mercredi 1 mars 2017

Fillon fait de la politique



Nous avons sans doute été nombreux ce matin à penser que François Fillon allait renoncer à la présidentielle. Annuler sa visite au salon de l'agriculture, ne pas prévenir ses proches, annoncer une déclaration pour midi : la surprise, la solennité, tout présidait pour un retrait. On comprend pourquoi : les concerts de casseroles, la caisse de résonnance des médias, les suites judiciaires, sa famille mise en cause, son parti affaibli, la baisse dans les sondages, tout allait dans le sens d'un renoncement. Les justifications étaient faciles à prévoir. Mieux vaut un sacrifice qu'un naufrage.

Midi trente nous a détrompés : nous avions tout faux. Fillon tient bon, persiste et signe, reprend de l'assurance, poursuit le combat. Je m'en veux un peu d'avoir pu penser un instant qu'il allait fléchir : suis-je bête ! Un homme politique ne fléchit jamais. Je le sais, pourtant. Quand Tapie, traqué par la justice, est allé demander des conseils à Mitterrand, celui-ci lui a répondu, en substance : "tenez-bon, ne lâchez pas ! La justice, personne n'y comprend rien et les Français ne l'aiment pas. Sortez des arguties juridiques, jouez à la victime, désignez un adversaire et dénoncez-le. Dramatisez, cognez fort. Bref, faites de la politique !"

Un homme normal aurait jeté l'éponge. Mais François Fillon n'est pas un homme normal. Il nous est plus étrange et plus étranger qu'un extraterrestre : Fillon est un homme politique. Il y a consacré toute sa vie, a détenu tous les mandats et fonctions qu'on peut détenir, sauf celui de président de la République. Chacun d'entre nous fait ce qu'il sait faire : Fillon, c'est la politique. Aujourd'hui, Fillon a fait de la politique.

Est-ce une folie ? Non, c'est très réfléchi, et de son point de vue, c'est son intérêt. Imaginez qu'il ait lâché : à deux mois du premier tour, la droite se retrouvait sans candidat, et il est trop tard pour en désigner et lancer un nouveau. L'effondrement aurait profité au Front national. Le pire en politique, c'est de changer de canasson au milieu de la rivière ; alors on perd tout. Quitte à crever, autant pousser la bête au bout de la course. Et puis, on ne sait jamais : un sursaut est toujours possible, dans une vie politique qui va de surprise en surprise.

François Fillon continue. L'affaire qui le poursuit, je n'en parle pas ; sur ce blog, je ne l'ai jamais évoqué : les démagogues et les populistes sont assez nombreux sur le coup, et je n'en suis pas. C'est la justice qui décidera. Mais je conteste le candidat sur deux points : d'abord, ses attaques contre les magistrats, alors qu'il brigue le poste de premier magistrat de France. La justice est mal-aimée de nos concitoyens, incomprise : un responsable politique ne devrait pas l'affaiblir encore plus. Cette institution n'est pas n'importe laquelle : c'est un pilier de la République. Fillon fait donc une mauvaise action, pour se sortir d'une mauvaise passe. Ensuite, il renie son engagement de n'être pas candidat s'il était mis en examen, ce vers quoi on va avec sa convocation devant les juges. Quand on se fait élire aux primaires sur le thème de la probité, qu'on donne des leçons à ses concurrents, il faut veiller soi-même à être d'une probité inattaquable. Là, c'est raté.

François Fillon a choisi de mourir debout. Ce n'est pas sans grandeur ni courage. D'un certain point de vue, il ne pouvait pas faire autrement Oui, il fait de la politique. Mais sait-il ce que la politique va faire de lui ?

