lundi 3 septembre 2012

Les dieux doivent être tenus



En ce jour de rentrée des enseignants, une nouveauté : le projet de Vincent Peillon d'enseigner la "morale laïque" à l'école, qui me laisse sceptique. Car de quelle morale s'agit-il ? Faire aimer le travail, développer la vertu du courage, apprendre aux élèves le respect de l'autorité, les initier à la vie collective, montrer la valeur et la nécessité de la discipline, c'est ce que j'appelle la morale scolaire, que tout enseignant prodigue à ses classes dans l'exercice même de son métier.

Pas besoin non plus d'enseigner la morale civique, puisque cela se fait déjà dans les cours d'instruction civique, l'ECJS : les devoirs du citoyen, le vote, l'usage des droits, la soumission aux lois, le permis et le défendu, l'expression des opinions, l'obligation à s'informer, ... Quant aux notions morales de bien et de mal, la réflexion sur le sens de l'existence, évoquées ce matin par Vincent Peillon sur France-Inter, c'est au cours de philosophie que revient ce travail.

Bref, je vois mal ce que peut être cette "morale laïque", qui n'est pas sans risque. Car pas question, en République, d'imposer une morale personnelle aux élèves, chacun étant libre de vivre selon l'éthique de son choix. C'est aux individus et aux familles d'en décider. La "morale laïque" ne peut pas remplacer l'éducation. Il faut veiller aussi à ce qu'elle ne soit pas une sorte de morale athée, qui s'opposerait à la morale chrétienne. Laïque, l'école doit demeurer neutre et indépendante en matière de principes et de modes de vie.

Et puis, l'enseignement d'une "morale laïque" se heurte à des problèmes techniques : qui va se charger de ces cours ? Quels seront leurs contenus ? Comment seront-ils évalués ? Quelle place trouveront-ils dans les examens ? Dans le JDD d'hier, Vincent Peillon parlait de l'école comme d'un "pouvoir spirituel". Non, l'école laïque n'a rien à voir avec aucune spiritualité, au nom même de la séparation des églises et de l'Etat. Ou alors, c'est jouer avec les mots, en définissant la "spiritualité" comme étant le pouvoir de l'esprit, auquel cas toute l'école lui est en effet consacrée. Mais ce n'est pas ainsi qu'on comprend généralement le terme de "spirituel".

Je crois que notre ministre a révélé ce matin à la radio le fond de sa pensée, à travers un très joli lapsus : au lieu de dire, à propos de je ne sais plus quoi, "les deux doivent être tenus", il a laissé échapper un "les dieux doivent être tenus" ! Quelle belle définition de la laïcité ! Oui, il faut "tenir les dieux" en dehors de l'école, pas seulement ceux de la religion (qui séduisent de moins en moins de monde) mais surtout ceux de l'argent, du spectacle, du sport, de la technologie, bref toutes les idoles du monde moderne.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

si vous supprimez les dieux du sport, du spectacle, des affaires, de la politique et de l'argent, quelle sera la motivation pour réussir ses études ?
pour de grandes ambitions il faut de grands symboles de réussite, de grandes idoles.
Ce sont souvent des leures mais avant tout des moteurs.
Dans la vie il faut suivre des traces avant de suivre son chemin.

papi 2 a dit…

Pour ceux qui l'ignore, lire la magnifique "Lettre aux Instituteurs" de Jules Ferry. Lien :
samuelhuet.com/paid/41-textes-officiels/743-lettre-de-jules-ferry

A méditer...