lundi 15 juillet 2013

Les choix et les contraintes



Depuis que la politique existe, cette discipline consiste à faire des choix au milieu de contraintes. Celui qui ne voit que les choix et qui prétend que tout est possible est un menteur ; celui qui ne retient que les contraintes et qui affirme qu'on n'a pas le choix est un hypocrite. Ni volontarisme, ni fatalisme, mais la prise de conscience des contraintes, à partir de quoi il faut opérer et assumer des choix : c'est le réalisme politique.

Ce petit rappel, confirmé par l'histoire des décisions politiques, m'a semblé nécessaire pour vous dire ce que je pense de la suppression de l'aide départementale pour les bourses d'études de l'enseignement supérieur, décidée la semaine dernière par le Conseil général de l'Aisne. Une pétition circule sur le Net pour la dénoncer. Je l'ai reçue, je ne l'ai pas signée. Pourtant, protester contre une telle suppression semble juste et de bon sens. Je vous explique pourquoi je ne l'ai pas fait :

D'abord, il y a le ton général de la pétition, initiée par Simon Dubois-Yassa, un ton excessif, radical, polémique. Par exemple, le texte accuse le Conseil général de l'Aisne de pousser les étudiants à la prostitution (c'est écrit en toutes lettres) et à la vente de drogue (c'est nettement suggéré). On laisse ainsi croire que les étudiants n'auraient plus d'aides du tout, se retrouveraient totalement démunis. C'est faux. La part départementale n'est pas la plus importante dans le financement des études : la Région et surtout l'Etat contribuent grandement. Dans le Courrier picard du 13 juillet, Lucas Monvoisin, étudiant en STAPS à Amiens, dit fort justement que c'est "un petit plus". Je comprends que les étudiants et leurs familles soient mécontents : on n'est jamais contents quand on vous retire de l'argent. Mais il faut respecter la vérité : les étudiants axonais ne seront pas sur la paille, ils bénéficieront d'autres aides qui leur permettront de poursuivre leurs études.

Ensuite, il y a des accusations politiques, orientées, discutables comme celle-ci : "Le conseil général ne fait pas de politique, il fait de la gestion comptable" (Dubois-Yassa, le Courrier picard). Mais la politique, c'est aussi de la gestion comptable ! Les contraintes que j'évoquais au début de ce billet, ce sont principalement les contraintes budgétaires. Peut-on faire comme si elles n'existaient pas ? Croit-on que le Conseil général de l'Aisne supprime de gaieté de coeur les bourses départementales ? Non, les contraintes obligent à faire des choix.

Le Conseil général aurait pu faire un autre choix, par exemple supprimer la gratuité des transports scolaires, à quoi il n'est pas soumis. Mais ce choix aurait-il été plus juste ? Non, je ne le crois pas, car dans ce cas, c'aurait été une perte sèche pour les familles, à la différence de la suppression de la bourse d'études. Et puis, le transport vers les écoles et les établissements scolaires concerne cette fois toutes les familles, qui sont dans l'obligation de scolariser leurs enfants.

La contrainte qui s'exerce sur une collectivité territoriale n'est pas seulement budgétaire : elle est aussi institutionnelle. Le Conseil général n'a pas vocation ni obligation à financer les étudiants, tâche qui revient à la Région (en charge de l'enseignement supérieur) et à l'Etat (puisque l'Education, y compris à son niveau supérieur, est nationale). En revanche, le département est affecté à toutes les dépenses sociales, dont le RSA. Là, c'est son devoir de subvenir aux populations en difficulté. Que le Conseil général mette tout en oeuvre pour y parvenir dans un contexte économique très difficile, qu'il fasse les choix nécessaires à cette mise en oeuvre, c'est tout à son honneur : il faudrait mieux l'en féliciter que le lui reprocher.

