dimanche 23 septembre 2012

Décryptage



Dans son édition du dimanche, le Courrier picard nous gratifie d'une rubrique très intéressante : la reprise critique d'un article de la semaine, intitulée "Décryptage". Je me suis pris à mon tour au jeu, à partir d'un papier politique paru hier, une interview du député-maire Xavier Bertrand, accompagnée des réactions du chef de file de l'opposition municipale Jean-Pierre Lançon (voir vignette).

Ce qui est d'abord stupéfiant, ce qui saute au visage, c'est la photo prise par Guillaume Carré : un Xavier Bertrand énorme, qui mange les deux pages, cette photo prenant plus de place que le texte. Quand on sait que les lecteurs ne lisent pas toujours mais retiennent avant tout les photos d'un journal, celle-là est impressionnante. Je ne me souviens pas avoir vu, pour un évènement, une illustration aussi grande. Quand on est comme moi de gauche, la puissance politique du maire de Saint-Quentin s'impose à travers cette image qui s'étale, qui occupe l'espace, qui écrase, qui donne presque le sentiment que Xavier Bertrand a déjà gagné les prochaines élections !

Les premiers mots de l'entretien confirment ce sentiment : "Animé par une confiance inébranlable en lui, Xavier Bertrand ne doute de rien". Un guerrier est à table ! Celui qui l'interviewe, c'est le rédacteur en chef du journal, Nicolas Totet, auquel il s'était affronté il y a quelques années, lors d'un débat télévisé mémorable, qui avait eu un impact national. C'est peut-être la première fois, depuis, que les deux hommes se sont retrouvés face à face pour une longue durée (j'aurai bien voulu être petite souris pour voir ça !).

Je reviens à la photo, qui est riche d'enseignements : elle est prise en contre-jour, plongeant Xavier Bertrand dans une légère pénombre. Sans cravate, le regard baissé, l'index sur la bouche comme pour dire chut (c'est son geste coutumier, qui marque en fait chez lui un temps de réflexion), ces éléments atténuent la majesté de l'image. En pleine lumière, les yeux dans nos yeux, la rencontre n'aurait pas été soutenable.

D'autres éléments apportent une touche d'étrangeté au tableau, dissipent un peu son impact, détournent légèrement notre attention. Il y a, dans le dos du maire, le décolleté de marbre d'une Marianne décapitée par le haut de la photo. Surtout, à côté, figure une étrange effigie, une sorte de Mickey (moi qui me voulais petite souris !) barré d'une écharpe tricolore, un sourire dans une image et un sujet austères. Si je laisse aller mon imagination, je vois de plus en plus Xavier Bertrand en Philippe Séguin, mais il lui manque les rides, le rire tonitruant et la grosse voix.

A côté, l'article consacré au représentant de l'opposition est forcément plus petit, avec une photo en timbre-poste. A l'inverse de Xavier Bertrand, la lumière vient de face mais s'arrête, nouvelle étrangeté, sur une plante bizarre, au premier plan, à laquelle semble parler Jean-Pierre Lançon. Je ne sais pas quel est ce végétal : sa corolle est rose mais ce n'est pas la rose socialiste. Une sorte de tuyau s'enroule à la base, c'est très curieux.

Dans le titre, il est question des "banderilles du socialiste". Drôle d'expression, comme si Jean-Pierre était un toréador (l'air de Bizet me revient à l'esprit) face à la bête. Est-ce l'influence du débat sur la tauromachie qui a agité cette semaine l'actualité (voir mon billet de vendredi) ? Mais les banderilles ne tuent pas, elles ne font qu'exciter le taureau. En garde, un oeil noir te regarde ! Et puis, il y a cette phrase révélatrice qui termine l'article : "Pour 2014 [les élections municipales], ma ligne est Anne Ferreira. Maintenant, s'il y a un autre choix, je suivrai". Jean-Pierre Lançon a le nez fin et prudent : je confirme, il y aura un autre choix.

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