mardi 10 décembre 2013

Courtoisie républicaine



Quelle affaire, toute la journée d'hier ! Fallait-il que François Hollande et Nicolas Sarkozy, en leurs qualités d'actuel et d'ancien chef de l'Etat, voyagent ensemble dans le même avion pour aller assister à l'hommage rendu à Nelson Mandela, ou bien partent chacun de leur côté ? Le protocole ne dit évidemment rien là-dessus. Le bon sens pencherait plutôt pour un seul avion au lieu de deux, la bienséance aussi, le président en titre ayant poliment convié son prédécesseur à l'accompagner. Mais si la politique était une question de bon sens et de bienséance, nous le saurions depuis longtemps.

L'économie peut-elle venir à notre secours, puisqu'il nous est demandé de faire des économies un peu partout ? Même pas, puisqu'il paraît qu'un seul avion ou deux, ça revient au même en termes de dépenses (je vous fais grâce de la démonstration). La psychologie, qui normalement a réponse à tout, s'en mêle (et s'emmêle) aussi : l'avion présidentiel n'a que quatorze places, l'espace est restreint, deux anciens (et toujours ?) adversaires n'auraient pas suffisamment d'air pour un trajet qui dure treize heures. On connaît tout de même pire dans la vie comme situation, même pour des chefs d'Etat. Mais l'époque ne jure que par le confort.

Quelles que soient les raisons des uns et des autres, je trouve que la polémique est du plus mauvais effet auprès de l'opinion publique, qui se fait déjà une piètre idée de notre classe politique. Les présidents américains seront trois dans la carlingue, mais comme tout est plus grand aux Etats-Unis, je suppose que l'avion aussi. Mandela, qui a réussi à réconcilier un pays autrement plus déchiré que le nôtre, ne parvient pas post mortem à réunir Hollande et Sarkozy. Ce n'est pas un drame, mais c'est un peu dommage en termes d'image. Les conflits ont leur justification en politique, ils sont même à la base de la démocratie, mais il y a des moments, comme celui-là, où la tête du pays doit manifester son unité. La France, qui doute d'elle-même, en a bien besoin.

Ce que les citoyens sentent sûrement, c'est que derrière tout ça, il y a ce qu'il ne devrait pas y avoir en politique : des chicayas, des gamineries, des susceptibilités froissées, de l'orgueil mal placé. On peut être adversaires, vouloir la mort de l'autre et se montrer magnanimes, grands seigneurs : c'est la paix des braves, avant que la guerre ne reprenne, puisque la politique est un combat sans fin. Mais non : notre époque tombe souvent dans la mesquinerie, la vanité, le ridicule. Je ne dis pas que ces travers n'ont pas toujours existé : autrefois, ils étaient cependant moins flagrants, moins accentués. L'individualisme, qui fait qu'on ne croit plus qu'en soi, les a aggravés. Aujourd'hui, un problème devient très vite personnel. La perte des enjeux idéologiques n'a rien arrangé.

Cet état d'esprit se vérifie à tous les niveaux. A Saint-Quentin, Michel Garand, tête de liste socialiste aux élection municipales, s'est plaint dans la presse que le maire Xavier Bertrand ne vienne pas le saluer, que les adjoints tournent les talons sur son passage. Michel a raison, ce n'est pas bien. Mais est-ce seulement un manque de courtoisie ? En politique, tout est politique, même un bonjour. Ne pas saluer l'adversaire, c'est le considérer comme quantité négligeable, lui dénier quasiment le droit à l'existence, le transformer en homme invisible. C'est moins de l'impolitesse que de la tactique. Mais la riposte est facile : il suffit d'aller vers celui qui vous ignore, de lui tendre ostensiblement la main, qu'il ne pourra pas vous refuser, et ce sera gagné !

Quoique je vais un peu vite en besogne. Ce week-end, un monsieur a hésité à serrer la main que je lui présentais et une dame n'a pas voulu me faire la bise alors que je lui tendais mes lèvres, tout ça parce que je les ai un peu secoués dans un billet sur ce blog. L'un et l'autre sont des personnages publics, qui aspirent à de hautes fonctions à l'issue des élections municipales : devenir maire-adjoint. Il leur faut accepter la critique, ne pas s'en offusquer et demeurer courtois. Ce n'est pas à strictement parler une question de politesse : je me moque des égards qu'on peut avoir ou ne pas avoir envers ma personne, je ne suis pas dans ce truc-là. Mais c'est une question de principe républicain : un candidat, un élu ou un futur élu se doivent de saluer chaque citoyen, y compris celui qui ne partage pas leurs idées, y compris celui qui a été un peu rude avec eux.

Encore le monsieur et la dame sont-ils bien tombés avec moi : j'ai bon fond, un naturel gentil qui m'empêchent de les achever à la hache (c'est une image). Les petits de ce monde se comportent parfois comme les grands de ce monde : susceptibles comme des poux, incapables de distance, ne supportant pas qu'on les touche. Du coup, la main se referme et la joue s'éloigne. Personnellement, j'en serais plutôt content, trouvant plaisir à l'adversité : quand la bête geint, c'est que le chasseur a visé juste. Mais je ne suis pas un tueur : je ne frappe que dans les pattes, j'ai pitié (c'est une autre image). Et surtout je m'amuse, parce que c'est la seule façon de réagir dignement à des attitudes mesquines. Ceux qui les pratiquent ne sont pas à la hauteur de leurs ambitions, qui exigent plus d'ouverture.

Quant à moi, qui ne prétend pourtant à rien, je salue tout le monde, avec cependant une limite : les représentants du Front national. C'est d'ailleurs logique : la courtoisie républicaine, que j'ai tenté de défendre et d'illustrer dans ce billet, ne s'applique qu'aux républicains, dont le FN ne fait pas partie.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Après avoir longuement étudié , le rôle de ce bloguiste , nous pouvons sans nous tromper qualifier son comportement comme celui d'un :
Commissaire politique !!

Le commissaire politique a une fonction idéologique et de cohésion, en partie comparable à celle d'un aumônier militaire, visant à renforcer le moral des troupes et à surveiller leur fidélité, mais son autorité, contrairement à celle d'un aumônier, est supérieure à celle des autres officiers, quels que soient leurs grades, car il n'est pas placé sous leur autorité et ne doit des comptes qu'à sa propre hiérarchie politique.
Cette fonction a été créée pour la première fois pendant la Révolution française, mais le nom a acquis sa notoriété dans le cadre de la formation de l'Armée rouge.

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Emmanuel Mousset a dit…

Non, vous exagérez mon rôle. Je ne suis soumis, ni ne reçois les directives d'aucune hiérarchie. Disons plutôt que je suis un agitateur d'idées, un éveilleur de conscience, un poil à gratter.

Anonyme a dit…

Pour tous ses déplacements, le président de la République se déplace avec deux avions. Il y en a toujours un pour pallier une panne.
S'il y a eu 3 avions, c'est pour accueillir toute la délégation française et l'avion de secours.

Pour Barack Obama, c'est la même chose. Le président des Etats-Unis se déplace toujours avec des véhicules en double.