mardi 26 février 2013

Fini de rire



Ca pourrait presque être une histoire drôle si elle n'était, au fond, assez triste. François Hollande, en visite au salon de l'agriculture, répond à un enfant qui lui dit n'avoir jamais vu Nicolas Sarkozy : "Bah, tu ne le verras plus", ce qui amuse tout le monde autour de lui. Ce n'est pas une blague, ni une plaisanterie, pas même une boutade ou un trait d'humour, c'est une simple remarque, une évidence prononcée sur un ton amusé, très retenu, sans véritable ironie. Dans une société normale, personne n'y ferait attention. Nous ne vivons pas dans une société normale, mais malade de ses médias, avec une droite malade d'avoir perdu le pouvoir.

Car le buzz, c'est-à-dire le bruit, le vent, le n'importe quoi, a été immédiat (L'Union en a fait son gros titre de une, hier !). La droite est montée très vite sur ses grands chevaux. Aurions-nous la droite la moins marrante du monde ? Nathalie Kosciusko-Morizet a parlé, le regard sombre et la bouche pincée, d'insulte, de dérapage, d'une volonté de refaire le match de l'élection (où est-elle allée chercher ça !?). François Fillon, plus modéré, a trouvé le propos du président "pas très élégant". Brice Hortefeux, sûrement en connaisseur, a traité la répartie d'archaïque (?) et sectaire (comprend-t-il vraiment le sens des mots qu'il emploie ?). Frédéric Lefebvre a regretté une phrase maladroite, déplacée, un calcul politicien (!). Quant à Luc Chatel, il s'est fait moraliste en condamnant la petitesse et le mépris de la réplique présidentielle à la gamine.

La droite, vous le constatez, n'a pas ménagé ses efforts : quel festival de réactions ! Comme s'il y avait eu sacrilège ou profanation ... En vérité, nous héritons d'une droite puritaine, qui dénonce aujourd'hui le rire (ou plutôt le sourire) comme autrefois le sexe. Mitterrand avait la dent dure, de Gaulle était coutumier des bons mots. Mais maintenant, fini de rire ! Le paradoxe, c'est que l'esprit de dérision s'est répandu dans toute la société, que les hommes politiques sont sans cesse moqué, mais qu'eux n'ont absolument plus le droit de se moquer !

C'est grave : la République, c'est la liberté, notamment la liberté d'expression. Hors les rigueurs de la loi, chaque citoyen, président de la République compris, emploie le ton, le style et les mots de son choix. Si j'ai envie de qualifier Kosciusko-Morizet de sorcière, pourquoi pas ? Et si elle me traite de nain, no problem ! Certes, l'échange n'est pas d'un niveau très élevé, mais la démocratie est à ce prix. Sous la Troisième République, le sarcasme, le pamphlet, la caricature étaient monnaie courante, et d'une violence verbale qu'on n'imagine plus aujourd'hui. La phrase de Hollande serait passée inaperçue à l'époque de Clémenceau. Alors, fini de rire ? Faites comme vous voulez, mais moi je continue.

Le plus rigolo dans cette affaire, c'est qu'avec Nathalie Kosciusko-Morizet, on est passé de la droite bling-bling à la droite prout-prout, et que la dame a oublié que son président préféré, dans ce même salon de l'agriculture, avait il y a quelques années utilisé l'injure. C'était mieux que l'humour ? Je me demande même si un psychanalyste n'expliquerait pas les jugements indignés et outranciers de la droite comme une forme de rachat inconscient de leur leader déchu : effacer la faute originelle du "casse-toi, pauv'con !", voilà peut-être la fonction purgative de ces cris d'orfraie. On se venge de ses propres erreurs comme on peut, n'importe quel analyste vous le dira ...


Demain, cette fois c'est promis, il y aura du cochon à table.

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