A propos du RSA, Simon Dubois-Yassa déploie une étrange dialectique : un étudiant qui n'a plus sa bourse se retrouvera au RSA ; le Conseil général supprime les bourses pour financer le RSA, mais en augmentant le nombre des bénéficiaires du RSA, il aggrave le problème de son financement. C'est un pur sophisme ! D'abord, il n'est pas vrai qu'un étudiant qui perd l'aide financière départementale soit condamné au RSA. Surtout, les bénéficiaires du RSA, dans leur très grande majorité, n'ont hélas pas eu la chance d'accéder aux études supérieurs (ce n'est pas l'aide financière qui est en jeu, mais le système de formation et l'état de notre économie). Evitons donc les raisonnements faciles, complètement erronés, fallacieux.

La pétition fait une proposition insensée : "Si le Conseil général n'a pas les moyens de ses ambitions pour la jeunesse, il doit courageusement entrer en déficit pour entamer un rapport de force avec l'Etat et réclamer les moyens nécessaires". Ce n'est pas ma définition du courage, mais c'est ma définition de la folie ! Le Conseil général, loin d'entretenir le déficit, doit lutter contre, faire face à la montée des dépenses sociales, au risque d'entrer en faillite. Croire que l'Etat viendra à son secours, c'est joindre la naïveté à la folie, c'est surtout entraîner les étudiants et leurs familles dans un combat qui n'est plus revendicatif mais politique : Julien Dive, responsable des jeunes UMP, l'a bien compris, en signant la pétition et en envoyant un courrier de protestation à Yves Daudigny, président du Conseil général. Notons aussi que les élus UMP ont voté contre la suppression des bourses, mais qu'ils n'ont pas été suivis par les centristes.

S'il y avait besoin d'une preuve supplémentaire de la politisation de ce dossier, elle est contenue dans la fin de la pétition : "Vous nous avez rayés des dépenses du Conseil général, si cette décision est maintenue, nous vous rayerons des bulletins de vote". Appréciez le petit chantage, mais surtout l'inanité politique : quand les électeurs auront à se prononcer sur le bilan des conseillers généraux de l'Aisne, ils ne le feront pas exclusivement sur la question des bourses départementales, car il y a bien d'autres sujets d'appréciation, autrement plus sensibles. Leur jugement sera global, comme toujours en politique, où c'est l'intérêt général qui prime, pas l'intérêt de telle catégorie de la population, aussi légitime soit-elle. En l'occurrence, dans cette difficile décision de supprimer l'aide financière aux étudiants, je pense que le Conseil général de l'Aisne ait allé dans le sens de l'intérêt général. Au milieu des pires contraintes, il a fait le meilleur choix.

9 commentaires:

Unknown a dit…

J'ai la chance d'avoir un ami qui suit attentivement votre blog, et m'a avertis de votre petit billet défendant la suppression des bourses départementales de l'Aisne, et donc défendant une régression sociale. Je vous répond en suivant le fil de votre article. Je vous demande par ailleurs de modifier les parties malhonnêtes de votre article qui portent atteintes à l'intelligence humaine.

Depuis que la politique existe, vous remarquerez que souvent, ce sont les mêmes qui subissent les contraintes et les choix d'une minorité. En l'occurrence ici, le choix d'élus de bastions qui ne connaissent ni le goût de la précarité, ni le goût de la marque repère. Certainement vous aussi avez oublié le goût âpre de l'assiette du pauvre.

C'est sans doute ce ton de « l'excessive » précarité, de la précarité « radicale », que vous n'avez pas apprécié. C'est enfaite le ton d'une bande d'étudiants qui un mercredi soir apprennent qu'ils vont perdre en moyenne 1000€ (pour ma part, les 2400€ des bourses départementales de cette année m'ont permis de participer au programme Erasmus et de voir, de comprendre, l'engrenage vicieux de l'austérité, j'y reviendrai plus bas). C'est sans doute aussi ce ton, qui a parlé a tant de gens : Plus de 1200 signatures en cinq jours, et plus de 2400 profils différents qui l'ont partagé sur Facebook.

Tout est là : http://www.petitions24.net/contre_la_suppression_des_bourses_etudiantes_dans_laisne

Protester contre cette suppression n'est pas simplement du bon sens comme vous le soulignez, c'est enfaite d'intérêt général. Je vous allez, j'espère, comprendre pourquoi.

