mardi 24 décembre 2013

La laïcité, c'est la liberté



Je suis républicain, laïque et socialiste. Ces trois engagements sont pour moi indissociables. La meilleure preuve, c'est que je peux les définir chacun et ensemble par le même mot : LIBERTE ! Comme républicain, je crois d'abord, selon la devise de ce régime et la Déclaration de 1789, que les hommes naissent libres en droit. Comme laïque, je défends la liberté de conscience, inscrite dans la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l'Etat. Comme socialiste, j'adhère à la notion d'émancipation, c'est-à-dire de libération individuelle et collective, telle que la concevait Jean Jaurès.

Des grands mots, tout ça ? Oui, j'assume. Mais il en faut, si l'on veut savoir qui l'on est et ce que l'on pense. Des grands mots qui permettent de se prononcer sur des sujets très concrets, par exemple l'étude du Conseil d'Etat, rendue hier, portant sur les signes religieux des personnes non enseignantes accompagnant les élèves dans les sorties scolaires (que la circulaire Châtel de 2012 déconseille). C'est un point de droit, mais aussi une question politique. Que faut-il en penser ?

En tant que républicain, je mets le droit et la loi par dessus tout. D'un point de vue juridique, on ne peut pas assimiler des accompagnateurs à des agents de l'Etat, ces derniers étant soumis à un devoir de neutralité, et pas les premiers. Je m'étonne qu'il faille attendre le point de vue du Conseil d'Etat pour admettre un raisonnement de bon sens et de pure logique. L'avis a été sollicité par Dominique Baudis, Défenseur des droits, auquel on a fait remonter des incertitudes d'interprétation. Il est malheureux de constater que beaucoup de gens ne savent plus lire une circulaire, et surtout n'acceptent pas la marge de manoeuvre, le discernement, la part de délibération qu'elle encourage (ce qu'on appelle aujourd'hui, improprement, le "flou", qui désigne en réalité la liberté d'appréciation). On réclame une loi, par facilité et par brutalité, au lieu de s'en remettre à la pédagogie et à la discussion.

En tant que laïque, je n'accepte pas qu'on stigmatise une religion. La laïcité, c'est la liberté de culte, l'égalité entre toutes les confessions et la neutralité dans les débats théologiques. Ceux qui brandissent la circulaire Châtel visent un seul signe religieux, le voile islamique. Ce tissu, je ne sais pas s'il est religieux ou traditionnel, je n'ai pas à entrer dans son interprétation. Mais au nom de la liberté, je m'insurge contre ceux qui interdisent à des mères de famille de le porter lors des sorties scolaires. Je ne suis pas un laïque à tête de linotte, j'ai de la mémoire historique : jamais nos grands ancêtres n'ont envisagé ce genre de disposition liberticide. Enfin, je suis un laïque profond, et pas superficiel à la manière d'un bout de tissu qui fait peur : la laïcité à l'école est dans la transmission des enseignements, pas dans la prohibition de certains vêtements ou signes à la symbolique incertaine.

En tant que socialiste, je me scandalise de ce que les plus pauvres, les mères des familles d'immigrés, fassent les frais de cette circulaire abusivement interprétée, que le gouvernement ferait bien d'annuler, pour que les choses soient plus claires. Ce n'est pas la peine d'humilier des populations qui, par leur histoire, l'ont été trop souvent.

A mes amis de gauche, je pose trois questions, avec en cadeau de Noël les réponses : qui a voulu en 2004 la loi interdisant les signes religieux à l'école (c'est-à-dire le voile) ? Jacques Chirac. Qui a voulu en 2012 la circulaire demandant aux parents de ne pas porter de signes religieux (c'est-à-dire le voile) dans les sorties scolaires ? Nicolas Sarkozy. Quel est le seul parti de France qui propose l'interdiction totale des signes religieux dans TOUT l'espace public (dans la suite logique des décisions de 2004 et de 2012) ? Le Front national. Allez, une dernière question en prime : Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen sont-ils des références indiscutables en matière de laïcité ? Désolé, je leur préfère Jean Macé, Ferdinand Buisson et Jules Ferry. Ce sont eux, pas les autres, qui guident ma réflexion sur la laïcité.

Le républicain, laïque et socialiste que je suis dénonce vigoureusement la laïco-xénophobie qui est en train de contaminer les esprits. L'extrême droite détourne la laïcité au profit de son projet politique discriminatoire. Ces dernières années, elle a connu une évolution majeure trop peu soulignée : la rupture avec son courant catholique intégriste, théocratique, qui n'aurait jamais accepté de vanter les vertus de la laïcité (les fêtes du FN s'ouvraient sur une messe en latin et en soutane). Aujourd'hui, le Front national a liquidé toutes références religieuses, qui ne lui rapportent électoralement rien dans une société largement sécularisée. Mais le fond de commerce qu'il entretient et dans lequel se reconnaissent toutes ses sensibilités, c'est la xénophobie, particulièrement anti-maghrébine et anti-musulmane. Voilà ce que cache à peine sa conversion tardive à une hyper-laïcité, refusant tout signe religieux. Les laïcards, ce ne sont plus les gauchos mais les fachos ! Amis de gauche, réfléchissez bien à tout ça.

Les rodomontades autour du "prosélytisme" et du "communautarisme" ne valent rien. Ces deux concepts sont inopérants, mensongers et polémiques. Ils n'ont de sens que dans les petits têtes des xénophobes. Porter un voile, une petite croix, une kippa ou quoi que ce soit, ce n'est pas du prosélytisme : ce terme implique une démarche active, militante par laquelle on veut convaincre et enrôler autrui. Quant au communautarisme, ce mot ne veut rien dire : la République admet que les citoyens se réunissent en communautés, dans le respect de la loi générale. Communautarisme, c'est un sale mot à la mode xénophobe, repris bêtement par des républicains ignorants, des laïques dévoyés ou des socialistes opportunistes. Si les uns et les autres donnaient à la République, à la laïcité et au socialisme la belle définition de LIBERTE, les écailles leur tomberaient des yeux, ils auraient enfin une vision éclairée.

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