mercredi 27 février 2013

Belle et Bête



Comme beaucoup, j'ai acheté le Nouvel Observateur, j'ai lu l'interview de Marcela Iacub et les extraits de son ouvrage, "Belle et Bête", relatant sa liaison avec Dominique Strauss-Kahn et les réflexions qu'elle lui a inspirées. Soyons clairs : je suis et demeure strauss-kahnien, j'ai la fidélité politique dans la peau, DSK est un homme d'Etat, un grand économiste, un social-démocrate moderne ... mais sa vie privée l'a rattrapé, dans les conditions que vous savez. Il n'est plus aujourd'hui un personnage politique, mais une sorte de mythe planétaire qui dépasse l'individu qu'il est. C'est ce que l'essayiste Marcela Iacub a tenté d'analyser : "Je voulais tirer quelque chose d'universel de cette histoire, montrer des choses qui peuvent toucher tout le monde à propos du désir, du sexe, du dédoublement de chacun d'entre nous entre l'humain et le cochon".

De ce point de vue, ce que j'ai lu est intéressant et réussi. Tous ceux qui font un procès au Nouvel Obs, l'accusant d'indécence ou de profit, n'ont rien compris. Que DSK soit outré et saisisse la justice, c'est normal. Mais l'artiste et l'intellectuelle qu'est Marcela Iacub doit être libre de sa réflexion. La vérité dont elle se réclame est violente, scandaleuse, discutable : logique, toute vérité un peu profonde est ainsi. Encore faut-il bien saisir ce qu'elle nous dit, qui ne dégrade pas DSK à mes yeux, qui au contraire fait de lui un personnage encore plus fascinant.

DSK est un cochon, comme beaucoup d'hommes : il y a des tas de types qui veulent se taper des tas de filles. Sauf qu'ils en rêvent et ne le font pas. DSK fait. Il est libre, rebelle, ouvert, tolérant, égalitaire (il ne frime pas avec de belles nanas, il couche sans discrimination physique ou sociale), respectueux, pas méchant, pas violent, pas violeur. Où est le problème ? Que Strauss n'est pas assez cochon ! selon Iacub. Il y a en lui un homme qui gâche sa propre vie, qui se dédouble : c'est l'individu public que nous connaissons, rationnel, responsable, maître de lui, tout le contraire du cochon.

Qui a fait cet homme ? Une femme, son épouse, Anne Sinclair, qui le rêve en maître du monde. Dans cet objectif, il faut transformer le cochon libre et jouissif en caniche obéissant et rigoriste. Mais Anne est suffisamment intelligente pour savoir que ce n'est qu'une image. Elle a cette phrase, rapportée par Marcela Iacub : "Il n'y a aucun mal à se faire sucer par une femme de ménage". En dehors de toute considération morale, c'est vrai : "Il n'y a pas de mal à se faire du bien", dit l'adage populaire. Mais quand on veut devenir président de la République dans la société contemporaine, cette liberté se paie par un dédoublement de personnalité. C'est le drame de DSK, qui fait de lui une victime, pas un coupable.

Du coup, cette humiliation qu'il subit (cochon transformé en caniche), il la fait subir à son entourage, dans ses relations de pouvoir. C'est à plaindre plus qu'à détester, nous dit Iacub. Elle a cette formule étonnante et paradoxale : DSK est "peut-être le plus puritain des citoyens de ce pays" ! Il ne méprise pas les femmes mais le sexe, qui l'oblige à se scinder en deux personnages. Ainsi tiraillé, il est condamné à tout rater, en amour comme en politique.

Quelle serait la solution pour lui ? "Médicaliser l'homme et sauver le cochon" ! Renoncer à ce pouvoir qui n'est pas à son niveau, qui ne le mérite pas, assumer la bête en lui, non pas dans la vulgarité mais au contraire dans la sublimation : "transformer son sperme en écriture" ! La rédemption par la littérature, c'est peut-être le fantasme de l'écrivain Marcela Iacub, dans un ouvrage peut-être tout entier construit sur les fantasmes d'une récente maîtresse. DSK a démenti, il faut donc aussi respecter sa parole. Mais la réflexion de Iacub n'en reste pas moins intéressante, quel que soit son degré de vérité, et si l'on fait abstraction de la crudité et cruauté des mots qu'elle emploie.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Le cochon dans le langage campagnard c'est aussi le sanglier , fier et sauvage , qui se défend quand on l'attaque ... Mais qui apprivoisé jeune peut se révéler un excellent compagnon !! A méditer pour ceux qui ne pense que tout est blanc ou tout noir ... Rien dans la vie ne l'est cependant complètement !!
Une légende aussi : Le sanglier des Ardennes ! Si le terrible surnom de Guillaume de La Marck a traversé les siècles jusqu'à s'installer dans l'inconscient collectif, le personnage s'est voilé d'un nuage d'opacité. Peu de documents subsistent sur l'homme. On le présente comme un fauve, barbu, hirsute, vautré dans le sang de ses victimes.