Unknown a dit…

Souvent, nous parlons de prostitution. Parfois même de prostitution étudiante. On ne connait pas vraiment très bien l'ampleur du phénomène, mais on sait qu'il existe. Il suffit de faire un tour sur les sites de rencontres pour s'en convaincre. Personnellement, les offres qu'on m'a faites (spontanément) ont tournés entre 60 et 200€/h. C'est plus ou moins l'équivalent de la bourse départementale chaque mois. Si un ou une seule axonais/e se prostitue a cause de cette suppression de bourse, je crois qu'il est pertinent et important de le souligner et de poser a tous la question. Si les élus se sentent accusés de proxénétisme, qu'ils sachent que c'est bien l'effet recherché. La prostitution n'est pas un sujet que l'on peut traiter « à part ».

Yves Daudigny a d'ailleurs partagé récemment sur son profil facebook un lien vantant les mérites de la ministre des droits des femmes, en bon féministe -je suppose- il devrait donc réfléchir à l'impact et aux effets sur les étudiants de cette suppression de bourse. Car la prostitution étudiante est d'abord la cause de la précarité. Plus de précarité = plus de prostitution. Moins de bourses = plus de précarité. Cela n'est pas un sophisme, c'est une réalité sociologique.

Vous savez, à la fin du mois, l'argent de cette de bourse ne va pas sur un livret d'épargne. Elle nous permet de manger, de nous loger, de nous habiller, de ne pas frauder dans le métro, de nous payer la voiture qui nous emmènera jusqu'au travail, de payer le permis, de financer notre BAFA pour pouvoir travailler pour financer le reste de nos études. Il va donc falloir trouver cet argent quelque part. Autre part. D'une manière ou d'une autre.

Unknown a dit…

Je permet de vous souligné que cous avez pris exemple d'une seule personne qui a été interrogé pour argumenté votre thèse.Alors qu'une personne ne suffit pas, de plus si comme vous le dîtes la prostitution n'existe pas alors ces personnes ne font pas étude ou alors il font un boulot à coté mais on ne peut faire de bonne étude si on travail à coté.
Ensuite les personne touchant le RSA font moins attention à l'argent que les personnes touchant le SMIC ce qui peut être compréhensif: il ne savent pas à quelle point ces dure de gagné de l'argent de plus si ils en dépensent de trop il ont de nombreuses aide comme pour les facture, le logement,le resto du cœur ...
Pour finir je vais prendre un exemple:moi.Dans ma famille on est 3 en étude supérieur sachant que mon père touchent le smic et que ma mère va bientôt être sans emploie, il ne peuvent subvenir au besoin de nous 3 (il reste encore 2 frère et soeur). Et comme a dit Simon Dubois-Yassa si on veut gagné de l'argent il faut avoir le permis qui coûtent assez chère ...
Maintenant je vous pris Monsieur Emmanuel Mousset de me répondre,de nous répondre comment fait on pour réussir correctement nos étude.
Je suis a l'écoute de vos réponses que nous pourrons alors soit appliqué soit polémiqué.

Unknown a dit…

Je continu :
L'UNEF, le syndicat étudiant, en est bien consciente, soutiens officiellement notre initiative et a massivement relayé la pétition sur le terrain (le nombre de signatures « papier » va bientôt arriver!).

Avant d'évoquer la prostitution, le texte questionne sur le nombre d'axonais qui devront stopper leur cursus universitaire, demande combien seront « les cumulards » de jobs étudiants en période scolaire, combien devront s'endetter pour payer leurs études (Le département de la Somme lui a mis en place un système de prêts à taux 0 pour les étudiants. Belle France, 5em puissance du monde et incapable de rendre les études supérieures gratuites : « Etudiants, endettez vous » !)

Le texte rappel aussi au CG, mais surtout, a tous les citoyens que les trafics de drogues, mais aussi le travail « au black », ne vient pas de nul part : Il découle d'une situation politique. De la misère sociale.

Pour votre information, la Région Picardie ne participe que pour les trajets TER des étudiants : lieu du foyer familiale -> lieu d'étude. 9 trajets par mois si mes souvenirs sont bons. Il semble qu'elle accorde aussi sous conditions une bourse pour des étudiants étudiant EN Picardie.

