vendredi 3 mai 2013

Des places à prendre



La politique, ce sont des convictions, des stratégies, des alliances mais aussi des places à prendre. Ce dernier souci, qui n'est pas déshonorant, n'exclut pas les idées, mais il les relativise. On a aussi tort de croire que la politique, c'est forcément la recherche de la victoire. Non, car celle-ci n'assure pas forcément qu'on aura une place, tant elle devienne chères quand on gagne. En revanche, des rentes sont possibles dans la défaite. C'est un jeu assez subtil de positionnement personnel, vieux comme le monde. La seule réalité tangible en politique, c'est bien celle-là : quoi qu'il arrive, il y a des places à prendre, à se partager. La victoire, c'est un objectif incertain, tant la défaite est hélas beaucoup plus fréquente. Même quand la place est dérisoire et parfois minable, elle est toujours bonne à prendre : c'est un investissement pour l'avenir. Une place, en politique, ça ne se refuse pas.

Ma réflexion est encore plus vraie dans un scrutin de liste, où les premières places sont gagnantes, y compris quand on est perdant. C'est le jackpot. Les élections municipales en sont l'illustration. Une place à prendre, c'est une case à remplir, comme dans un formulaire administratif. Ce qui compte, ce n'est pas tant la personne que l'étiquette : l'astuce, c'est de trouver la bonne qui vous permettra d'occuper la case. Par exemple, à Saint-Quentin, c'est de cette façon qu'un individu aussi bouffon qu'Antonio Ribeiro a pu s'imposer, les mains dans les poches. La place à prendre, c'était celle étiquetée "MRC", vide après la défection de Freddy. Le vide attire le vide : c'est ainsi que Ribeiro s'est trouvé parmi les premiers, alors qu'il venait de la planète Mars.

Pour l'an prochain, même cinéma : des places à prendre, qui y va ? Stéphane Monnoyer ne présentera pas de liste autonome, il en est incapable et tout le monde le sait. Il fait donc habilement semblant, en espérant une place à gauche. Stéphane est présent dans les réunions socialistes, n'en dit pas trop, se montre aimable, grogne contre XB pour prouver qu'il est des nôtres, pour présenter des gages de bonne foi : c'est le métier qui rentre, ce petit a ses chances, comme Ribeiro en son temps.

Mais il y a des places qui sont fléchées sans avoir encore de prétendants attitrés. Je vois, dans le genre, une belle niche à prendre, avis aux amateurs : c'est la case "PRG", poste vacant à Saint-Quentin. Le premier gus qui sortira de sa poche une carte de ce parti, allié fidèle du PS, figurera en bonne place et se fera élire sans avoir rien à faire. Mon petit doigt me dit que de ce côté-là pourrait se reproduire une nouvelle affaire Ribeiro, avec changement de titulaire bien sûr. Il faudra être très attentif à qui va pointer le bout de son nez dans les prochaines semaines. Des radicaux de gauche venant de la planète Mars, c'est dans l'ordre du possible.

A droite aussi, il y aura des places à prendre. Mais là, c'est un peu différent : la liste est blindée d'avance, avec un boss qui ne permettra pas les élucubrations. Je ne pense pas que des extra-terrestres telles que Ribeiro, Monnoyer et compagnie soient concevables dans la droite saint-quentinoise. Quoique ... J'ai lu, dans L'Union de lundi dernier, que Frédéric Alliot rejoignait Xavier Bertrand, en adhérant à un club, le Nouveau Siècle, dont je suppose que le siège social est sur la planète Mars, tant cette micro-structure est inconnu du monde politique. Allez savoir si ça ne prépare pas une future place à prendre quelque part (qu'importe le flacon pourvu qu'on est l'ivresse, l'ivresse du pouvoir bien entendu). Je rappelle qu'Alliot est censé être de gauche, comme Ribeiro était censé être MRC.

Ce qui est certain, c'est qu'il y aura des places à prendre sur la liste de Xavier Bertrand, qui va forcément renouveler en profondeur l'équipe actuelle et poursuivre l'ouverture à gauche, qui avait si bien réussi à Pierre André en 2001 et 2008. Dans une ville sociologiquement de gauche, où François Hollande a fait l'an dernier un excellent score, c'est plutôt recommandé. Ce ne sera pas, à la différence de la dernière fois, une ouverture à des militants (au PS, il n'y a plus rien sur l'os) mais à des personnalités progressistes de la société civile. J'ai quelques noms en tête, mais je ne veux compromettre personne ni faire échouer les tentatives d'exfiltrations.

Et moi dans tout ça ? Vous me connaissez, des places à prendre, ce n'est pas mon genre, je méprise. Une seule chose m'intéresse en politique : la victoire, c'est-à-dire la bagarre. Mais une place quelque part, non, surtout pas. Ce sera la tête de la gauche ou rien du tout. Et ma liste ne comportera aucune place à prendre ou à vendre : je ne veux pas me retrouver à traîner une batterie de casseroles ou un étalage de cageots, c'est-à-dire un aller simple pour la défaite.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

En fait c'est comme le TGV , plus on réserve en avance , plus on a de chance de se faire élire dans de bonnes conditions !!

Emmanuel Mousset a dit…


Pas sûr. Il faut plutôt jouer les indifférents, dire qu'on est "candidat à rien", wait and see, si possible se faire désirer, être plus dans la politique de la demande que de l'offre, masquer ses ambitions, miser sur l'effet de surprise, le dernier moment, avouer alors qu'on se sacrifie en répondant aux sollicitations pressantes de ses "amis".