vendredi 6 juin 2014

Les paysans sont sympas



Le café de l'agriculture (voir billet d'hier) a attiré peu de monde, et c'est vraiment dommage, car les échanges ont été riches. Comment expliquer cette désaffection du public, alors que le monde paysan suscite tout de même l'intérêt de l'opinion (voir par exemple le succès du salon de l'agriculture à Paris) ? L'organisateur, le Conseil régional de Picardie, n'a pas forcément à Saint-Quentin les réseaux et les entrées qui lui permettraient de mobiliser le public. Aucun élu ne s'est déplacé. L'an dernier, le débat était animé par Anne Ferreira, en sa qualité de vice-présidente chargé notamment de l'agriculture à la Région. Carole Berlemont, conseillère municipale socialiste, avait fait, en fin de séance, une brève apparition.

Je crois aussi qu'il existe, à gauche, une réticence ancienne, historique et politique, à l'égard du monde des agriculteurs, qui renvoient à une image droitière, corporatiste et aujourd'hui entrepreneuriale. Hier soir, les agriculteurs présents, dont Laurent Cardon, sont membres de la FNSEA et, pour l'un d'entre eux, du réseau passion céréales. Ce ne sont pas les fréquentations habituelles d'un socialiste de base ! Cependant, il me semble qu'il faut être à l'écoute du monde agricole, aller à sa rencontre, discuter avec lui. C'est pourquoi le Conseil régional de Picardie a eu l'excellente idée de mettre en place 7 cafés de l'agriculture dans toute la région. Pour Saint-Quentin, il faudra revoir la formule pour être plus attractif l'an prochain. J'ai fait quelques suggestions en ce sens à Glen Ropars, en charge de la manifestation.

Quelles ont été mes impressions ? Les paysans ne sont pas les réacs, ringards et lobbyistes qu'on s'imagine parfois ! Au contraire, je les ai trouvés ouverts, lucides et réfléchis, pour tout dire sympathiques (je reprendrais volontiers le slogan de Max Meynier sur les routiers, pour le leur appliquer !). Dès le départ, j'ai senti chez eux une obsession : la communication ! Pouvoir expliquer leurs métiers (car rien n'est plus polyvalent que l'agriculture), notamment en direction des plus jeunes. L'entrée dans les écoles n'est pas facile pour eux (je leur ai donné quelques clés), les visites scolaires de ferme sont désormais soumises à des normes de sécurité draconiennes. Le projet de petits déjeuners dans les établissements scolaires a été retenu.

Il a été bien sûr question des scandales alimentaires, de la malbouffe, de la traçabilité des produits, avec cette certitude : "L'agriculture française est l'une des plus sûres au monde". Les contrôles vétérinaires sont sévères et l'origine des scandales est la plupart du temps étrangère. Il faudrait donc surveiller beaucoup plus nos importations, ne pas en devenir trop dépendants. La PAC (politique agricole commune) est inévitablement un sujet sensible, d'autant que l'enveloppe nationale des aides à l'agriculture a été reventilée au profit des départements les plus défavorisés, comme le Cantal ou la Creuse. "Dans l'Aisne, nous sommes des nantis de l'agriculture", avoue, non sans franchise, un des participants : des bonnes terres, de l'eau, des compétences. Une idée tient à coeur : la solidarité à l'intérieur du monde agricole, pourtant pas évidente puisque c'est aussi un monde de la concurrence.

Les critiques récurrentes contre l'agriculture subventionnée, qui ne vend pas au prix du marché ? Mais si on libéralisait, les prix s'envoleraient et le consommateur ne l'accepterait pas. Et puis, les agriculteurs américains sont eux aussi subventionnés, de même qu'en France la presse, qui ne pourrait pas vivre sans le soutien financier de l'Etat : voilà les arguments qui ont été avancés, contre le grief fréquent d'une agriculture assistée. Le problème de fond, c'est la mondialisation et la guerre économique qu'elle induit : en ce moment, l'Ukraine exporte son blé à tout-va parce qu'elle a besoin de dollars, l'Argentine au contraire fait de la rétention sur ses réserves.

Le grand canal Seine-Nord, les agriculteurs sont pour et attendent la décision de la Région. Ce grand projet leur permettrait d'être plus compétitifs, en diminuant les coûts de transport de leurs produits. La nouvelle région Picardie/Champagne-Ardennes les enchante : un pôle agro-alimentaire puissant se constitue, l'Aisne y a un position centrale, donc favorable. L'union avec la région Nord n'aurait pas bénéficié à l'agriculture, car ce n'est pas sa préoccupation. Les négociations en cours pour le grand marché transatlantique ? Les agriculteurs sont inquiets, mais ce n'est pas la concurrence ou la libéralisation des échanges qu'ils redoutent : c'est la concurrence déloyale, les Américains souffrant de moins de contraintes que les Français et disposant d'une forte capacité à influer sur les modes alimentaires.

Je demande à tous quel est leur ennemi ? L'Amérique, l'Etat, les écologistes ? Réponse, aussi vieille que l'agriculture : le temps qu'il fait ! Mais les écolos radicaux n'ont pas auprès d'eux la cote. Les OGM devraient faire l'objet d'expérimentation, à travers un moratoire de 3 ans. Le principe de précaution est surestimé, surévalué : il faudrait lui substituer un principe d'innovation, au service d'une écologie pragmatique. Les récriminations sont nombreuses envers la réglementation qui étouffe la profession. Mais c'est aussi une tendance de toute la société.

Au final, je retiens de mes agriculteurs d'hier soir l'image de gens modernes, réalistes, soucieux de leur image et prêts aux adaptations nécessaires, dans une société qui a rompu avec des millénaires de civilisation rurale pour entrer dans un monde nouveau, aux contours encore mal définis, dans lequel les agriculteurs sont déjà ultra-minoritaires, en même temps qu'indispensables. Il faudra que je retourne les voir ...

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous rigolez , contrôle sévère quand l’administration donne des autorisations de mettre des déchets dans des eaux qui communique avec l' OISE ... Demandez à EVI , elle connait le dossier , donc eaux polluée , puis terres polluées puis bétail pollué ... et c'est pas le seul cas ... Combien de bêtes abattus après les pollutions par des incinérateurs ....

Emmanuel Mousset a dit…

Exemple pour exemple : savez-vous que les agriculteurs ne peuvent plus employer dans leurs champs de graines contre les mulots (alors que la dératisation est permise dans les maisons et appartements) ?

Anonyme a dit…

CHER MONSIEUR MOUSSET , dans votre maison , vous n' irez pas manger ces produits et si vous avez un animal domestique vous mettrez ça hors de portée ....
Dans la nature comment empêcher la faune de se goinfrer de ces substances toxiques et de les trimbaler un peu partout ; raisonnement simple d'un picard de la campagne ....

Anonyme a dit…

Le café de l'agriculture à Saint-Quentin m'aurait beaucoup intéressé, mais je n'étais pas au courant qu'il avait lieu.

Mis à part avec la presse locale, que je lis toujours avec un petit temps de retard, comment être tenu au courant l'année prochaine ?

Emmanuel Mousset a dit…

Il faut aller voir sur le site du Conseil régional de Picardie.