vendredi 15 février 2013

Claudine se met au vert



La nouvelle n'est pas énorme, mais tout de même intéressante, et un peu énigmatique. Le Courrier picard en a fait un bref article, et L'Union un papier plus long, signé Roustand. De quoi s'agit-il ? D'une transhumance au sein de la majorité au Conseil régional de Picardie : une élue socialiste est passée chez les Verts, une Axonaise, Claudine Dunas-Doukhan. Je ne vais pas vous mentir : ce n'est pas seulement une camarade, je la connais personnellement, autant qu'on peut connaître quelqu'un qui vous a invité à dîner chez lui. Mais cette sympathie ne m'empêche pas de dire ce que je pense : politique et amitié sont deux choses différentes.

Ce genre de transfuge n'est pas trop fréquent. Elu sous une étiquette, on le reste. Changer en cours de mandat, c'est embêtant : on élit une socialiste, on se retrouve trois ans après avec une écolo. Mais EEVL en Picardie recycle facilement socialistes ou communistes : Dominique Jourdain et Michèle Cahu sont passés par là. Bien sûr, il y a l'argument providentiel : "Seuls les imbéciles ne changent pas d'avis". Si la formule dit vrai, je suis le roi des cons : je suis entré au parti socialiste en 1995 pour soutenir Jospin, j'ai continué avec Strauss-Kahn et je suis aujourd'hui à fond derrière Hollande. Bref, ma ligne a toujours été social-démocrate, mon parti ne m'a jamais déçu et je mourrai socialiste, con que je suis, je vous dis !

Mais une petite musique intérieure me fait penser que la fidélité, la continuité, la cohérence ont aussi un sens en politique. Claudine était adhérente au PS depuis plus longtemps que moi. Pourquoi l'a-t-elle quitté ? Si un évènement particulier, un choix du parti avaient suscité sa réprobation, je pourrais comprendre : quand Mélenchon s'en va, on saisit tout de suite les motifs idéologiques, et le départ est collectif. La décision de Claudine est individuelle et ne correspond à aucun tournant dans la politique du parti ou du gouvernement qu'elle aurait été amenée à réprouver.

Quelle est sa justification ? Que le PS n'a pas "su prendre en compte les questions environnementales" ! Et Claudine en a maintenant la révélation, pas avant ? Quand elle s'est fait élire en mars 2 010, le PS était-il plus écolo qu'aujourd'hui ? Non, je ne crois pas, notre ligne politique dans ce domaine n'a pas changé. Alors quoi ? Quelles sont les véritables raisons de Claudine ? Mystère et boule de gomme. C'est peut-être purement perso (Laurence Rossignol, camarade et collègue, lui avait passé publiquement un savon mémorable qui a pu lui rester en travers de la gorge ...). Les comportements politiques tiennent parfois à de petites choses.

Toujours est-il que les socialistes axonais perdent une élue à la Région. Mais bizarrement, Claudine Doukhan reste dans le groupe socialiste au lieu de rejoindre les élus de son nouveau parti ! L'histoire commence par une énigme et se termine sur un mystère. Je laisserais le dernier mot à Claudine : "Il ne s'agit pas d'un choix de carrière mais d'un acte de conviction." Ouf, j'ai failli avoir peur ...

10 commentaires:

Évi a dit…

Et si tout simplement elle a été séduite par le bon fonctionnement du groupe écologique à la région et aussi par les idées , pourquoi ne pas le croire?
Car être fidèle au PS, parti d un siècle passé, il faut le faire.
Car comment faire de la politique aujourd'hui avec des idées d'hier?
Le PS ne jure que par la croissance quand il faut tout repenser, le pétrole flambe on nous présente les gaz de schistes, et le réchauffement climatique? Vous y pensez au PS? Créer des emplois c'est possible, il suffit de penser à économiser l'énergie dans l'habitat et hop avec une pierre deux coups, car la précarité énergétique fait rage à St. Quentin.
Et l'agriculture? Combien d'emplois proches de chez nous? Il suffit de passer, pas tout, en partie suffit, à l'agriculture biologique.
C'est pour tout ça que peut être Claudine que je ne connais pas est passée chez les écolos.

