fois suffisait à justifier la vidéo-surveillance ! Je le dis aux prochains élus de gauche, s'ils se retrouvent dans l'opposition : il ne faut céder aucun pouce de terrain. En politique, il n'y a de mansuétude que dans un geste de grand seigneur, quand on détient le pouvoir et qu'on peut se le permettre. Sous le feu des critiques, acculé à la défensive, il ne faut rien lâcher, c'est une guerre de positions, qu'il faut absolument tenir.

De quoi Xavier Bertrand tire-t-il sa force en Conseil municipal ? Pas seulement de lui-même, de son habileté, de ses compétences, mais du groupe qui le soutient, de la majorité qui fait bloc autour de lui. En politique, la force individuelle ne vaut pas grand chose (voyez mon cas : ma volonté, mon expérience, ma notoriété ne servent à rien), c'est la force collective qui prime. Cela se sent en Conseil municipal : Bertrand est entouré, porté. C'est Abraracourcix sur son bouclier, constamment levé par la tribu de Gaulois. Isolé, il perdrait de sa magie, de son aura. Par comparaison, les difficultés de la gauche locale ne viennent pas des hommes (les personnalités jouent un rôle secondaire), ni des idées (on en trouve toujours), mais du parti, de l'organisation, de la structure collective. Le nombre d'adhérents, la liste de sympathisants, la participation aux votes, les activités publiques, l'implantation locale, c'est là où le bât blesse, et de longue date, n'incriminant personne en particulier. C'est pourquoi je voulais me présenter au secrétariat de la section, c'est pourquoi je souhaitais l'organisation de primaires.

La prochaine séance du Conseil municipal, consacrée à l'adoption du budget, aura lieu dans quinze jours.

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