mercredi 4 juin 2014

Place aux jeunes !



Le texte d'un socialiste, secrétaire de section d'une petite ville de l'Aisne, publié en tribune libre dans le quotidien Libération, c'est un événement suffisamment rare, et même unique, pour être souligné et médité ! Il s'agit de Matthieu Mayer, responsable du PS à Guise, candidat aux élections européennes, auteur d'une réflexion intitulée "A quand un ministère de la ruralité ?" Mon camarade plaide pour la création d'un grand ministère du développement rural et le renforcement du "bouclier rural", en réaction à la désertification de nos campagnes et villages. Son intervention est aussi motivée par la volonté de contrer le vote FN, particulièrement important depuis quelques années dans le milieu rural. C'est donc une initiative à saluer, venant du département le plus frontiste de France.

Au-delà, la jeunesse de Matthieu Mayer me semble emblématique de ce que doit être le renouvellement des générations au sein du parti socialiste, l'une des clés de sa rénovation. Pourtant, je ne suis pas un adepte du jeunisme : par mon métier, je suis constamment avec des adolescents, je connais leurs limites, je n'idéalise pas la jeunesse. Aucun âge ne doit être privilégié, et je suis à chaque fois irrité quand je vois, dans mes activités associatives, de vieux pigeons roucouler à l'approche de jeunes moineaux. Quand j'avais 20 ans, j'enviais ceux qui en avaient 40. Quand j'en ai eu 40, j'ai vu des avantages à en avoir 60. Quand j'aurai atteint cet âge, je suis à peu près sûr que j'éprouverai de l'admiration pour les sages de 80 ans. La jeunesse, non merci !

Mais en politique, ma réaction est différence. La Révolution française a été menée par des jeunes gens, pas par des vieillards ; en revanche, la Révolution nationale, seule expérience fasciste en France, a été conduite par un Pétain, octogénaire avancé. Il y a une progression dans l'âge qui ne convient pas trop à l'activité politique, à sa nécessaire audace. Sans compter que les partis sont des rassemblements de cheveux gris, qui ne laissent guère la place aux jeunes. Matthieu Mayer a 26 ans, et je vois dans la jeunesse plusieurs vertus, non pas morales (celles-ci n'ont pas d'âge), mais politiques :

1- L'enthousiasme. A la réunion organisée par le parti socialiste à Saint-Quentin durant la campagne des élections européennes, il n'y avait pas photo, Matthieu était le plus enthousiaste, le plus europhile des intervenants à la tribune. Il y a une fougue, une énergie propres à la jeunesse, qui se perdent à mesure qu'on avance dans l'âge adulte. Une sincérité aussi : chez l'homme de la maturité, les élans sont souvent des postures qui sentent la répétition,l'usure et la fatigue.

2- L'ouverture d'esprit. Matthieu Mayer appartient à une génération qui n'a pas été élevée au lait du sectarisme, qu'ont au contraire tété les 50-60 ans. Quand j'ai rencontré pour ce blog Elisabeth Pruvost, ancienne maire-adjointe à Saint-Quentin de 1977 à 1978, elle m'a confié que son défaut d'alors, qui était aussi celui de bien de ses camarades, c'était le "sectarisme". La culture du coup tordu, de la violence verbale, du mensonge tactique, c'est quelque chose qui n'existe plus, ou en tout cas beaucoup moins dans les jeunes générations, et c'est très bien comme ça. Ce sont aussi des générations mieux formées, plus éduquées que celles des temps passés, plus sectaires parce que plus frustes.

3- L'indépendance. Un jeune militant d'aujourd'hui ne se soumet plus aveuglément à son parti, comme pouvait le faire les militants d'autrefois, à qui on demandait de coller des affiches et de fermer leurs gueules, en les sifflant lorsqu'il fallait aller voter dans les scrutins internes. Surtout, la jeunesse, parce qu'elle débute dans la vie et en espère toutes les promesses, n'est pas en quête de reconnaissance, comme peuvent l'être les plus âgés. Un type de 50 ou 60 berges, qui a derrière lui sa vie professionnelle, familiale et sentimentale, que peut-il attendre d'autres de l'existence ? La reconnaissance, par les honneurs, les titres, les médailles, les menus pouvoirs, les représentations diverses et variées, et du beurre dans les épinards, c'est-à-dire des trucs de vieux. Un jeune a tant d'autres choses à penser, à désirer ...

4- La communication. Mayer dans Libé, à son âge et simplement guisard ! Bien sûr, il a été proche collaborateur de Manuel Valls, ce qui aide. Mais tout de même ... Les vieux militants ont souvent, à l'égard de la presse et des médias, des réactions de puceaux apeurés ; les jeunes sont beaucoup plus familiers avec le monde de la communication : ils en comprennent l'utilité, ils n'y sont pas hostiles. Je suis toujours frappé de voir des jeunes se débrouiller très bien quand ils passent à la télévision, ce qui n'était pas le cas des générations d'il y a 30 ou 40 ans. Il existe encore des élus, hauts gradés dans le parti, qui ne font jamais parler d'eux, qui ne publient rien, qui n'interviennent pas dans les médias : pour des hommes ou des femmes publics, ça la fiche mal et ça ne renforce pas le parti !

Des Matthieu Mayer, il en faudra, il y en aura beaucoup plus dans le parti socialiste des années à venir. Mais comme j'ai dit, au début de ce billet, que je n'idéalisais pas la jeunesse, j'apporterais juste un petit bémol sur sa tribune : Matthieu dit éprouver une "crainte" en ce qui concerne la disparition du Conseil général. Voilà qui lui vaudra à coup sûr la bienveillance et l'estime de certains caciques du parti. S'il avait un âge avancé, je pourrais, en conformité avec la présente analyse, le soupçonner d'habileté. Mais je lui répondrais simplement que la "crainte", ce n'est pas un sentiment de son âge, c'est un tremblement de vieux. Et puis, on ne fait pas de politique avec des "craintes", mais avec des enthousiasmes de jeunesse. Il faut faire attention avec ça : vieillir est un phénomène précoce.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ne vous écartez pas du débat de fond ; compétence ; proximité etc.. Le débat est lancé , déjà on sent une répugnance au regroupement des communes , on irait plutôt pour une intercommunalité technique et de gestion administrative , une forme de sous traitance de taches trop lourdes pour les petites communes , enfin le débat des régions n'est pas terminé et encore moins celui des départements qui ne sont pas que des administrateurs mais aussi des promoteurs comme dans des syndicats spécifiques ; Côte PICARDE etc... Si on déshabille ces structures locales , cela va être un gâchis ; il est certain que les élus de la MONTAGNE de REIMS sont peu concernés par la côte picarde et à contrario , on va se retrouver avec 3 aérodromes modernes ; VATRY , BEAUVAIS , ALBERT ; vous qui connaissez bien le dossier picard de ce registre , qu' en pensez vous ....

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