jeudi 12 juin 2014

Toubon ou tout faux ?



François Hollande a proposé à Jacques Toubon de devenir le nouveau défenseur des droits, une institution fort importante en matière de lutte contre les discriminations. Et voilà que des camarades twittent, facebookent, courriellisent à tout-va pour se plaindre, s'offusquer, s'indigner : un président de gauche nomme un homme de droite, quel scandale, quelle horreur ! Parmi ces protestataires, il y a bon nombre de multirécidivistes : Dès que Hollande propose, ils s'opposent ! Ca a le mérite de la clarté, et une seule efficacité : compromettre le succès des socialistes aux prochaines élections. Est-ce cela qu'ils veulent ? Au PS, nous avons besoin de grognards qui forment le carré autour du gouvernement, pas de grognons qui font les plus belles pages du Figaro, toujours prompt à leur donner la parole, on comprend bien pourquoi.

Venons-en au fond de l'affaire : le poste de défenseur des droits n'est pas directement politique. Comme son titre l'indique, c'est une fonction plutôt juridique, c'est une charge républicaine. La gauche n'a donc rien à craindre de cette nomination, qui ne correspond à aucune inflexion politique. Je suis hostile au débauchage, tel que Nicolas Sarkozy l'a pratiqué dans ce qu'il a appelé l'ouverture, car l'opération était tactique et électoraliste. Avec la désignation de Jacques Toubon, il n'y a aucune confusion de ce genre, aucune tentative de récupération. D'ailleurs, qui connaît aujourd'hui ce nom, qui sait qui est ou était Jacques Toubon? En tant que républicain, je soutiens que les places dans la République ne doivent pas être réservées exclusivement aux membres du parti qui détient le pouvoir.

Qui est Jacques Toubon ? Un gaulliste modéré, cultivé, d'une grande largesse d'esprit. Ce n'est pas un homme de droite pur et dur. On lui reproche ses prises de positions d'il y a 30 ans, lorsqu'il ferraillait contre la gauche mitterrandiste au Parlement. C'est ridicule ! Il a joué à l'époque son rôle d'opposant, c'est tout. Mais il s'est toujours montré parfaitement républicain. Aujourd'hui, il a cessé d'être un leader de la droite : que redoute-t-on de lui ? Très simple : il prend la place d'un homme ou d'une femme de gauche, et ça ne plaît pas, surtout à ceux qui pouvaient espérer occuper cette place (ah la politique : toujours des histoires de places !).

La plaie de la politique, c'est le sectarisme : la passion tant qu'on voudra, l'enthousiasme on en redemande, mais l'esprit sectaire, non, on en crève, à gauche comme à droite. Mais je balaie devant ma porte. La semaine dernière, j'ai discuté avec des agriculteurs de la FNSEA, dans un cadre convivial, le café de l'agriculture (voir le billet "Les paysans sont sympas") : un camarade me l'a reproché. La rencontre était organisée par le Conseil régional de Picardie, socialiste. Mais non, l'esprit sectaire est plus fort que tout, s'aveugle, n'écoute rien. Durant ce débat, je n'ai pas transigé sur mes convictions, mais tout de même bu avec l'adversaire : un verre de trop, me voilà condamné pour compromission, trahison. Ainsi est le sectarisme, dans lequel tombent ceux qui sont pourtant les premiers à s'élever contre l'esprit de chapelle et les comportements d'église ! L'esprit sectaire, c'est la culture de l'entre soi et le rejet des autres : je déteste, ce n'est pas digne d'hommes de gauche.

En proposant Jacques Toubon, François Hollande fait un beau geste républicain, qu'il faut soutenir, contre les réactions intéressées et inopportunes. Je me souviens que François Mitterrand avait, au début de son premier septennat, nommé Bertrand Renouvin au Conseil économique et social, une instance qui, comme celle de défenseur des droits, est officielle et réclame des compétences. Renouvin avait été candidat royaliste, certes de tendance progressiste, aux élections présidentielles de 1974. Et Mitterrand l'a malgré tout choisi ! Je pourrais multiplier les exemples. Toubon n'est pas royaliste, mais Hollande a raison d'être avec lui bon prince. Hélas, la mansuétude des rois jurent parfois avec la mesquinerie de leurs partisans.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Quand même faut pas charrier, Toubon, 72 ans:Y a personne juste un peu plus jeune? Contre l'abolition de la peine de mort, contre le mariage gay, pas vraiment pour mourir dans la dignité.
Quelqu'un qui n'a strictement rien fait de marquant , juste une carrière politique assez terne.
Mais quel manque d'imagination, quel indigence à gauche.

Emmanuel Mousset a dit…

L'âge, les convictions ou le tempérement n'entrent pas en compte lorsqu'il s'agit de la défense des droits. Si la fonction était politique, il n'en serait pas de même.

Anonyme a dit…

Que notre president ait raison de nommer ce monsieur, peu importe. Le plus grave c est quon observe clairement que ce choix cree une nouvelle polemique au sein du ps, il devait s en douter, dans les conditions actuelles est ce bien raisonnable ? Pourquoi diviser, et ne pas rechercher le concensus ?

Emmanuel Mousset a dit…

N'inversez pas l'ordre des responsabilités ! Qui divisent le PS ? Ceux qui créent la polémique, pas celui qui la subit !