dimanche 22 juin 2014

Une délibération inepte



Claude Gewerc, président du Conseil régional de Picardie, sera demain soir à Athies-sous-Laon, devant l'UDESR de l'Aisne (Union départementale des élus républicains et socialistes), pour expliquer tout le mal qu'il pense de la réforme des collectivités territoriales, spécialement de la fusion entre notre région et la Champagne-Ardennes. Une délibération en ce sens a été adoptée vendredi soir à Amiens, par l'assemblée régionale unanime. Elle est inepte. D'abord, cette unanimité qui va des communistes aux frontistes a quelque chose de politiquement scandaleux. Ils se tirent sans cesse la bourre et là, ils se retrouvent tous pour rejeter une grande réforme gouvernementale. Mais surtout, il faut lire la pauvreté des arguments, que je vous détaille et commente :

1- "Des territoires très éloignés". Ah bon ? Et dans l'actuel périmètre de la région, entre Château-Thierry et Doullens, c'est peut-être tout proche ? A l'heure des liaisons informatiques, je crains que le Conseil régional de Picardie ne raisonne en trajets de diligence.

2- "Des dynamiques divergentes". Non, il y a une véritable cohérence régionale à rapprocher la Picardie et la Champagne-Ardennes, dans le secteur agro-alimentaire notamment. D'ailleurs, les secteurs industriels et agricoles accueillent favorablement cette fusion. Et puis, les convergences, ça se crée, par la volonté politique.

3- "Sans que les populations concernées le souhaitent". Non, les élus régionaux n'en savent rien du tout. Inutile alors de faire parler la population. Quand celle-ci sera correctement informée du projet de réforme territoriale, je ne suis pas certain qu'elle dise non, je pense aussi qu'elle a d'autres préoccupations.

Le texte de la délibération avance des propositions, tout aussi contestables que son analyse :

a- "Un Grand Nord de la France". Non, ça ne va pas, les nordistes ne veulent pas des picards. Le Nord regarde vers le nord de l'Europe, pas vers le sud de la région. Vouloir se marier avec quelqu'un qui ne veut pas de vous, ça rime à quoi ? Claude Gewerc lorgne même vers la Normandie. Mais en quoi les Normands seraient-ils plus picards que les Ardennais ? A vouloir défendre une soi-disant identité régionale, on s'embrouille.

b- "Des coopérations interrégionales", "une mutualisation des moyens", "des délégations de compétences à des agences communes à plusieurs régions". Toutes ces suggestions prouvent au moins une chose : c'est que la région doit être renforcée dans ses pouvoirs et élargit dans son périmètre. Mais nos élus picards n'osent pas aller jusqu'au bout de leur logique. Ils me font penser à ces partisans de l'Europe, qui veulent bien d'un peu d'Europe, mais de pas trop d'Europe. Bref, ce sont des hésitants, des timorés, des mollassons.

La position du Conseil régional de Picardie est d'autant plus inepte que la fusion, de tout façon, se fera. Au lieu d'entrer dans la négociation en position de force, avec un état d'esprit ouvert et la capacité de défendre les intérêts picards, le refus frontal ne débouche sur rien, réduit toute influence possible, écarte du futur projet. Plutôt que de répondre niet, la Région aurait mieux fait de dire chiche !

La droite évidemment s'en donne à coeur-joie, trop heureuse d'enfoncer un coin dans les rangs de la gauche. On l'a bien vu lors de la séance du conseil municipal de vendredi à Saint-Quentin. Monique Ryo s'est plaint des difficultés ferroviaires à circuler dans la région à naître, obligeant, pour aller d'un bout à l'autre, de passer par Paris. Pas besoin d'aller chercher aussi loin : depuis longtemps, à l'intérieur même de l'Aisne, pour aller par exemple en train de Saint-Quentin à Château-Thierry, il faut passer par Paris. L'argument de Monique Ryo tombe donc de lui-même. Sa proposition, qui est l'alternative de la droite picarde, est assez stupéfiante : créer une nouvelle collectivité, le Conseil de Picardie, dans lequel fusionneraient les trois départements, sur le modèle de ... Mayotte. Non, merci, je ne souhaite pas que la Picardie s'inspire d'une île lointaine de l'océan indien, aussi respectable soit-elle !

Xavier Bertrand, à la suite de Monique Ryo, a dénoncé le rôle des "barons socialistes" dans le découpage régional. Mais je m'en réjouis, au contraire ! Fallait-il que cette réforme se fasse sans consulter les premiers concernés, les élus régionaux, qui sont en effet, dans leurs exécutifs, à peu près tous socialistes ? Le député-maire de Saint-Quentin propose des référendums régionaux qui seraient simplement consultatifs. Non, le sujet est trop complexe, trop technique, avec des options trop multiples pour être livré à un référendum. Et puis, aussi nécessaire soit cette réforme, je ne pense pas non plus, comme je l'ai dit, qu'elle soit un souci premier de nos concitoyens.

"La classe politique locale ne se fera jamais hara-kiri", affirme Xavier Bertrand. Là, je pourrais être d'accord avec lui, à trois réserves près : d'abord, ce qui est demandé aux élus n'est tout de même pas aussi tragique que le sacrifice rituel des guerriers japonais ; ensuite, on peut aider les récalcitrants à faire le geste fatal, s'ils ont des difficultés à le faire par eux-mêmes ; enfin et surtout, il ne faut pas préjuger du degré de conscience de notre classe politique locale : elle aussi peut avoir le sens de l'intérêt général !

Pour conclure, il me vient deux idées, pour la rentrée : créer un collectif des socialistes pro-gouvernementaux qui militeraient pour la défense des réformes en cours, car je pense qu'il y a nécessité ; organiser un front commun des partisans de la région Picardie-Champagne-Ardennes, qui irait de Pierre André à Jean-Pierre Balligand, en passant par toutes les forces économiques et sociales, pour contrer l'axe Gewerc-Ryo-Guinot. La politique est une guerre de mouvement, où l'on combat parfois à front renversé !

1 commentaire:

Sylvain a dit…

je suis tout à fait d'accord avec toi.