mercredi 5 septembre 2012

La rentrée d'Anne Ferreira



Ce week-end a sonné la rentrée de la classe politique axonaise, à La Capelle pour l'inauguration de la foire aux fromages (voir mon billet de dimanche) mais aussi à Saint-Quentin pour les cérémonies de la Libération de la Ville. Dans ce genre de rencontre, les hommes politiques distillent savamment quelques bons mots à destination de la presse, qui seront repris dans le journal du lendemain. C'est tout un art, un métier, un savoir faire, du "off" qui a plus d'impact qu'une déclaration officielle bien bordée. Mais le "off" existe-t-il ? Non, je ne crois pas : une parole politique est toujours à finalité publique, même quand elle est prononcée sur le ton de la confidence.

Anne Ferreira, vice-présidente du conseil régional de Picardie, a choisi la cérémonie patriotique pour faire sa rentrée politique et médiatique, en livrant ses réactions à Alice Meunier, dans l'édition de lundi du Courrier picard. Son angle d'attaque : deux points protocolaires, le port de l'écharpe tricolore et l'ordre de succession dans le dépôt de gerbe.

Sur le premier point, à la suite d'une précédente cérémonie patriotique, celle du 8 mai, Gontran Lefebvre, délégué de circonscription UMP, avait envisagé de porter plainte contre Anne Ferreira pour port illégal de l'écharpe tricolore, une conseillère régionale n'étant pas autorisée selon lui à l'arborer. Qui dit vrai ? Je n'en sais foutrement rien et ça ne m'intéresse pas. Toujours est-il qu'Anne n'a pas remis dimanche dernier le tissu en litige, mais a riposté sur le même terrain que son attaquant, en contestant à son tour la même écharpe enfilée cette fois par les adjoints : "il me semble que seul le maire ou son représentant en son absence peut la porter". C'est la réponse du berger à la bergère ou, si vous préférez, l'effet boomerang. Le symbole national, les trois couleurs, ce n'est pas rien. De là à en faire l'objet d'une polémique, s'écharper pour une écharpe, j'hésite ...

Le deuxième point, l'ordre de succession dans le dépôt de gerbe, est inédit. La récrimination d'Anne Ferreira, c'est qu'elle a été en quelque sorte mise au rebut, en fin de file, la dernière à déposer sa gerbe, après tout le monde, et qu'elle l'a manifestement mal vécu, subi comme une injustice. Là aussi, que faut-il en penser ? Ce genre de protocole est strictement défini et la réponse précise existe. Ne comptez pas sur moi pour perdre mon temps à la rechercher, mais des lecteurs passionnés peuvent essayer et me la transmettre. Ce que je sais, c'est qu'à Saint-Quentin le grand maître des cérémonies, depuis très longtemps, est Jean-Claude Decroix, un type très scrupuleux et sans parti pris. Une erreur n'est jamais à exclure, mais c'est à voir ...

Laissons la dimension protocolaire pour aller à l'essentiel, la dimension politique. Visiblement, Anne Ferreira adopte une stratégie victimaire, assez payante dans la société telle qu'elle est : montrer qu'on est exclu attire forcément la sympathie sur soi. Mais la démarche a aussi ses limites, elle ne fonctionne pas à tous les coups. J'y vois plusieurs inconvénients : d'abord, elle laisse supposer qu'on n'a rien d'autres à dire, ce qui est embêtant. Ensuite, le reproche fait à la Municipalité est tout de même assez mineur, presque anecdotique, une histoire d'écharpe et de gerbe. Enfin, le protocole relevant d'une science compliquée, on peut facilement se prendre les pieds dans l'écharpe ou dans la gerbe et voir l'affaire se retourner contre soi.

Si j'étais le conseiller en communication d'Anne Ferreira, je ne l'aurais pas incitée à s'engager dans cette histoire. Quoi qu'on dise, en politique comme ailleurs, il vaut mieux faire envie que pitié. Quant à l'affront personnel, à la blessure narcissique, il faut laisser pisser le mérinos (tiens, c'est la deuxième fois de suite que j'emploie cette expression, déjà dans le billet d'hier ; elle doit me plaire, bien que je ne sache rien du système urinaire de ces animaux). Ce qui compte en politique, c'est ce qui se voit, c'est ce qui est public, par définition. Anne n'aurait rien dit à propos de l'écharpe et de la gerbe, personne n'en aurait rien su, rien vu et l'humiliation, si celle-ci est effective, serait passée à côté de son objectif. Voilà ce que j'en dis, mais j'ai peut-être tort ; ma situation politique personnelle n'est pas suffisamment brillante pour que je donne des leçons aux autres.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Il en va de même pour les conseillers municipaux lorsqu'ils remplacent le maire en application de l'article L. 2122-17 ou lorsqu'ils sont conduits à célébrer les mariages par délégation du maire. Le port de l'écharpe tricolore est donc limitativement restreint tant pour les adjoints que pour les conseillers municipaux à l'exercice des fonctions d'officiers de police judiciaire et d'officier d'état civil et lorsqu'ils remplacent ou représentent le maire. Dès lors, le port de l'écharpe en dehors de ces circonstances et notamment dans les cérémonies publiques en présence du maire, ou se déroulant à l'extérieur du territoire de la commune, est totalement exclu. En ce qui concernent les parlementaires, les articles 163 du règlement de la l'Assemblée nationale et 107 du règlement du Sénat précisent que les députés et les sénateurs portent des insignes « lorsqu'ils sont en mission, dans les cérémonies publiques et en toutes circonstances où ils ont à faire connaître leur qualité » ; la nature de ces insignes est déterminée par chaque assemblée. Si ces textes ne donnent aucune indication sur la manière dont l'écharpe doit être portée, la tradition se perpétue cependant depuis l'édiction du règlement de l'Assemblée nationale constituante, en date du 31 mai 1848, prescrivant en son article 72 que « dans les cérémonies extérieures, les représentants portent, en outre, une écharpe tricolore à franges d'or suspendue à l'épaule droite et passant sous le bras gauche ». L'usage veut que les glands se placent sur la gauche à hauteur de la ceinture, et que, dans la position des couleurs, le bleu se situe au-dessous, le rouge se trouvant au-dessus, près du cou et de la tête.

Emmanuel Mousset a dit…

Merci pour ces précisions, mais n'allez pas rajouter une polémique sur la position des glands ...

Anne Lambert. a dit…

"Si j'étais le conseiller en communication d'Anne Ferreira, je ne l'aurais pas incitée à s'engager dans cette histoire."
Une question de néophyte : Anne Ferreira a-t-elle un(e) conseiller(e) en communication ?
Pour l'avoir vue à quelques reprises, je crains que non, car il y avait des erreurs que n'importe quel(le) conseiller(e) en communication lui aurait évitées.
Après, c'est peut-être tout à son honneur de communiquer sans avoir de conseiller(e) dédié(e) à ce point.

Emmanuel Mousset a dit…

"Conseiller en communication" est sûrement un terme trop fort, mal choisi. En tout cas, dans la vie politique telle qu'elle est aujourd'hui, il faut veiller à la communication, d'une façon ou d'une autre. On peut le déplorer mais on ne peut pas y échapper. C'est vrai que la campagne des législatives a été émaillée d'erreurs de com' (je pense en particulier au refus de débattre avec Xavier Bertrand ou aux annonces prématurées et non confirmées de venues de personnalités). Ce qui est rageant quand on est de gauche, c'est de se dire qu'une bonne communication aurait peut-être permis de rattraper les 222 voix de retard.