mercredi 22 mai 2013

Prendre l'armure



Le Courrier picard d'avant-hier nous informait que les candidatures socialistes pour la tête de liste aux prochaines élections municipales à Saint-Quentin (et à Laon) pourront se faire connaître entre le 10 et le 25 juin. Le calendrier a été ainsi avancé dans les deux villes du département où aucun leader ne se dégage avec évidence (à Saint-Quentin, il y a peut-être trop et à Laon pas assez !). La date précise du vote n'est pas encore fixée, mais ce sera en septembre. Partout en France, les désignations se feront en octobre, l'écart n'est donc pas énorme, mais la grosse différence, c'est le délai de trois mois, tout à fait inhabituel, entre le dépôt des candidatures et le vote pour la tête de liste.

Généralement, le délai n'est que de quelques jours, deux semaines tout au plus. Trois mois, ça fait énorme ! Les vacances d'été séparent complètement les deux temps du scrutin, qui normalement sont proches. Mais il doit y avoir des raisons à ça, que je ne connais pas (et qui ne m'apparaissent pas clairement, même en y réfléchissant). Une fois les candidatures connues et donc dévoilées publiquement, un no man's land, une suspension du temps de trois mois d'attente vont donc nous être imposés. Trois mois de campagne pour convaincre les camarades que chaque candidat est le meilleur ? C'est peut-être l'explication, mais elle ne me convainc pas totalement.

En tout cas, je suis satisfait qu'une première étape de clarification ait lieu en juin : mieux vaut tôt que plus tard ! Dans l'idéal, j'aurais préféré que notre leader pour les municipales soit adoubé avant les grandes vacances, afin de lancer très vite la campagne. Car, mine de rien, en septembre, le calendrier va s'accélérer : après la tête, c'est le projet et la liste qu'il faudra constituer, en accord avec nos partenaires. Et ce ne sera pas une mince affaire ! Mais rien n'est parfait et il ne faut pas trop en demander ...

En revanche, là où je continue à être insatisfait et même profondément mécontent, c'est dans le mode de désignation de la tête de liste : la procédure des primaires est cette fois-ci officiellement enterrée, alors qu'elle était à mes yeux indispensable pour mobiliser notre électorat, se donner un leader incontesté et préparer la victoire. Mais c'est ainsi : un choix politique a été fait, contraire au mien, chacun en assumera les conséquences, et j'espère de tout coeur me tromper dans mon analyse.

Lors des dernières élections municipales, durant la période de pré-campagne (c'était en septembre 2007), j'avais proposé, dans un cadre de désignation identique (ce sont les seuls adhérents qui choisissent), que les candidats potentiels se concertent au préalable pour faire le point, échanger sur nos intentions (j'étais alors candidat à la candidature) et voir s'il n'était pas possible de s'entendre sur une candidature unanime, avant de procéder au vote. Pourquoi cette proposition ? Parce que j'ai toujours répugné aux rapports de forces entre nous, entre socialistes : c'est contre la droite qu'il faut se battre, pas entre camarades ! Je sais parfaitement, pour l'avoir vécu, qu'une lutte interne laisse des traces, déstabilise la section et donne un résultat qui se compte parfois à peu de voix, qui affaiblit d'emblée celui qui a été choisi.

Mon appel avait été reçu positivement par Michel Garand et Stéphane Andurand, alors candidats déclarés, comme moi. Mais Jean-Pierre Lançon a refusé cette concertation, ne dévoilant sa candidature que quelques jours avant le vote. C'était bien sûr son droit, je pense même que ce choix correspond à sa culture politique, mais je suis aussi en droit de dire que ce n'est pas la mienne, et que dans pareille situation, il ne faut avoir qu'une chose en tête : l'unité de la section, et pas chercher à se compter, comme on dit. Je crois pouvoir dire que la suite des événements m'a malheureusement donné raison. Aujourd'hui, six ans après, est-ce que la concertation se fera ? Je le souhaite toujours, mais je ne sais pas, et je me fais moins d'illusions sur ce point.

