jeudi 26 décembre 2013

Le choix de la TVA



Le n°3 de L'Eveil, journal de la section de Saint-Quentin du PCF, vient de sortir. Vous vous souvenez que le n°2 avait suscité une déplorable polémique. Pour ma part, je me situe exclusivement sur le plan de la confrontation d'idées. De fait, les communistes sont en compétition électorale avec les socialistes pour ces élections municipales : il faut donc leur répondre, honnêtement et dans la clarté. Comme la fois précédente où j'ai défendu la politique éducative du gouvernement (la réforme des rythmes scolaires), je défendrais cette fois-ci sa politique économique (la hausse de la TVA, qui est l'objet d'une pétition hostile des communistes, dont je publie en vignette les arguments, afin que chacun puisse comparer et juger).

D'abord, rappelons les faits : la TVA n'augmente pas totalement, mais seulement ses taux plein et intermédiaire. Le taux de base demeure à 5,5%. La remarque est de taille, puisqu'elle signifie que les produits de première nécessité, l'alimentation, sont exclus des hausses de TVA. Quant aux augmentations, certaines ne me dérangent absolument pas : par exemple le taux plein (qui d'ailleurs ne passe que de 19,6 à 20%) sur le porno et l'alcool. Dans l'Aisne, un club libertin et échangiste a protesté, de même que les chevaux et les poneys, puisque les centres équestres sont concernés. Je suis sensible à la souffrance fiscale des uns et des autres, mais je crois aussi qu'il y a des problèmes autrement plus importants en France.

Le taux intermédiaire de la TVA, lui, passe de 7 à 10%. Ma réticence, c'est que les transports en commun sont touchés, alors que les salariés en ont souvent besoin pour aller travailler. Mais pour les restaurants et les hôtels, qui relèvent de la consommation de plaisir et de confort, non, je ne suis pas choqué. Outre l'alimentation épargnée, le taux de base met aussi à l'abri de toute augmentation le livre, le cinéma et les abonnements de gaz et d'électricité. Ces précisions nuancent tout de même le jugement unilatéral et la condamnation brutale portés par le parti communiste.

Nos camarades dénoncent la reprise par les socialistes de la "TVA sociale" instaurée par Nicolas Sarkozy. Non, celle-ci a été supprimée par François Hollande dans les premières semaines de sa présidence. Son mécanisme était différent : le taux normal de la TVA était élevé à 21,2%, contre un allègement des charges sociales des entreprises. Ce n'est pas la politique de l'actuel gouvernement.

Ceci dit, personne n'aime voir les prix de quoi que ce soit augmenter. Ce n'est donc pas sur ce point que je compte convaincre. La vraie question, la seule qui vaille en politique, c'est de savoir ce qu'on va faire de l'argent dégagé par les hausses de TVA, en l'occurrence 6 milliards d'euros. L'objectif est d'abonder le crédit d'impôt compétitivité emploi, en faveur des entreprises, qui s'élève à 20 milliards. C'est un axe majeur de la politique économique du gouvernement, qui se comprend facilement dans son intitulé : accorder des crédits d'impôts aux entreprises, pour qu'elles soient plus compétitives et créent de l'emploi.

Le gouvernement actuel n'est pas social-libéral ; sinon, il ne favoriserait pas massivement l'emploi aidé. Mais il ne croit pas non plus que les gisements d'emplois se trouvent dans la Fonction publique : c'est l'entreprise qu'il faut aider. Sauf à vouloir mettre en place un système collectiviste et étatiste, je ne vois pas comment faire autrement. Le problème, tout le monde le connait : c'est la concurrence mondiale et notre appareil de production qui n'est plus compétitif. Sauf à vouloir mettre en place un système protectionniste qui nous ferait rompre avec l'Europe et le commerce international, il faut mettre le paquet sur le développement industriel. Entre pouvoir d'achat et emploi, il faut choisir : c'est l'emploi qui passe en premier (quant à vouloir les harmoniser, c'est une agréable fiction). La France doit rompre avec la logique du chômage de masse, dans laquelle elle est prise depuis plusieurs décennies.

Mes camarades communistes me feront sans doute remarquer qu'on peut trouver l'argent ailleurs qu'en taxant la consommation. Mais où ? Faire payer les riches ? C'est moralement satisfaisant, et je ne m'y oppose pas. Mais ce n'est pas comme ça qu'on obtiendra les 6 milliards nécessaires. Ceux qui sont très riches ne sont pas non plus très nombreux. Augmenter les impôts ? Les classes moyennes, qui ont déjà beaucoup donné, n'accepteront pas. Il reste la TVA ... ou la révolution. Mais cette dernière hypothèse, je n'y crois pas trop, je ne suis même pas sûr que je la souhaite.

La TVA est un système injuste, disent les communistes. Oui et non. Tout système a ses défauts. Mais vouloir taxer certaines formes de consommation relève d'un choix politique qui peut être pertinent. Les notions même de consommation et de pouvoir d'achat me gênent. Pour le coup, elles sont complètement liées à l'économie libérale, qui nous encourage à consommer et à acheter. C'est très discutable. En tout cas, je préfère qu'on soutienne la production utile à la consommation inutile. Supprimer totalement la TVA, ce serait une folie.

Contrairement à Michel Aurigny, je pense qu'on fait dire aux chiffres ce qu'on veut, c'est pourquoi je n'en abuse pas. On ne fait pas de politique avec une calculette ou un boulier. Les hausses de TVA peuvent sembler impressionnantes, elles ne le sont pas. Les répercussions sur les prix, qui ne sont pas automatiques, tourneront autour de 0,4%, selon le ministère de Budget.

Entre socialistes et communistes, deux lignes s'opposent : une réformiste, social-démocrate, une autre révolutionnaire. Mes arguments n'y changeront pas grand chose. Les communistes de Saint-Quentin ont un maître-mot pour justifier leur démarche politique : la colère. Je ne crois pas que celle-ci soit bonne conseillère. En tout cas, elle ne constitue pas un projet de société. Plein de choses nous mettent en colère, sans que ça débouche sur quoi que ce soit. La colère peut aussi engendrer le pire. Non, si j'avais un mot à retenir pour définir une politique, ce serait celui de choix. Les hausses de TVA ne me réjouissent pas plus que n'importe qui ; si je me laissais aller, peut-être même que je piquerais une colère, en voyant mon billet de train augmenter. Mais ce choix de la TVA me semble utile et pertinent, étant donnée sa finalité. A d'autres de me convaincre qu'il existerait un choix meilleur.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

"Mais pour les restaurants et les hôtels, qui relèvent de la consommation de plaisir et de confort, non, je ne suis pas choqué"
Non c est faux les hôtels et restaurants fonctionnent essentiellement en semaine grâce aux salariés en mission.les petites entreprises vont encore être pénalisées, cela va augmenter les frais de déplacements de leur salariés.
la tva est un impôt très injuste car le produit ou le service est taxé au même taux que l acheteur soit riche ou pauvre.


Emmanuel Mousset a dit…

La TVA n'est pas un impôt mais une taxe. Comme toutes les taxes, elle n'est pas indexée sur le niveau social.

La clientèle des hôtels et des restaurants, c'est à voir. Mais ces établissements font plus dans le loisir que dans le social.

Si la TVA est injuste, proposez-vous sa suppression ? Toute la question politique est là.