jeudi 2 mai 2013

Des cadeaux aux patrons ?



De mes discussions hier matin avec les syndicalistes et les militants, lors du rassemblement du 1er mai à Saint-Quentin, je retiens que ce n'est pas tant l'affaire Cahuzac que la ligne politique du gouvernement qui pose problème. La faillite d'un homme, aussi grave soit-elle, ne pénalise pas toute une équipe, d'autant que François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont promptement réagi. Mais les questions portent sur le pacte de compétitivité, l'accord sur le marché du travail et l'amnistie refusée. Si je veux le résumer tel que je l'ai entendu hier devant la Bourse du Travail, le gouvernement ferait "des cadeaux aux patrons".

Dans ce genre de situation, quand on est socialiste et qu'on soutient le gouvernement (ça devrait être un pléonasme !), soit on est complaisant à l'égard des critiques, on concède qu'elles ont leur part de vérité, on va même dans le sens des reproches ; soit on se fait pédagogue, on défend point par point la politique du gouvernement, on l'assume et on rejette tout complexe : c'est mon choix personnel, la pédagogie et pas la démagogie. Non, il n'y a pas de "cadeaux au patronat" (d'ailleurs, jamais en politique il n'y a de "cadeaux" à qui que ce soit).

Le pacte de compétitivité ? Il faut savoir ce qu'on veut. L'objectif du gouvernement, sur quoi le chef de l'Etat demandera à être jugé le moment venu, c'est l'emploi, ce n'est que l'emploi. Qu'est-ce qui crée des emplois ? Dans le contexte actuel, très peu le secteur public, pas assez en tout cas. Les gisements sont dans le secteur privé, mais avec un appareil de production qui a cessé depuis trop longtemps d'être compétitif. On fait alors quoi ? Injecter de l'argent, sous conditions, dans l'économie, soutenir par tous les moyens les entreprises, simplifier leurs démarches administratives, rendre plus efficace la formation à l'école. C'est tout cela qu'Hollande a mis en oeuvre depuis le début de son mandat. Créer de l'emploi dans une société qui en manque cruellement depuis bientôt quarante ans, ça devrait parler aux syndicats, non ? Même si, bien sûr, cet emploi n'a pas la sécurité du statut public. Mais souhaite-t-on encore une économie administrée ? Le parti socialiste a été très clair là-dessus : la réponse est non. Et c'est pourquoi nous sommes sociaux-démocrates.

La réforme du marché du travail ? Trois syndicats l'ont voulu et ont signé l'accord. Ces trois organisations ne sont pas moins préoccupées par les intérêts et l'avenir des salariés que les autres qui refusent l'accord. Il y a une démarche réformiste qui consiste à négocier, à trouver un compromis, à équilibrer les gains et les pertes pour aboutir à une solution. Je comprends parfaitement qu'on s'oppose à cette démarche, parce que politiquement et syndicalement on se situe dans une autre perspective, qui est grosso modo celle de la lutte des classes, où ne compte que le rapport de forces. Mais je demande à ce qu'on comprenne également ma position, qui est celle du parti socialiste, réformiste, parti de gouvernement en recherche de solution. De fait, le marché du travail devait gagner en souplesse, avec en contrepartie une meilleure protection des salariés. C'est fait, par le dialogue social.

L'amnistie sociale ? C'est sur ce point que j'ai eu hier fort à faire. Les exigences économiques, les syndicalistes sont prêts à les comprendre, éventuellement à les accepter. Ils admettent aisément qu'il y a un prix à payer et surtout un passif à assumer. Mais le refus gouvernemental de l'amnistie des délits commis dans le cadre de conflits sociaux, où les salariés n'ont fait qu'exprimer leur colère, c'est une décision qui passe très mal. Cadeaux aux patrons d'un côté, mais pas de cadeaux aux ouvriers de l'autre ? Non, ce n'est pas ainsi qu'il faut voir les choses.

L'amnistie sociale était une tradition : il semblait jusqu'à présent normal que l'arrivée de la gauche au pouvoir efface des infractions parfois graves mais jugées compréhensibles. Sauf que notre société, depuis quelques années, a profondément changé dans son rapport à la loi, à propos de quoi elle est devenue beaucoup plus rigoureuse, beaucoup moins indulgente. On peut le regretter ou s'en réjouir, c'est un autre débat, mais le constat est là : dans une société qui s'est judiciarisée, les transgressions de la loi, d'où quelles viennent et pour quelque motif que ce soit, ne sont plus tolérées.

J'admets que la gauche n'a pas toujours réagi ainsi. Mais les principes républicains ne peuvent plus souffrir d'exception : politiques, patrons, syndicalistes, la loi est la même pour tous, la violence n'est pas permise. Les seules armes sont la grève, la manifestation et la négociation. En social-démocratie, les organisations ouvrières sont puissantes, la concertation joue à plein et le dialogue ne s'en porte pas plus mal, sans avoir besoin de bloquer, casser, séquestrer, tout comportement qui dégrade plus qu'il n'arrange la situation.

A Saint-Quentin comme ailleurs, dès maintenant et lors des prochains scrutins, la gauche devra assumer son réformisme et faire oeuvre de pédagogie à l'égard des autres forces politiques et sociales.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

il a fallu que le parti socialiste revienne au pouvoir après tant d années d absence pour constater son évolution idéologique.
Le problème c est que son électorat a guère évolué.
Il y a un fossé entre les reformes attendus par le peuple de gauche et celles proposées par le nouveau gouvernement.
On le voit au niveau des syndicats, le peuple de gauche est très profondément divisé.
50% des Français ont voter pour la gauche mais 25% seulement avaient manifestement compris et lu le programme du parti socialiste.

Anonyme a dit…

j'aime bien votre position ; mais on trouve encore, malgré votre réformisme / réalisme, des réflexes caractéristiques : Pour vous la 1ere méthode est la grève, puis la manif, enfin la négo. Et si le gauche hollandiste parvenait renverser cette hiérarchie ? Bon courage. jmdb@shawt.net