jeudi 13 septembre 2012

Un Désir très ancien



C'est donc Harlem Désir qui dirigera le parti socialiste. Harlem ! Je l'ai connu quand il n'était pas encore connu, il y a un peu moins de trente ans. Il faut remonter à 1984 : je m'installe à l'automne à Paris et participe à une opération (à mobylette !) en faveur de la France multiculturelle (très à la mode à l'époque), avec un slogan du genre "pour que ça marche, il faut du mélange". A l'arrivée à Montparnasse, un badge se vend comme des petits pains, "Touche pas à mon pote", avec le dessin d'une main jaune, par une petite organisation inconnue, SOS racisme. C'est le début d'une grande aventure, en un temps où l'extrême droite était moins puissante qu'aujourd'hui.

J'adhère assez vite à SOS, j'essaie de monter un groupe à Pantin, où j'habite. Je participe aux réunions à la Mutualité, je suis les conférences de presse du mouvement qui gagne en ampleur, surtout médiatique. Harlem Désir n'est pas l'homme qu'on connaît aujourd'hui, responsable socialiste parmi d'autres ; c'est alors une formidable vedette, qui s'affiche en couverture des grands magazines, qui fait un carton quand il passe à la télé à l'émission "L'heure de vérité", qui mobilise des dizaines de milliers de personnes lors d'un concert géant à la Concorde (j'y étais !).

A l'époque, je suis pigiste (je crois que ce mot n'existe plus aujourd'hui, on dit semble-t-il correspondant). Je travaille pour deux journaux aujourd'hui disparus, Globe et Le Quotidien de Paris. A ce titre, j'interview Harlem désir (quel nom ! qu'on croit inventé alors qu'il est réel, qui fait rêver ...). Harlem est sympa, charismatique, il a mon âge, je partage complètement, et avec enthousiasme, son discours sur la France multiculturelle, son antiracisme d'un genre nouveau, convivial. Julien Dray est son bras droit, l'intello du groupe, derrière la tête d'affiche.

A la fin des années 80, une question se pose avec la montée du Front national et le reflux de la mode SOS : qu'est-ce qu'on fait politiquement ? Il y a une courte tentative d'orga indépendante dont j'ai oublié le nom (le mot égalité figurait dans le titre) et puis Harlem Désir a rejoint le PS, ce qui n'était pas son intention au départ, mais il fallait bien être réaliste. A partir de là, la vedette a joué dans le parti les rôles secondaires, s'est fait oublier, laissant la place à "Juju". Harlem s'est normalisé, banalisé, il est passé de leader antiraciste flamboyant à responsable socialiste ordinaire (apparatchik, disent certains, mais c'est un vilain mot). Depuis sept ou huit ans, il a resurgi en première ligne. Dans quelques semaines, il deviendra très probablement le numéro un du PS. Quand il est venu il y a quelques années à Saint-Quentin, je ne lui ai pas rappelé qu'on s'étaient connus et rencontrés il y a bien longtemps. Je n'aime pas revenir en arrière. Mais j'aimerais qu'à l'occasion de sa désignation à la tête du PS, nous retrouvions le jeune homme enthousiaste et populaire qu'il était alors.

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