mardi 31 décembre 2013

Pas de trève



C'est une drôle d'expression : la trève des confiseurs. Elle suppose que la politique fait abstinence, entre dans une période de jeûne au moment où tout le monde au contraire fait bombance. Mais combien de temps dure-t-elle ? Les avis sont partagés : d'une semaine, initialement (de Noël au jour de l'an), jusqu'à deux mois, décembre et janvier. Pas question de faire de politique les semaines où les Français achètent les cadeaux et préparent les repas de réveillon ; pas question non plus les semaines des voeux, privés et protocolaires. Deux mois sans politique, c'est long, surtout pour ceux qui aiment la politique !

J'ai connu autrefois un camarade qui défendait une étrange théorie : la trève des confiseurs, il la généralisait à toute l'année, en retranchant les week-end, les vacances et les périodes où les Français ont la tête ailleurs qu'à la politique. Résultat : l'action militante se réduisait comme peau de chagrin, essentiellement aux temps de campagne officielle. J'ai toujours trouvé l'argument fallacieux et paresseux : il justifiait qu'on ne fasse rien, le vote étant une sorte de jack-pot, où l'on perd ou gagne, sans forcer sur le destin, mais dans l'attente d'un résultat qui de toute façon nous échappe.

Autant vous dire que je ne partage pas cette conception, que je pense même le contraire : il n'y a pas de trève des confiseurs. C'est une invention des marchands de bonbons, pas des politiques. Puisque la politique est un combat permanent, elle ne s'arrête jamais, et surtout pas à trois mois à peine d'une élection ! Ce qu'on appelle trève des confiseurs, c'est le moment ou jamais de faire de la politique, de rencontrer des gens, de se montrer parce que les occasions sont beaucoup plus nombreuses que dans le reste de l'année, des repas des retraités au palais de Fervaques aux diverses cérémonies des voeux, pour ne parler que des rendez-vous les plus spectaculaires.

Il y a mieux, pour rejeter ce faux concept d'une trève des confiseurs : c'est la période durant laquelle l'opinion publique, cette entité mystérieuse mais bien réelle, va se former, dans les conversations de table, parmi la famille, entre amis : Xavier Bertrand, il se représente ou pas ? Michel Garand, tu le connais ? Olivier Tournay, il propose quoi ? Le Front national aura sa liste ? etc. C'est dans ces circonstances, dans ces échanges informels, mi-sérieux, mi-plaisants, que le corps électoral commence à se faire quelques petites idées. C'est mieux qu'une affiche que personne ne lit, qu'un tract que personne ne prend, qu'une réunion où personne ne va, qu'un porte à porte auquel on répond poliment, comme on fait avec les Témoins de Jéhova.

Je ne vais pas complètement récuser une expression si répandue que celle de trève des confiseurs. Le seul sens pertinent que je lui accorde, c'est que durant cette période-là, les armes restent au vestiaire, on cesse la politique partisane, agressive, disqualifiante. C'est un temps de paix et d'espoir. L'homme politique y parle de lui plus qu'il ne dénigre les autres (ce qui n'est pas totalement dans ses habitudes). A l'heure où les citoyens se souhaitent santé, amour et réussite, le candidat doit être à la hauteur de ces voeux, donner le meilleur de lui-même, faire envie qu'on vote pour lui. Il n'y a pas de trève pour ça.

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