Foutu foot

Les semaines qui viennent seront dures pour moi. Non pas parce que j'aurai 125 copies de terminales littéraires à corriger pour le bac philo ; mais parce que la France va vivre au rythme de la coupe du monde de football, qui ne m'intéresse absolument pas.

N'y voyez pas de ma part un mépris intellectuel envers le sport : je vénère le cyclisme et la boxe, mais je déteste le foot. Le cyclisme est une belle école d'endurance, que je ne retrouve pas dans les compétitions du ballon rond. Le public du Tour de France est populaire, familial, joyeux : rien à voir avec les masses compactes, hurlantes et inquiétantes entassées dans les stades.

Quant à la boxe, elle représente ce que j'apprécie dans la vie : le combat, l'affrontement personnel, la saine violence et toutes les vertus qui en découlent. Il ne viendrait à personne l'idée de qualifier de combat un match de foot (on parle de rencontre, ce qui veut tout dire ...). Non, le football me laisse vraiment indifférent. C'est un sport de gamins.

Je ne partage pas non plus les traditionnelles critiques de l'extrême gauche contre le football. L'exploitation économique ? Non, il est logique qu'une grande manifestation sportive draine de l'argent et soit aussi une opération commerciale rentable. On ne va tout de même pas faire une coupe du monde avec trois francs six sous ! L'aliénation morale ? Non plus, chacun restant libre de regarder ou pas, de participer ou non. Je respecte les aficionados du foot, je ne fais pas de psychologie à leur propos, je ne leur prête pas de mauvaises intentions. Je dis simplement que ce n'est pas mon truc, et j'explique pourquoi.

J'ai deux griefs à faire au football. D'abord, ce sport repose sur un mensonge : celui de la soi-disant fraternité qu'il induirait, à laquelle je ne crois pas du tout. La France black blanc beur de 1998 ? Mon oeil ! Quand on voit les succès de l'extrême droite dans notre pays ... Le foot n'encourage ni la tolérance, ni la paix. Ensuite et surtout, et pour moi c'est rédhibitoire, le football est laid, esthétiquement laid. Les pelouses trop vertes, les tenues criardes des joueurs, la vulgarité des pub qui les entourent, les gueules pas possibles des champions, leur façon atroce de parler, leur dégaine ... Il y a une beauté, une puissance esthétique du cyclisme et surtout de la boxe : le foot, c'est la mocheté de tous les côtés.

Il y a un indice qui, pendant des années, ne trompait pas, mais confirmait ce que je dis : la moitié de l'humanité, comme moi aujourd'hui, ignorait et méprisait le football. Ce sont les femmes, trop belles, trop sensibles, trop intelligentes (voir leurs résultats scolaires) pour succomber à ce sport d'hommes qui a décrété, stupidement, que les mains ne servaient à rien (le rugby, beaucoup plus raffiné alors qu'il est plus brutal, échappe à cette tare). Hélas, et c'est une évolution de civilisation, le public féminin s'est converti, paraît-il, au spectacle du football, qui lui est pourtant ontologiquement étranger. C'est une mauvaise nouvelle, pour moi et pour nous tous.

Mon voeu le plus cher, mon rêve, c'est que la coupe du monde se passe très mal. Il y a des signes positifs, des réactions encourageantes : les Brésiliens se rebellent, les manifestations se multiplient contre la nouvelle religion des temps modernes. Je souhaite qu'elles gagnent en nombre et en force, que les accès aux stades soient bloqués, que les fumigènes et lacrymogènes repoussent le public, que les matchs soient perturbés et interrompus. En France, je suis un sage réformiste ; mais au Brésil, je pousse à la révolution, contre le ballon rond.