Qui sont aujourd'hui les candidats potentiels ? Je l'ai déjà dit, je n'en vois que trois, Anne Ferreira, Michel Garand et moi. Pourquoi ces trois-là et pas d'autres ? Parce que Anne avait dit à la presse, il y a quelques années, qu'elle y songeait, parce que Michel, depuis quelques mois, se montre dans des manifestations où avant il n'allait pas (en politique, c'est un signe), parce qu'en ce qui me concerne j'ai annoncé en décembre dernier que je serai candidat. Mes deux camarades ont exprimé, d'une façon ou d'une autre, des velléités, j'ai posé une volonté et tracer une ligne politique.

A part nous trois, aucun autre socialiste n'a affiché durablement une sérieuse ambition (Jacques Héry a fait une petite déclaration, mais une seule fois : la politique, c'est comme l'amour, il faut répéter plusieurs fois à quelqu'un qu'on l'aime si on veut être crédible ; Stéphane Andurand, lui, a renoncé au profit d'Anne Ferreira, et Jean-Pierre Lançon ne rempile pas). Bien sûr, comme dans ces émissions télévisés où il y a un invité surprise à la fin, nous pourrons toujours découvrir le 25 juin un candidat surprise, le lapin qui sort du chapeau à la dernière minute, la seule qui compte en politique. J'ai toujours pensé que ça ne faisait pas très sérieux, mais après tout, Jean-Pierre Lançon a réussi en son temps à s'imposer, seul contre tous, de cette façon-là. Nous verrons bien.

En septembre, qui sera finalement choisi ? Ma question est présomptueuse (ou tout simplement tueuse, si vous me permettez de jouer avec les mots !). Ma réponse, c'est que le meilleur candidat sera celui qui saura prendre l'armure. Qu'est-ce que j'entends par là ? Vous vous souvenez de la formule de Lionel Jospin aux élections présidentielles de 2002 : fendre l'armure. Ce fut son erreur psychologique : en politique, il ne faut pas chercher à être soi-même, il faut revêtir une carapace, il faut prendre l'armure. Et puis, la politique n'est pas un concours de beauté : c'est un combat, où il vaut mieux être outillé. En 2014, contre Xavier Bertrand, ce sera un hyper-combat, parce que l'homme n'est pas comme les autres : c'est une bête politique, qui peut vous écraser d'un simple coup de patte. L'armure est donc le vêtement recommandé.

Attention : je ne conçois pas l'affrontement politique comme un choc de brutes sauvages, mais plutôt comme un tournoi de chevaliers, dans un esprit de courage, d'audace, de vaillance ! Et qui sait si une dame, au cas où j'en serai, ne viendra pas nouer son écharpe de soie au bout de ma lance, pour me porter chance ? (j'ai aussi le droit de rêver !). Oui, une conception chevaleresque de la politique, c'est ce qui me plaît, c'est ce qui rend l'exercice intéressant, pour ses protagonistes et pour les spectateurs.

Prendre l'armure, c'est aussi, pour chaque candidat, l'occasion de se dépasser, ne renoncer à une partie de lui-même pour endosser un autre personnage. Anne Ferreira ne pourra pas se contenter d'être une élu d'importance ou la chef d'un courant : il lui faudra bien prendre l'armure d'une rassembleuse partant à l'assaut de la droite. Michel Garand, de même, ne pourra pas rester dans le complet veston de l'aimable et consensuel notable ; il lui faudra bien devenir militant, affronter les yeux dans les yeux Xavier Bertrand. Et moi itou : je ne serai plus l'animateur de débats et le blogueur compulsif que je suis. Certains prétendent qu'il n'y aurait pas d'armure à ma taille. Il faut voir : les preux chevaliers d'autrefois n'étaient pas forcément des géants, et le grand Don Quichotte, qui rêvait plus qu'il ne combattait, a fini par s'affronter à des moulins à vent. A Saint-Quentin, Bertrand n'est pas un moulin et je ne suis pas Quichotte de la Mancha.

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