mercredi 1 mai 2013

Le 1er mai, c'est sacré



Quand on est de gauche, adhérent d'un parti et d'un syndicat, le 1er mai c'est sacré. Je n'en rate pas un, selon un rituel immuable (là où il y a du sacré, il y a forcément un rituel, toujours le même) : d'abord, c'est un rendez-vous politique, le fleurissement par les socialistes de la stèle de Romain Tricoteaux, grand maire de gauche d'entre les deux guerres, qui a reconstruit la ville de Saint-Quentin ; puis, c'est le rassemblement syndical devant la Bourse du Travail. Dans ces deux moments de la matinée, des messages d'espoir et de lutte sont délivrés. Voilà le rite, voilà la tradition.

Mais cette année n'a pas été une année comme les autres. Devant le buste de Tricoteaux, la place est resté désespérément vide, sans personne ... sauf moi, pour déposer une rose rouge. J'ai voulu rester fidèle, ne pas briser le rituel, ne pas interrompre la tradition. Nous étions au moins deux : Tricoteaux et moi, le mort et le vivant, la pierre et la chair, le passé et peut-être l'avenir ... Un acte manqué de la section socialiste ? C'est bien possible, en cette année où la gauche est au pouvoir après dix ans d'opposition, et à un an de l'élection municipale. Romain Tricoteaux, c'est le symbole de la gauche qui gagne et qui gère, qui transforme la ville.

Devant la Bourse du Travail, ce n'était pas non plus comme les autres fois, à cause de la division syndicale : seuls la CGT, la FSU et Solidaires avaient appelé à se rassembler (mot d'ordre national). Dans l'idéal, j'aurais préféré rejoindre les miens, CFDT, UNSA et CFTC. Mais à Saint-Quentin, et c'est le gros problème que je déplore depuis longtemps, il n'y a pas de pôle réformiste fort, aussi bien politique que syndical. Alors, que faire ? Le pire, en politique comme dans la vie, c'est de ne rien faire. Comme je sais que l'idéal n'est pas de ce monde, comme je tenais absolument à célébrer le 1er mai, je suis allé vers ceux dont je ne me sens pourtant pas les plus proches. Mais l'essentiel était d'être présent, dans la rue, aujourd'hui.

Nous étions environ 70 militants. Ce n'est certes pas une grande année en matière de participation, mais j'ai connu pire. Dans la petite foule, des conseillers municipaux d'opposition, Olivier Tournay (PCF), Anne Zanditenas (LO), Franck Mousset (NPA), Nathalie Le Meur (maire-adjoint à Gauchy) des responsables politiques, Corinne Bécourt et Jean-Luc Tournay (communistes "rebelles"), René Jaffro et Alix Suchecki (Front de gauche) ... et même quelques socialistes (mais pas d'élus ni de responsables de la section). Parmi les syndicalistes, des cégétistes bien sûr, dont Guy Fontaine et William Lesur, Georges Varenne et Serge Casier pour les territoriaux, la FSU avec notamment Guillaume Hily et Vincent Duchet, Solidaires, en présence de Laurent Pipart et Gérard Bécu. Solange Boutillier faisait signer une pétition sur les retraites et Jocelyne Guézou distribuait un message de l'évêque de Soissons (!) contre la précarité.

Un 1er mai, ce n'est pas qu'un rituel, c'est une ambiance difficile à décrire, un moment chaleureux entre des personnes qui partagent les mêmes valeurs, qui sont dans une proximité sociologique, qui se reconnaissent dans des références historiques communes mais qui n'ont pas les mêmes idées. Il faut y être pour goûter l'atmosphère. Le 1er mai, c'est sacré parce que c'est la gauche, comme le 14 juillet c'est la République ! J'aime ces rencontres, ces discussions, parfois ces confrontations. Je sais que la gauche est divisée, que ça ne date pas d'aujourd'hui : le défi, c'est de la rassembler, pour gagner. Et à Saint-Quentin, y'a du boulot, c'est le moins qu'on puisse dire !

Je ne me suis pas complètement reconnu dans le discours du secrétaire général de l'union locale CGT, Patrick Dupont, qui a des reproches à faire au gouvernement que je soutiens. Mais ça ne fait rien : ce qui compte pour moi, c'est surtout le local et l'union possible des gauches, en vue de la victoire (car si c'est simplement en vue de témoigner, ce n'est même pas la peine d'y aller). Au plan national, les positions divergent, mais c'est autre chose. A Saint-Quentin, il faut penser et agir local (bien sûr dans les limites de la cohérence idéologique, qui exclut l'extrême gauche de ce rassemblement, comme je l'ai souvent expliqué). Je ne me fais aucune illusion : je sais pertinemment que ce sont les appareils politiques qui auront le dernier mot. Mais j'ai une certitude : ce ne sont pas eux qui décideront de la victoire.

Autre et dernier rituel, l'achat du brin de muguet, avec cette année un dilemme : il fallait choisir entre le muguet de la section communiste tradi et le muguet du Front de gauche. Pour une fois, ce qui est plutôt rare chez moi, je ne me suis pas laissé guider par un critère politique, j'ai fait joué la sympathie, l'affectif, et je ne vous dis donc pas vers quoi est allé mon choix. L'essentiel, c'était d'afficher ce porte-bonheur pour toute la gauche saint-quentinoise, qui a bien besoin qu'on lui dise qu'il y a un bonheur aujourd'hui à se retrouver, et demain, si nous le voulons, si nous y croyons, un bonheur à gagner.

Aucun commentaire: