dimanche 10 novembre 2013

Divisions, diviseurs et opportunistes



L'information politique du week-end à Saint-Quentin, c'est l'annonce d'une cinquième liste pour les élections municipales : après le FN, le PS, le PCF et l'UMP, nous aurons donc une liste présentée par Lutte ouvrière. C'est Nathalie Artaud, le leader national, en meeting dans notre ville, qui l'a annoncée vendredi soir. Cinq listes, c'est inhabituel : en 2008, il y en avait deux et en 2001, trois. L'an prochain, il pourrait même y en avoir six, si le POI participe (comme il l'avait fait en 2001). Bien sûr, tout cela demande confirmation, mais nous allons potentiellement vers une offre politique très éclatée localement.

Est-ce embêtant ? En soi, non : la démocratie, c'est la liberté et la pluralité des candidatures. Mais politiquement, c'est périlleux pour la gauche, qui part très divisée face à une Municipalité sortante très unie, et un FN qui va mordre très largement sur l'électorat populaire. Le gros problème, ce sera de passer le cap du premier tour. On ne peut pas reprocher à LO de vouloir présenter sa propre liste : c'est normal, sa ligne politique est très différente de celle du PS, c'est le moins qu'on puisse dire ! Ce qui était anormal et critiquable, c'était les alliances de 2008, qui ont donné à l'extrême gauche des élus et une tribune, au détriment du parti socialiste. En revanche, on peut reprocher et critiquer l'absence d'union PS-PCF, qui est véritablement irresponsable et immature dans la situation actuelle.

A Saint-Quentin, la gauche semble avoir la division dans le sang. C'est quasiment culturel chez elle. Le fait qu'on trouve pire ailleurs n'est pas une excuse. Cet esprit de division n'est pas propre aux partis de gauche. On la retrouve dans la mouvance de gauche, au sens large. Regardez ce qui s'est passé cette semaine chez SUD-Territoriaux : c'est consternant. Ce syndicat s'est constitué en 2009 d'une division au sein de la CGT, et il se redivise aujourd'hui, en chassant ses leaders longtemps charismatiques, Viviane et Dominique Gayraud.

Comme si la division ne pouvait qu'entraîner la division. Si ce résultat provenait d'une saine et tranquille pratique démocratique, il n'y aurait pas à s'en plaindre : les choix d'un jour ne sont pas forcément ceux du lendemain. Mais on sent, derrière toutes ces divisions de la gauche locale, non pas de légitimes clivages idéologiques, mais des règlements de comptes, des conflits personnels, des rivalités de pouvoir. Quoi qu'il en soit (et heureusement qu'on ne sait pas tout !), l'effet médiatique rendu et les conséquences électorales sont catastrophiques.

Consternantes également, et proprement dégueulasses, les attaques personnelles et diffamatoires d'Antonio Ribeiro sur son blog, contre Jacques Héry, secrétaire de la section socialiste de Neuville-Saint-Amand. C'est une violation de la vie privée et professionnelle. J'apprends, dans le Courrier picard d'hier, que Jacques va porter plainte : il fait bien, il faut que ce délégué régional de la Gauche moderne et républicaine (sic !) cesse de nuire. Et que la gauche en prenne de la graine, en ne mettant pas sur sa liste le premier opportuniste venu. Car les divisions sont d'abord causées par les diviseurs.

Quand on est divisé et diviseur, on a tendance à projeter sur les autres ses propres turpitudes. Ainsi, dans le surmoi de la gauche saint-quentinoise revient à périodes régulières un fantasme tenace (que je n'ai jamais éprouvé, n'étant pas homme à fantasmes politiques) : il s'agit de la supposée et surtout espérée division entre Xavier Bertrand et Pierre André. Moi aussi, bien sûr, j'en rêve, parce que je sais qu'on ne gagne que si l'adversaire est divisé. Mais je ne prends pas mes désirs pour des réalités : le sénateur soutiendra dès maintenant, comme toujours et jusqu'au bout, le député ; le président de l'agglomération fera tout pour que le maire de Saint-Quentin soit réélu. Normal, non ?

Je veux terminer ce billet par ceux avec qui je l'ai commencé : les militants de LO, pour leur rendre hommage, moi qui pourtant ne partage pas du tout leurs idées. Mais leur dévouement, leur désintéressement, leur constance arrachent l'estime. Qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige, on les voit près de la place de l'Hôtel de Ville à vendre leur journal ou à distribuer leurs tracts. S'ils sont présents dans ces élections municipales, ce n'est pas pour obtenir des places, rechercher la reconnaissance sociale ou espérer une rétribution financière : c'est seulement, uniquement par convictions politiques. Les militants de Lutte ouvrière font passer un peu d'air frais dans une campagne où l'on commence à voir se promener, d'inaugurations en défilés patriotiques, les opportunistes. C'est étrange à dire, mais LO est d'une certaine façon l'honneur de la démocratie. Si je n'étais pas socialiste, je serais tenté de devenir trotskiste, rien que pour cette raison-là. Dans une autre vie, peut-être ...

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Il est clair qu' il faut choisir , la place avant TOUT ou les idées en premier .. La place avant Tout cela ne dure qu'un temps et ne laisse pas de vrai souvenirs ... Les idées si elles sont porteuses c'est la politique pour le peuple et la renommée de la nation ...

Emmanuel Mousset a dit…

Je ne serai pas aussi grandiloquent : on ne fait pas de la politique pour la gloire, mais plus modestement pour l'utilité de nos concitoyens. Ceci dit, vous avez raison : tout le monde a oublié le nom de la plupart des candidats, y compris du plus récent passé.

Anonyme a dit…

Cher. Monsieur j'ai beau lire le billet de Ribeiro je ne voie personne de Nommer vous vous Nommer ,votre democratie ne fonctionne que dans un sens lorsque vous attaquer Monnoyer. Et deplus il ne fait que de dire ce que tous le monde sais

Emmanuel Mousset a dit…

Merci Antonio pour cette précision.