lundi 30 juin 2014

Nuit bleue



En allant ce soir au théâtre Jean-Vilar pour assister au spectacle d'enfants de l'école Lyon-Jumentier (voir billet de demain), j'ai rencontré plusieurs véhicules, drapeaux français déployés, tous feux allumés et klaxonnant (vignette 1, rue Emile Zola ; vignette 2, à l'entrée de la rue de la Comédie). Il était 20h30, une demi-heure après la victoire de notre équipe nationale de football dans la Coupe du monde.

En sortant du théâtre, vers 22h00, surprise : encore les voitures, les klaxons, les feux, les drapeaux, et quelques groupes ou individus isolés dans les rues du centre-ville (vignette 3, devant la basilique ; vignette 4, un drôle de personnage qui s'exhibe sur des sortes d'échasses). J'ai fait un tour, pour sentir l'ambiance, difficile à décrire.

Ce n'est pas une fête, il n'y a pas suffisamment de monde. C'est tribal, clanique, groupusculaire, pas réellement populaire. On entend des cris qui ne sont pas exactement joyeux : c'est masculin, brutal, épais, un côté petit mec, de la testostérone en quête d'excitation. Ce sont des cris de victoire, des décharges d'adrénaline, quelque chose d'un peu violent, une forme d'affirmation de soi, une atmosphère étrange, pas jouissive, pas jubilatoire.

C'est plus une démonstration de force qu'un partage collectif, une satisfaction enragée mais pas un moment de bonheur paisible. Des automobilistes prennent des risques, debout aux portières, ou le coffre ouvert. Devant la basilique, la police veille, contrôle, des agents en uniforme et en civil. Les forces de l'ordre auront cette nuit du travail, d'autant qu'un match en suit un autre, Algérie contre Allemagne. La collusion entre les deux est pleine de danger. Le climat est irrationnel, incertain. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que tout pourrait dégénérer assez vite, du moins ponctuellement, que nous serions rapidement à la merci d'un incident ou d'un accident. Au sol, il y a des débris de pétards.

C'est tendu, lourd, sauvage, anarchique : pas d'embrassades, pas de rires, rien qui permette d'identifier une vraie joie, légère, émotive. Ce n'est pas une communion. Personne ne discute avec personne ; il n'y a que des hurlements qui se croisent. Quelque chose s'exprime ce soir, cherche à se dire, mais quoi ? En tout cas, ce n'est pas le coeur qui parle, plutôt les tripes, une passion qui vient de nulle part (et qui va nulle part ?), qui tourne en rond, comme les automobiles pavoisées ce soir dans les rues de Saint-Quentin (au fait, où sont-ils allés chercher leurs drapeaux tricolores ?). J'ai une certaine expérience des manifestations de masse, des mouvements de foule. Là, c'est différent, ça n'a rien à voir : c'est désorganisé, perlé, sporadique, chaotique. La nuit (la pluie aussi) va sûrement chasser tout ça. Ou plutôt ce côté obscur, sombre d'une furie paradoxalement beaucoup plus individuelle que collective va se fondre dans la nuit. Jusqu'à quand ?

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Oui enfin 16 millions de telespectateurs pour France-Nigéria quand même.....
Et voyez les reportages sur les places de Paris, Lyon, Marseille, etc..
C'est au contraire une réelle ferveur populaire et collective qui fait plutôt du bien actuellement.

Emmanuel Mousset a dit…

Je vous l'accorde. J'ai simplement voulu faire part d'un sentiment très personnel, dans un endroit précis. Je crois que la Municipalité de Saint-Quentin aurait dû organiser une projection sur écran géant, qui aurait sans doute donné une dimension plus conviviale et festive, plus maîtrisée aussi.

Anonyme a dit…

Vous avez raison, la municipalité aurait pu mettre un écran géant au stade de foot par exemple.
Municipalité absente, une coupe du monde loupée et ignorée à st Quentin, ville soit disant une des plus sportives de France.

Emmanuel Mousset a dit…

Ah quelle belle intervention j'aurais pu faire, en conseil municipal, sur ce sujet ! Et sur bien d'autres ...

Anonyme a dit…

Le " nouveau ministre " adjoint des sports a sans doute des idées différentes pour la ville ......

Emmanuel Mousset a dit…

Toutes les idées se discutent.