mercredi 11 juin 2014

La réforme des réformistes



Je reviens aujourd'hui sur la réforme territoriale, et d'autres occasions se présenteront d'en reparler ! C'est en effet l'une des 4 ou 5 grandes réformes qui marqueront le quinquennat de François Hollande et que les socialistes auront à coeur de défendre dans les trois prochaines années. La notion même de réforme, depuis deux décennies environ, est galvaudée, contestée et souvent rejetée, à tel point qu'on va jusqu'à se demander si la réforme, quelle qu'elle soit, est possible en France ! Pour un socialiste, qui se définit comme réformiste quand il est social-démocrate, c'est évidemment embarrassant. Je veux donc y réfléchir.

D'abord, la réforme est propre à la gauche, qui aspire à changer la société. Je ne prétends bien sûr pas que la droite est étrangère à cette démarche, qu'elle ne cherche pas elle aussi à réformer. Mais c'est moins présent dans son ADN idéologique, qui est structuré par les valeurs d'ordre, d'autorité, de tradition : la droite cherche plus à libérer le marché qu'à réformer la société. Ce n'est pas un hasard si la notion historique de réformisme renvoie au centre-gauche et aux socialistes, par opposition à un PCF et une extrême gauche qui sont révolutionnaires et très hostiles au contraire au réformisme. En ces temps de grande incertitude et de fréquente confusion, il est bon de rappeler ces repères et ces fondamentaux. Les réformistes ont donc le devoir de défendre et d'expliquer l'idée de réforme.

Une vraie réforme, la réforme des réformistes, est fondatrice, structurelle et prospective. A défaut de la considérer comme telle (et c'est hélas fréquemment le cas), on ne la comprend pas, on la juge mal et on en vient à la rejeter. Prenons l'exemple des 35 heures : cette grande réforme de gauche a suscité la critique et le rejet de la droite. C'est normal, c'est le jeu démocratique : jamais la droite n'a fait de la réduction du temps de travail un objectif politique. Ce qui n'est pas normal, c'est qu'une bonne partie de l'opinion de gauche, essentiellement à l'époque (aujourd'hui, c'est moins vrai), s'en soit prise aux 35 heures.

Que s'est-il passé ? Cette réforme a été perçue dans sa simple réduction du temps de travail légal, en oubliant l'objectif économique (la création d'emplois) et sociétal (augmenter le temps libre, auquel nous aspirons tous). De ce fait, la réforme était mal comprise et ne pouvait que soulever des mécontentements divers et variés. Une vraie réforme est une réforme essentiellement politique, une réforme de société : les 35 heures, a contrario, ont été vécues pour ce qu'elles n'étaient pas fondamentalement, un aménagement à la baisse des horaires de travail.

Même déviance, dérive et défiance dans la compréhension de la réforme des rythmes scolaires (et même mécontentement généralisé, en premier lieu de ceux qui étaient initialement les premiers partisans de cette réforme !). Son objectif est de refonder l'école et faire évoluer la pédagogie : permettre aux enfants de s'ouvrir à des activités périscolaires qui contribuent autant à la formation de l'esprit et du corps que les disciplines traditionnellement scolaires. Les enfants de bourgeois le savent bien, qui apprennent le piano, font de l'équitation et vont visiter les musées avec papa et maman. La réforme des rythmes scolaires a pour objectif l'égalité sociale dans l'accès aux pratiques culturelles, en favorisant leur accès au sein même de l'école, dans ce fameux temps périscolaire. Cela se fait d'ailleurs déjà, mais la réforme veut l'amplifier et l'organiser. L'objectif a été oublié, le débat autour de la réforme s'est réduit à une dispute mesquine et intéressée pour savoir s'il fallait ou non ouvrir l'école le mercredi ou le samedi matin ! Forcément, les avis sont divers et inconciliables, la dimension politique de la réforme est évacuée.

Je me suis permis ce long détour, avant d'en arriver à la réforme territoriale, parce que le travers est exactement le même, et s'il n'est pas dès maintenant corrigé, la désaffection sera identique à celle qui a frappé les deux réformes précédentes. La réforme régionale et départementale est réduite à un découpage purement administratif, avec suppression d'un échelon, provoquant tout un tas de problèmes de service à la clientèle, alors que ce n'est pas ça du tout : il s'agit ni plus ni moins que de redessiner la France de demain, la doter de grandes régions qui soient de puissants moteurs en faveur du développement économique, de la croissance et de l'emploi. Voilà l'enjeu, voilà le débat.

Mais si l'on en reste à se disputer sur l'appartenance de tel département à telle région supposée historique, le débat tourne court, ne débouche sur rien, sinon à attiser les mécontentements, qui se focalisent sur la réforme territoriale comme ils se focaliseraient sur n'importe quoi d'autres. Il faut donc réexpliquer le sens de cette réforme, en faire la pédagogie (Xavier Bertrand dirait, mais ce n'est pas mon vocabulaire : le "service après vente" de la réforme ... qu'il faudrait d'ailleurs plutôt appeler un "service avant vente", c'est-à-dire avant adoption).

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Il est évident qu'il faut supprimer au moins 50 % des fonctionnaires en France pourquoi, parce que l'Allemagne "notre modèle" compte 82 millions d'habitants et est mieux administrée que la France et ne possède que 12, 7% de fonctionnaires alors que nous sommes 68 millions de français avec 28% de fonctionnaires donc plus du double et que les services publics montrent de jour en jour leur inefficacité. Or comme la France est dirigée par des fonctionnaires des "zélites" jusqu'au petit agent le gouvernement ne peut se hasarder à tuer son clientélisme même si ce dernier fuit le P. S. Et son idéologie mortifère. Il ne faut pas cracher dans la soupe...
Donc comme de plus le peuple français est un peuple d'assistés, il faudra bien remplacer les réformes structurelles obligatoires et indispensables en installant d'autres usines à gaz administratives, c'est notre coté "soviétique" qui nous colle irrémédiablement à la peau, ce qui entraînera au moins pour 10 ans des dépenses supplémentaires (toute la partie administrative entre autres, dont la simplification est un leurre !).
Donc Monsieur Vallini ne sera plus à son poste et pourra prendre des cours d'économie... (voire étude de l'économiste Philippe DESSERTINE).
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Emmanuel Mousset a dit…

Je n'aimerais pas vous voir à la tête de notre pays !

Anonyme a dit…

Et réciproquement vous à la tête de la VILLE ....

Emmanuel Mousset a dit…

Non, parce que je ne diminuerai pas de 50% les effectifs des fonctionnaires territoriaux !

Anonyme a dit…

Et pourtant la VILLE perd des habitants ; et pourtant l'équipement en technique dites NTIC fait accélérer les taches de beaucoup de services ... Mais comme pour la réforme des rythmes scolaires où on organise beaucoup de jeux divers pour occuper les enfants , une de vos premières mesures serait sans doute d'équiper tous les services de la ville de jeux de cartes , scrabble , échecs et tout un arsenal du même genre ... On connait par exemple la technique de la magistrature pour faire trainer les dossiers , les plomber par des demandes successives de complément que les avocats aussi adorent , tout ça sur le dos des contribuables et pour la dégradation d'un état qui va bientôt être incapable de gérer son réseau routier , ses canaux , ses ports et le RESTE ...........

Emmanuel Mousset a dit…

Quand j'étais enfant, nous avions une petite chansonnette : "C'est rigolo mais c'est salaud". 45 ans plus tard, c'est ce que m'inspire votre commentaire.