Thierry a dit…

Le ton est sarcastique et incrédule sur la motivation de Claudine.
Pourtant, si l'expression "en avoir marre" existe, c'est qu'on est tous capables d'espérer, de concéder, de supporter, pendant très longtemps (et pas seulement dans la vie politique). Jusqu'à ce qu'on soit lassé et qu'on dise enfin : "assez".

Emmanuel Mousset a dit…

Evi,

Je souhaite de tout coeur que tu aies raison. C'est la politique qui m'a habitué, peut-être à tort, à être pessimiste sur la nature humaine.

Emmanuel Mousset a dit…

Thierry,

La pensée est intéressante que si elle est sarcastique et incrédule.

Claudine a dit…

La fidélité, n'est pas mono-forme, Il y a différentes fidélités. La première d'entre elles, la plus difficile et aussi la plus vertueuse, c'est la fidélité de ses actes à son idéologie. Ce n'est que dans cette fidélité qu'on mesure la fidélité d'une personne. Comme disait Etienne Rey dans la préface de De l'amour de Stendhal : " Il y a dans la fidélité de la paresse, de la peur, du calcul, du pacifisme, de la fatigue et quelquefois de la fidélité."
Je suis socialiste mais je n'adhère pas dans la social-démocratie - C'est pour cela que je vous quitte. L'écosocialisme est pour moi la réponse depuis bien longtemps. J’adhère totalement dans ce paradigme de civilisation. Se battre contre le capitalisme moderne et pousser vers une alternative globale … entre écologie et socialisme.

Emmanuel Mousset a dit…

Chère Claudine,

Je ne veux pas remuer le couteau dans la plaie. D'ailleurs, je n'ai pas de couteau et tu n'as pas de plaie. Mais je te rappelle que le parti socialiste est social-démocrate depuis 1983, date à laquelle il a tourné le dos aux engagements traditionnellement socialistes du Programme commun.

Ceci dit, j'aime beaucoup Stendhal, je vais régulièrement me recueillir devant sa tombe dans le cimetière de Montmartre, et je ne connaissais pas cette juste et belle définition de la fidélité proposée par Etienne Rey.

A bientôt

Anonyme a dit…

Ce n'est pas parce que le PS est social-démocrate depuis 1983 que tous les socialistes sont forcément au courant,
l'information met parfois du temps à arriver,
demandez à Mélenchon.

Claudine a dit…

Je ne leur reproche certes pas d'avoir rompu avec l'approche messianique qui fit d'une grande idée une réalité totalitaire. Et cette histoire-là ne doit jamais être perdue de vue. Mais elle ne peut justifier l'abandon de toute tentative de conceptualisation d'une politique qui doit tout de même affronter des défis aussi lourds que la survie de la planète ou du système économique dominant depuis deux siècles.

Claudine a dit…

A "l’anonyme…" (?!): ce qui fait défaut au PS aujourd’hui, c'est une capacité à articuler le présent et l’avenir, les enjeux du moment et ceux du plus long terme, le programme et le projet...
Un excès d'optimisme m’amenait, il est vrai à conclure que le PS pourrait choisir enfin de se tourner, non vers la social-démocratie, mais vers l'éco-socialisme de demain..., bref de préférer à la facilité des discours d'hier le souci de l'analyse de ce qui est en train d’advenir !

Ane-Vert a dit…

J'ai de l'admiration, et parfois de la nostalgie, pour les civilisations nomades. Claudine dans ce registre fait fort. Sitôt élue Conseillère Régionale en Thiérache (bon je sais ce ne sont pas des élections par circonscriptions, mais c'est là qu'elle a fait campagne)... elle a filé à Château-Thierry. Peut-on espérer qu'elle revienne en Thiérache ?