mercredi 25 décembre 2013

La bonne liste



Nathalie Kosciusko-Morizet était bien partie, dans les élections municipales à Paris. Elle avait pour elle la notoriété médiatique et trois lettres, rares en politique : NKM, à l'instar de JFK, VGE, DSK ... Elle avait changé son look, à la façon de François Hollande pour la présidentielle : fini la BCBG hautaine, précieuse et pète-sec. En allégeant son maquillage et en libérant son épaisse chevelure blonde sur ses épaules, elle cessait d'être cette drôle de bourgeoise gothique un peu inquiétante pour se transformer en bobo parigote branchée qui s'extasie en prenant le métro. Et puis paf, tout a capoté en cette période de fêtes, sur ce qu'il y a de pire dans une élection municipale : la composition de la liste, ou plutôt des listes, puisque le scrutin parisien est à l'image de Paris, compliqué. Borloo proteste, Tibéri conteste et Beigbeder s'en va.

A la décharge de NKM, la composition d'une liste municipale, c'est coton, entre le mélodrame et la tragi-comédie. Les portes claquent comme au théâtre, les lapins sortent du chapeau comme au music-hall. Il y a ceux qu'on attendait et qui finalement n'en sont pas, il y a les inconnus dont on se demande par quel miracle ils sont là. Tous se croient appelés et quelques-uns seulement sont élus. Pour la tête de liste, c'est l'occasion de se faire de solides inimitiés, qui ne s'oublieront pas de sitôt, qui dureront de longues années, avec des relents de revanche et de vengeance, jusqu'à une possible rédemption lors du scrutin suivant. En politique, gagner son paradis, c'est obtenir une place quelque part, éligible bien sûr.

Si encore le travail se résumait à faire une liste ... mais il faut que ce soit une bonne liste, susceptible de l'emporter. Si la tête est correcte mais que la suite est pourrie, c'est fichu. La bonne liste, c'est comme le gendre idéal, le brillant second ou le bon numéro à la loterie : pas facile à trouver. A-t-on même une définition de ce qu'est une bonne liste ? A posteriori, c'est celle qui gagne, qui gère bien et qui regagne. Mais a priori ? Une liste de gens connus, compétents et influents, de préférence. Quoique la définition soit trop théorique et la constitution très difficile : autant chercher des aiguilles dans une botte de foin. Les personnalités locales, sportifs, syndicalistes, associatifs, choisissent souvent de rester ce qu'ils sont et déclinent l'offre, ne voulant pas gâcher leur notoriété en siégeant sur une liste dont la victoire n'est pas forcément acquise. En politique, on peut laisser des plumes pour pas un rond, c'est un risque.

Corinne Bécourt, en deuxième position sur la liste communiste saint-quentinoise, a une formule qui pourrait m'agréer : "Une liste qui rassemble et qui nous ressemble". Oui pour la première partie : on ne gagne qu'en rassemblant les siens ; mais il faut aussi ne pas trop ressembler à soi-même, sous peine d'enfermement ; il faut être à l'image de la population, pour que celle-ci s'y reconnaisse. Je proposerais cette autre définition : la bonne liste, c'est celle où tout le monde s'y retrouve, dans les deux sens du terme, à la fois le parti et l'électorat.

Bref, le b-a ba de la bonne liste, c'est de n'oublier personne. Je ne suis pas un spécialiste de la droite parisienne, quoique ayant vécu quinze ans à Paris, mais je crois que l'erreur de NKM est d'avoir laissé du monde en chemin. Une bonne liste, c'est aussi prendre des gens qu'on n'aime pas, qui ont des défauts comme tout un chacun, mais qu'il faut mettre quand même parce que tout le monde doit s'y retrouver. Le défaut de la gauche saint-quentinoise, ces vingt dernières années, c'est de n'avoir pas su rassembler (je l'ai souvent regretté et dénoncé sur ce blog).

En 1995, la liste socialiste se constituait sans les élus municipaux de l'époque. En 2001, Odette Grzegrzulka excluait de son équipe d'un côté Jacques Wattiez, Jean-Pierre Lançon et Yves Mennesson, et de l'autre côté Maurice Vatin, Denis Lefèvre, Bernard Lebrun et ... Michel Garand. Ca faisait tout de même beaucoup d'écartés ! On l'a oublié, la leçon a été perdue, je l'ai à l'esprit. Tous auraient dû figurer. En 2008, c'était pire : la liste était composée par la minorité, à l'aise dans son bon droit statutaire, mais se crashant politiquement. Pour 2014, la situation est beaucoup plus favorable, prometteuse, je dirais même normale : Michel Garand veut gagner, donc ne peut pas exclure. Néanmoins, la difficulté à constituer une liste demeure. Mon souhait, que j'ai exprimé à plusieurs reprises, c'est que, conformément à la définition que je viens de donner d'une bonne liste, tout le monde s'y retrouve, personne n'en soit écarté. Mine de rien, ce serait depuis 1995 une première.

A droite, la culture de l'unité est bien ancrée, depuis longtemps, Pierre André et Xavier Bertrand sont sur ce point très vigilants. Ce sera donc moins compliqué pour eux. Mais il leur faudra bien renouveler leur liste et se séparer de vieux compagnons, ce qui réintroduit les difficultés (en politique, on n'en sort pas !). Néanmoins, ils ne commettront pas l'erreur de se séparer des têtes les plus emblématiques, qui se sont faits depuis un certain temps connaître, qui ont des mandats de premier plan : parmi elles, j'imagine mal que Monique Ryo, Colette Blériot, Vincent Savelli ou Freddy Grzeziczak n'en soient pas. La boulette, quand on fait une liste, c'est l'absence qui se remarque ... et la présence qui ne se voit pas.

Bonnes listes à toutes et à tous,
et joyeux Noël !

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