7 commentaires:

M A a dit…

La justice est malaimé de nos concitoyens,
La justice est mal-aimée de nos concitoyens,
Pas de correcteur d'orthographe ?
En plus, c'est inexact : elle n'est pas mal-aimée, elle leur est lointaine et guère compréhensible... Pas mal-aimée, loin de là, sinon à quoi rimeraient les émissions du genre "crimes" et les publications du genre "détective" qui sont très suivies ?

citoyen a dit…

je ne comprends pas le camp Fillon quand il clame qu'on vole la victoire de la droite;à ma connaissance aucune décision de justice- actuelle ou à venir- ne peut contraindre François Fillon à se retirer ;alors à quoi rime ce tintamarre;nous sommes dans un Etat de droit que je sache et la justice y est indépendante;vouloir s'en remettre au seul suffrage universel, donc au dessus de la Loi est une ignominie; on a vu dans des temps pas si anciens comment ce recours permanent au peuple- si sensé qu'il puisse apparaître en démocratie - érigé en idéologie a produit: le totalitarisme, l'exemple le plus frappant en est la Chine de Mao et sa révolution culturelle du "petit livre rouge"

Erwan Blesbois a dit…

On me dit : "On peut aussi être rachitique du cerveau monsieur Blesbois..."
Je réponds. Oui je suis constitutivement rachitique du cerveau parce que je suis ontologiquement une victime, je sais très bien que c'est parmi les gens comme moi que le FN vient faire son marché. Mais la responsabilité d'un tel état de fait est dans le néolibéralisme, le populisme est un épiphénomène d'un phénomène beaucoup plus vaste qui a nom libéralisme : il faut donc pour être cohérent déculpabiliser les accès de colère légitime et les replacer dans leur contexte global. Et le libéralisme est lui-même un épiphénomène d'un phénomène beaucoup plus vaste qui a nom métaphysique occidentale depuis Descartes.
Plus on est fort plus on est responsable, c'est-à-dire individualiste selon la doxa de la métaphysique occidentale. C'est effectivement un genre de faiblesse, de perte de soi-même, qui engendre l'irresponsabilité, comme de voter Trump, pour le Brexit, ou FN. Je ne cherche pas à déresponsabiliser Hitler, mais j'aimerais que l'on replace, y compris l'épisode nazi, dans un contexte plus global qui permette son explication, à l'abris des discours passionnés et de l'ostracisation d'un tel épisode sous l'opprobre bien légitime, mais qui empêche d'en saisir les causes sous les huées d'indignation. Or ce sont bien les huées d'indignation, légitimes pour certains quand ils en ont été meurtris dans leur chair, mais hypocrites pour bien d'autres cherchant à défendre leur seul intérêt au détriment de toute réflexion, qui nous empêchent aujourd'hui de réfléchir, à ne serait-ce que comment sortir du paradigme néolibéral, dont tout le monde se rend bien compte peu ou prou, qu'il crée le malaise et des fractures profondes dans la société occidentale.
Pourquoi la société génère-t-elle autant de victimes, ce qui explique la montée des extrêmes ? Telle est selon moi la bonne question. C'est toute la métaphysique occidentale depuis Descartes qui devrait faire son mea culpa.
Fin de la représentation, désormais on ferme les rideaux... L'Occident a montré aux yeux du monde tout son pouvoir de nuisance, il continuera sur sa lancée suivant le principe de l'entropie pendant quelques temps c'est-à-dire en se développant vers des formes d'expression de plus en plus chaotiques et non maîtrisées.
Puis sa métaphysique délétère sera vouée à s'éteindre quand le nombre de victimes du système aura définitivement dépassé le nombre des gagnants, et surtout quand les victimes en prendront conscience, ce qui est déjà le cas avec la formation de mouvements populistes de plus en plus virulents, espérons le remplacés par une forme de bouddhisme universel à l'échelle terrestre : le soucis de l'autre supplantant enfin le soucis de soi. Ce qui est bien finalement l'objet d'une partie de la philosophie contemporaine, se proposant de "déconstruire" le cogito cartésien.
Mais il faut aller plus loin qu'une simple réflexion philosophique, il faut s'orienter vers la constitution d'une religion universelle de la compassion capable d'englober les masses populaires, ayant pour modèle selon moi le plus cohérent : le bouddhisme.
Le salut si il doit venir ne viendra pas de l'Occident, mais d'Orient bouddhiste.

