dimanche 24 février 2013

Faut qu'ça saigne



François Hollande est resté hier pendant dix heures au milieu des veaux, des poules et des cochons ... Aurait-il sacrifié autant de temps dans un salon de l'industrie et des nouvelles technologies ? Pas sûr ... Un socialiste qui consacre sa journée à un milieu majoritairement de droite, c'est beau. Sans doute s'est-il souvenu de sa présence, déjà longue, l'an dernier au même endroit ? Comme quoi marcher dans le fumier porte bonheur ... Surtout, le président de la République sait que moins la France a de paysans et plus les Français les adorent, faisant au salon de l'agriculture le même succès qu'au salon de l'automobile (ne cherchez pas l'erreur, il n'y en a pas).

Les vedettes de ce salon, que les hommes politiques viennent caresser et que les télévisions viennent filmer, ce sont les vaches, toujours les vaches, avec qui il fait bon se faire photographier. Mais pourquoi les vaches ? La "plus grande ferme de France" (c'est l'image imposée) contient plein d'autres animaux. Why les vaches ? Pourquoi pas les chevaux, la "plus noble conquête de l'homme" (autre image imposée) ? Non, je n'ai jamais vu un homme politique se faire prendre en train de flatter la crinière d'un canasson. Pourquoi ?

Pourtant, une vache, c'est gros, c'est pas beau, avec ses gros pis, ses taches sur la peau, ses meuh meuh disgracieux. C'est tout juste bon à amuser les enfants, qui ne voient jamais de bêtes à cornes et qui s'amusent avec n'importe quoi. Mais depuis quelques semaines, le cheval n'a pas la cote : on en croque, paraît-il, dans nos lasagnes, et peut-être dans d'autres surgelés, à la place du boeuf. Du coup, tout le monde prend peur. Bizarre : le cheval, ce n'est pas dangereux, c'est même très bon. Et puis, dans les boucheries chevalines (qui disparaissent hélas de plus en plus), ce que j'aime beaucoup, c'est la tête de cheval en métal au dessus de la vitrine. Pourquoi préfère-t-on le boeuf au cheval ? Sûrement parce qu'il est en parenté avec les vaches. C'est injuste : un cheval, ce n'est pas lui qui regarderait passer bêtement les trains !

En fait, on ne veut peut-être pas bouffer du cheval (comme on bouffe parfois de la vache enragée !) parce qu'on respecte la bête, puisque c'est "la plus noble conquête de l'homme" ? Tu parles ! "Noble" et "conquête", c'est antinomique : l'homme a conquis le cheval comme Jules César a conquis la Gaule, aucune noblesse là-dedans, que de la violence, de la domination. Le cheval est l'animal le plus exploité, le plus humilié, le plus ridiculisé de tous les temps. On enferme sa gueule entre des sangles, on plante des clous dans ses pattes, on taillade ses flancs avec des fers et on monte sur son dos : aucune bête, depuis des millénaires, n'a été autant martyrisée que le cheval. Et je ne parle même pas des travaux d'esclave auxquels on l'a astreint ... Aujourd'hui, si les êtres humains font des chichis à manger du cheval, c'est parce qu'ils ont tout ce tragique passé à se faire pardonner.

Et puis, il y a cette histoire de cheval "roumain", cette "vieille carne" comme l'a appelé je crois Laurent Fabius. C'est ce bestiau qui vient empoisonner nos surgelés, semble-t-il. Mais pourquoi le cheval de là-bas serait-il suspect ? J'imagine ce pays avec de vastes prairies où les chevaux doivent être heureux et bien gras. Bien sûr, la Roumanie, pour pas mal de nos concitoyens, n'évoque pas grand chose, sinon les petits mendiants, les Roms et leurs roulottes tirées par des ... chevaux. Et si la peur venait de là ? Manger du cheval de Roms ! C'est idiot : un cheval est un cheval, d'où qu'il vienne. Pour ma part, je serais très heureux de manger du cheval chinois, par exemple.

Vous me direz peut-être que le problème n'est pas là, mais que c'est une question d'information, un droit de l'homme, du citoyen et du consommateur : savoir ce qu'on a dans notre assiette et d'où ça vient. Non, ça n'a aucun intérêt ; ce qui compte quand je suis devant un morceau de viande, c'est son prix, son allure et son goût, pas son origine. Je veux qu'il soit bien rouge, pas cher, très tendre, avec des filets de sang. Tout ce débat autour de l'étiquetage et la traçabilité (quels mots !), ce sont des obsessions alimentaires et des fantasmes identitaires. Il faut vraiment n'avoir rien d'autres à faire que se tourmenter pour ça !

Dans le même genre, il y a l'affaire des farines animales (là aussi, quelle drôle d'expression, antinomique). On s'étonne et on s'inquiète parce qu'on donne à manger de la viande à nos poissons d'élevage. Comme si les gentils poissons étaient végétariens ! Enfant, j'ai longtemps pratiqué la pêche, je sais de quoi il en retourne : il n'y a que nos pauvres poissons rouges qui bectent des graines, tous les autres, fiers et libres, consomment de la viande, asticots, vers, larves, insectes et sont même un tantinet cannibales en mangeant d'autres poissons. Depuis que nos animaux familiers sont domestiques, chiens et chats, nous avons oublié ce qu'est une bête, nous ne connaissons plus les moeurs des poissons. Jetez un cheval mort, roumain ou pas, dans la mer, plein de poissons viendront le bouffer.

François Hollande a eu beau parcourir pendant dix heures les allées du salon de l'agriculture, les Français ne savent plus ce qu'est la nature, ses plaisirs et ses cruautés. C'est pourquoi la déambulation pédagogique du chef de l'Etat est méritoire.

Aujourd'hui, je vous ai parlé de vache, cheval, boeuf, poisson. Dans mon billet de demain, je vous parlerai de cochon, mais d'un drôle de cochon, mi-homme, mi-porc, tenant aussi du caniche, un cochon sublime. Demain.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

vivement demain, on va avoir un article sur DSK ! :-)

Emmanuel Mousset a dit…


C'est fort ! Comment avez-vous deviné ?

WERY Aurélien a dit…

parce que je viens de regarder le zapping de Canal + et un passage sur DSK le présentait comme "porc"...ça a fait tilt... :D

Emmanuel Mousset a dit…


Attention, pas un vulgaire porc : un cochon sublime ...

Anonyme a dit…

Dans chaque HOMME , il y a un PORC qui sommeille , pour DSK il s'est réveillé et jamais rendormi , c'est bien là le problème ....

Et comme tout animal guidé par un instinct incontrôlé , un jour il tombe dans le piège !!!

Emmanuel Mousset a dit…


Mais pourquoi notre société fait-elle désormais la chasse aux cochons ? C'est son puritanisme qui est en cause.

Hubert a dit…

Une rumeur enfle dans les gradins:
"Lui aussi ose entrer dans l'arène !"
(applaudissements d'encouragement)