jeudi 23 mai 2013

150 ans de social-démocratie



Le SPD, parti social-démocrate allemand, fête aujourd'hui ses 150 ans. 150 ans ! A côté, le PS français est un jeunot : 42 ans seulement ! Et c'est un problème politique pour les socialistes, et presque une énigme : dans un vieux pays de luttes sociales comme la France, la tradition socialiste n'a qu'une quarantaine d'années. On oublie trop souvent que le parti socialiste chez nous est une création récente, en 1971. La faible implantation, la sociologie réduite s'expliquent aussi par cette relative jeunesse.

Bien sûr, il y a eu auparavant la SFIO, créée au début du XXe siècle. Mais François Mitterrand, au congrès d'Epinay, a inauguré un nouveau parti socialiste en rupture avec l'ancien, jugé opportuniste. En Allemagne, le SPD maintient depuis un siècle et demi une ligne de continuité, il cultive une mémoire vivante qui n'a pas son équivalent en France.

Et puis, il y a le contenu idéologique, puissant et homogène en Allemagne (la social-démocratie), hésitant et hétérogène en France. Le nouveau PS n'a pas produit d'idéologie propre, il s'est laissé influencer par le parti communiste alors dominant, qui constituera un surmoi longtemps présent (Hollande au Bourget : "mon ennemi, c'est la finance !").

La social-démocratie allemande a quatre grandes caractéristiques, dont le socialisme français pourrait s'inspirer :

1- La cogestion, qui privilégie la négociation à la lutte de classes.

2- L'économie considérée comme condition du progrès social et non pas comme facteur d'exploitation, ce qui explique en partie les performances de l'Allemagne.

3- Les rémunérations ouvrières beaucoup plus élevées qu'en France, des conditions de travail globalement meilleures, un système de formation professionnelle plus efficace.

4- Un parti social-démocrate qui articule son action sur des syndicats puissants, un véritable "mouvement ouvrier" comptant des millions de salariés organisés. En France, les notions de "mouvement ouvrier" ou de "mouvement social" sont des slogans creux qui ne renvoient à rien de concret, seulement des incantations.

Le PS qui naît dans les années 70 s'ouvre à une nouvelle petite bourgeoisie, aux revenus modestes mais qui connaît à l'époque une ascension sociale (les enseignants, par exemple), et qui se sent aujourd'hui très largement déclassée. Elle forme les cadres et les élus du PS, elle a son langage à elle, assez éloigné de la culture populaire. Le gros problème du PS, constant, c'est qu'il s'est construit, à la différence du SPD, à côté mais en dehors de la classe ouvrière, laissant au PCF le soin de la représenter et de la défendre. C'est pourquoi je me sens parfois plus proche sociologiquement du PCF que du PS, tout en étant paradoxalement social-démocrate !

Lors de sa dernière conférence de presse, François Holande, à la question de savoir s'il était social-démocrate, n'a pas retenu ce terme. En un sens, il a raison : le PS est socialiste, pourquoi renoncer à ce mot ? D'autant qu'en Europe, socialiste et social-démocrate sont quasiment des expressions synonymes. Mais je vois aussi dans l'hésitation du président de la République une forme de lapsus : ne pas dire vraiment ce qu'on est vraiment, comme si le surmoi radical l'en empêchait.

Je le comprends : il y a en France des sociaux-démocrates (Mendès, Rocard, Delors, DSK) mais pas de social-démocratie constituée et assumée. C'est pourtant, depuis un an, ce que tente de faire au gouvernement François Hollande et Jean-Marc Ayrault, la première politique social-démocrate de notre histoire. Ca vaut bien quelques lapsus !

Bon anniversaire à nos camarades du SPD ! Longue vie à la social-démocratie !

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