Philippe a dit…

Les moyens de la Justice sont limités en personnel, en moyens techniques, en immeubles salubres et adaptés/sécurisés par l’enveloppe financière l’une des plus basses de l’UE.
Les finances allouées à la Justice le sont par les parlementaires, le législatif.
Les parlementaires ne désirent pas que la Justice ait des moyens faciles d’enquêter … sur eux.
Conséquences les citoyens voient leurs dossiers traîner des années ………..
Les citoyens, les veaux de de Gaulle, accusent la Justice alors qu’ils devraient aller demander des comptes à leur député !!!
L’exécutif, lui, oriente les quelques moyens existants par le biais du Parquet contre ses ennemis du moment … actuellement le LR et le FN.
Il y aurait peut être des centaines de dossiers à ouvrir … à charge … et à décharge … contre les parlementaires … emplois fictifs, liens avec les lobbies et les « renvois d’ascenseur ». Pour les candidats aux présidentielles les financements …. leurs origines réelles, les bénévoles des vrais ou des faux toujours payés en réalité par leurs employeurs habituels et mis à disposition du candidat … autant de questions à se poser pour assainir le cloaque ….
Mais bon çà n’est pas possible ….
ni même souhaitable …
la recherche de la « pureté » en politique a donné Robespierre et par exemple son ami à Arras l’ex curé Lebon (bien nommé!) et son peut être lointain disciple Pol Pot …………
Amen

Anonyme a dit…

Je suis convaincu que la justice est instrumentalisée par le pouvoir en place pour accélérer les procédures contre Fillon en effet en elle n'est jamais aussi rapide à se saisir d'une affaire et à avancer bien vite dans une procédure qui, en temps normal, prend bien plus de temps. Ce qui n'innocente en aucune façon François Fillon.
La justice est au service des puissants comme toujours voire les illustrations du grand Daumier, et plus récemment il ne faut pas oublier que l'immense majorité des juges ont prêté serment à Pétain.
Le pouvoir en place joue en faveur de Macron dont il est l'héritier et le successeur. Macron a été le conseiller d'Hollande avant d'être ministre puis mis sur orbite politique par de riches mécènes. Ce n'est pas parce que Monsieur Mousset prétend par son aveuglement qu'ils n'existent pas que l'on est obligés de le croire. Son programme indique très bien qu'il existe une parfaite continuité, la différence n'est que formelle. N'est pas anti-système qui veut !

F a dit…

Au moins 35 millions de concitoyens ne sont absolument pas concernés par les turpitudes de divers parlementaires ayant des revenus en dehors de leurs missions politiques ou embauchant sur des fonds publics du personnel aux qualifications aléatoires tels que mis en exergue par la presse.
Au moins 35 millions de ces personnes devraient pourtant se sentir concernés puisque l'argent dont on parle est le leur.
Faire carrière en politique, voilà le problème car s'engager dans le cadre public ne devrait que l'être dans le cadre du bénévolat associatif.
Et dans ce cas, l'unicité du mandat, sa non reconduction devraient être de mise.
Quant à la durée des mandats, celle des maires, paraît la plus à même de réunir les suffrages : six ans avec renouvellements des assemblées pour moitié de toutes sortes à mi-course à tous niveaux (dont les communautés de communes dont les membres seraient élus au suffrage direct et non pas comme actuellement).
Après cela, il n'y aurait plus d'anonyme du genre de celui de 12h03 pour penser que la justice est instrumentalisée par le pouvoir sauf des personnes de parfaite mauvaise foi, cela allant de soi.

MF a dit…

à anonyme du 2 mars 12.03
vous écrivez" je suis convaincu..." eh oui que voulez-vous on ne peut pas toujours être vainqueur mais je vous reconnais cette louable sincérité