mardi 19 février 2013

La vie cachée des homos



La séance de ciné philo d'hier soir a été consacrée au très beau documentaire de Sébastien Lifshitz, Les invisibles, portant témoignage sur la vie cachée des homosexuel-le-s avant les années 80, à une époque où ils étaient considérés par la loi comme des "malades", avant que que la véritable maladie, le sida, ne frappe cruellement dans leurs rangs.

On ne retient aujourd'hui que la gay pride et la revendication du mariage pour tous. Mais pendant longtemps, depuis toujours, les homos ont dû vivre leurs amours dans la clandestinité. Ils étaient plus ou moins tolérés (plutôt moins que plus plus !), une règle tacite semblait socialement s'imposer : le faire mais ne jamais le dire, comme quelque chose de honteux. Les années 70 ont brisé cette loi du silence : les homos sont sortis dans la rue, se sont montrés au grand jour, ont manifesté jusqu'à lier leur combat aux aspirations révolutionnaires de ce temps-là. Combien de souffrances, de culpabilisation, parfois de suicides avant d'en arriver là ?

Le documentaire n'est pas du tout politique ou partisan, il peint cette vie cachée des homos telle qu'eux-mêmes en parlent, avec de gros plans sur les visages. Dans le débat passionné et quelquefois caricatural autour du mariage pour tous, ce film est une méditation tranquille que chacun, quoi qu'il pense, devrait aller voir. Il en ressort, paradoxalement, une forte impression de normalité : des gens qui s'aiment, du même sexe, tout simplement ; des histoires d'amour et de tendresse comme les autres. Une dame : "Je n'ai pas de problème d'identité, je suis une femme qui aime les femmes". Un monsieur : "Je n'ai pas choisi, c'est la nature qui veut les choses". La nature, justement : paysages de campagne, animaux de ferme sont très présents tout au long du documentaire, pour souligner le naturel de cette homosexualité souvent perçue et présentée comme contre-nature.

C'est une réflexion sur le désir et sa finalité, le plaisir, qui nous est proposée. Pourquoi éprouvons-nous des attirances très fortes qui ne sont pas les mêmes d'une personne à l'autre ? D'où vient ce grand mystère de la diversité des êtres vivants ? C'est aussi une réflexion sur la société, sa dureté, ses rejets : pourquoi des existences privées, des comportements intimes qui sont pacifiques, qui ne menacent nullement l'ordre public sont-ils considérés comme des menaces au point de les pénaliser, d'interdire leur libre expression ? Les clivages politiques traditionnels sont d'ailleurs remis en question : dans les années 60, il ne faisait pas toujours bon d'être homosexuel quand on appartenait au parti communiste français. Un grand magazine comme Paris-Match, encore en 1979, se permettait un reportage sur "La vague homo" agrémenté de commentaires qui seraient jugés aujourd'hui homophobes.

Le débat qui a suivi la projection avait pour invité Michel Magniez, de l'association SOS homophobie, dont le témoignage et la réflexion ont été particulièrement riches et éclairantes. Parmi le public, j'ai eu le plaisir de faire connaissance avec le sympathique et dynamique Jean-Claude Ester, délégué des droits (ex-Halde) sur Saint-Quentin, dont la permanence est ouverte tous les mercredis après-midi, au Point Info Droit, dans l'Hôtel de Ville. Les problèmes de discrimination peuvent (et doivent !) lui être soumis.

La prochaine séance de ciné philo se tiendra le vendredi 8 mars, dans le cadre de la journée mondiale des femmes, avec la projection du film Les femmes du bus 678, en partenariat avec les associations Aster-Internationale et CIDFF. Notre invitée sera Sylvie Racle, avocate au barreau de Saint-Quentin.

Aucun commentaire: