lundi 16 juin 2014

Tout sur le bac philo



Quelques réflexions sur les sujets de dissertation posés ce matin aux candidats du baccalauréat de philosophie. En série littéraire :

1- Les oeuvres d'art éduquent-elles notre perception ?
2- Doit-on tout faire pour être heureux ?


J'aurais pris le sujet 2, plus simple, à condition de bien problématiser la question, en se concentrant sur la notion de totalité : doit-on chercher à être heureux par TOUS les moyens, à n'importe quel prix ? A partir de là, j'aurais abordé les pistes les plus philosophiquement intéressantes : par exemple, faut-il faire le mal pour être heureux ? Ou bien, au contraire, ne rien faire du tout, paresser, rêver ...

Le sujet 1 est plus délicat à traiter. Il fallait définir correctement la perception, qui est d'abord sensible, prendre quelques exemples tirés de la peinture, de la musique ou du cinéma, pour montrer que nos sens ne restent pas seulement passifs devant l'art, mais que leur perception est aiguisée, éduquée par la contemplation et la pratique artistiques.

En série économique et sociale :

1- Suffit-il d'avoir le choix pour être libre ?
2- Pourquoi chercher à se connaître soi-même ?


J'aurais pris le sujet 1, plus ouvert, plus classique. On pouvait expliquer que le choix a des limites (le fameux embarras du choix) et que la liberté trouve d'autres définitions : liberté du corps (le mouvement), liberté de l'esprit (la pensée et l'imagination), l'indépendance (liberté de moyens), le droit (la loi qui protège).

Le sujet 2 invitait à plusieurs références philosophiques : le "connais-toi toi-même" de Socrate, l'introspection chrétienne (saint-Augustin), l'analyse psychanalytique (Sigmund Freud). Il fallait bien insister sur le "soi-même" pour ne pas commettre de hors-sujet.

En série scientifique :

1- L'artiste est-il maître de son oeuvre ?
2- Vivons-nous pour être heureux ?


Le sujet 1 est compliqué et le sujet 2 ... trop facile. Attention donc aux deux ! Qu'est-ce qui pourrait faire que l'oeuvre échappe à l'artiste ? Quelques éléments de réponse : c'est autant le spectateur que le créateur qui font la valeur d'une oeuvre d'art ; la société joue aussi son rôle. L'artiste se croit le maître absolu de ce qu'il fait, mais des influences extérieures lui disputent cette apparente souveraineté. La notion de maître était à préciser.

Quant au sujet 2, la réponse semble évidente (oui !), il était conseillé de montrer qu'elle ne l'est pas, pour de multiples raisons : le bonheur n'existe peut-être pas, son acquisition est difficile et incertaine, il y a de nombreuses raisons de vivre autres que le bonheur (le plaisir, l'argent, la réussite, la gloire, à distinguer du bonheur). Et puis, la vie n'a-t-elle pas une valeur en soi, ne se suffit-elle pas à elle-même, ce qui la dispense de prendre le bonheur comme finalité ?

Que les élèves ne se tracassent pas sur leur résultat : on ne sait jamais ce qu'un travail va donner, et on a souvent des surprises (bonnes ou mauvaises). Il suffit d'attendre et de se concentrer sur les épreuves suivantes. A toutes et à tous, bon courage !

1 commentaire:

Erwan Blesbois a dit…

Les avancées sociétales (mariage gay, droit des femmes, vote des étrangers...) font souvent l'objet d'étude de marché de la part du grand capital (les décideurs économiques) ; la plupart du temps on estime que ces avancées favorisent le consumérisme. Les principales avancées de mai 68, mouvement libertaire à ses débuts ont été totalement récupérées, dans un esprit consumériste. Paradoxalement, c'est ce qui paraît le plus réactionnaire, la religion, qui fournissait le meilleur rempart contre l'esprit du capitalisme, et je fais la différence entre protestantisme et catholicisme. Puisque le catholicisme est pratiquement mort en France, alors que le protestantisme est bien vivant aux Etats-Unis. Pourquoi ? Parce que dans le protestantisme se trouve l'esprit du capitalisme, donc en germes la marchandisation du monde, tout simplement parce que les protestants ont fait de la misère une affaire privée, si tu es pauvre c'est ton problème, pas celui de la société (à la différence du catholicisme), et qu'ils ont fait de la réussite individuelle sociale, un motif d'élection spirituelle : les damnés de la Terre seront damnés pour l'éternité, et les heureux sur cette Terre sont les élus pour l'éternité, je caricature peut-être peu, mais je pense que c'est ça l'idée.
Or oui aujourd'hui c'est choquant de dire qu'une religion comme le catholicisme peut fournir un rempart au consumérisme. La religion abêtit, c'est un opium. Je suis d'accord, mais l'intelligence n'est plus utilisée pour contester le système, dans la logique de marchandisation du monde, de néo-libéralisme, les individu ne sont plus reliés (religion), c'est donc la politique du chacun pour soi. L'intelligence est une donnée quantifiable, mesurable, ceux qui en sont le mieux doté en général, l'utilise pour gagner plus d'argent, point barre.
En gros, isolés, les individus ne peuvent rien faire contre le système et sont manipulés. Pour ce qui est du "meilleur des mondes", je pense comme Huxley, que la parentalité est source de névroses et de psychoses même, donc la suppression de la parentalité qu'il envisage au travers d'une fiction, n'est peut-être pas une mauvaise chose.
Les habitants de ce monde fictionnel, n'ont plus d'"états d'âme", mais ils vivent dans le bien être. Que demander de plus à la vie ? Toutes les idéologies de partage des richesses, christianisme (bien que le protestantisme ait abandonné cet idéal), puis marxisme ont totalement échoué. Le christianisme le plus souvent se met aux côtés des puissants, c'est un christianisme dévoyé par rapport au message du Christ. Et le marxisme a abouti à des massacres sans nom. Donc effectivement peut-être que le système du "meilleur des monde", qui nous paraît effrayant, parce qu'il semble nous priver de notre liberté, est peut-être un monde préférable.
Pour ma part je pense que la liberté est une illusion individuelle, il faudrait la remplacer par plus de solidarité et alors il y aurait une liberté réelle et non virtuelle. Aujourd'hui la liberté des individus isolés est une liberté virtuelle, une illusion de liberté. Quant à "notre Ford", ou "notre Freud", que les personnages du "meilleur des mondes" invoquent, c'est effectivement le culte de la marchandisation du monde, et le culte de la sexualité qu'il faut y voir, et cela correspond tout à fait au type de société où nous vivons. Reste à en éradiquer les névroses et les psychoses, dues à la parentalité.