Unknown a dit…

Les bourses CROUS (de l'état) sont quant à elles ridicules. Pour ma part, je suis échelon 5 soit un peu plus de 450€/mois (pendant 10mois). Mais ce n'est pas suffisant pour vivre, même logé dans l'une des cages à poules du CROUS (11m2, cafards et moisissures compris dans le prix mensuel). Les +/- 100€/mois du département de l'Aisne étaient donc en effet « un petit plus ». « Petit » car toujours insuffisant. « Plus » parce que c'est toujours mieux que rien.

Nous voilà donc arrivé à votre petite malhonnêteté : Vous coupez ce qui vous arrange là où ça peut servir les intérêts de votre caste politique et défendre les élus de votre parti politique le Parti Socialiste. Je n'ai pour ma part pas ce réflexe. Lucas ne dit pas autre chose que moi. Il ne dit pas c'était "un petit plus". Il dit : "C'est un petit plus, ça m'aurait permis de ne pas être en manque d'argent ". Traduction : Sans cette bourse, il va lui manquer de l'argent. Est ce que vous comprenez maintenant ?

Maintenant, faisons comme vous, respectons la vérité : Que connaissez vous vraiment de la vie étudiante ? Que connaissez vous de la précarité ? Qui êtes vous pour affirmer que « les étudiants axonais ne seront pas sur la paille » alors que nous le sommes déjà à longueur d'année ?

Vous accusez ensuite notre texte d'entretenir un malentendu volontaire pour faire croire qu'il ne s'agit pas de la bourse départementale mais de toutes les bourses.

Tous les étudiants, et toutes les familles d'étudiants, savent bien que nous parlons de la bourse départementale. C'est d'ailleurs clairement dit dès la 1ere ligne de la pétition. Vous n'aviez peut être pas compris à la première lecture. Mais suis je vraiment responsable si vous ne comprenez rien ?

Ensuite, en effet, le conseil général ne fait pas de politique. Il fait de la trésorerie : Il a trop de dépenses, il raye donc une case dépense. Aujourd'hui les étudiants, puis quand le chômage augmentera encore, ce sera au tour du transport. Et après ? Peut être nos élus-comptables vendrons des parcelles de nos routes départementales ?

L'austérité, c'est aller droit vers l'asphyxie. C'est un engrenage sans fin. Une spirale dans laquelle on ne sort que par le rapport de force.

Quand il y a "trop" de dépenses (les bourses étudiantes étaient elles vraiment de trop?), peut être faut il penser à augmenter les recettes ?

J'ai lu vos éloges aux jeunes pop de l'UMP. Pas un mot sur la décentralisation et le transfère de compétences Etat-Départements (sans le transfère des fonds nécessaires) qui pousse le CG a aujourd'hui accompagner l'austérité au lieu de la combattre. Pas un mot sur l'hypocrisie de l'UMP. De quel coté de la barricade vous trouvez vous ?

Anonyme a dit…

Syndicaliste dit :

Je ne sais ce que fait comme étude ce jeune ; mais il ne sait ni écrire ni orthographier le français contrairement aux anciens uniquement munis du certificat d'étude primaire ... Tirez en les conséquences que vous voudrez mais quand on veut débattre il faut être dans un contexte de bonnes connaissances générales ...

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Unknown a dit…

J'ai dis par contre que les étudiants précaires qui ne vont pas pouvoir poursuivre leurs études car leurs parents sont trop pauvres (Oui respectons la vérité : Il y a des gens pauvres dans l'Aisne) vont enchainer les petits boulots, et passerons certainement a un moment ou a un autre par la case RSA car n'auront aucun diplôme qui les protégera. C'est déjà aujourd'hui une réalité avec la bourse, imaginez sans celle ci !

Terminons :
Ce que vous appelez chantage, nous l'appelons démocratie.

Nous le répéterons donc a qui veux l'entendre :

Si le Conseil Général de l'Aisne veut tondre les étudiants, il devrait se rappeler qu'avant d'aller à l'abattoirs les moutons ne votent pas pour le boucher. Les étudiants et leur famille ne voterons pas non plus pour les bouchers de l'austérité.

Le droit de vote est bien notre unique force de pression. Vous l'aurez compris donc : Le texte de la pétition est évidement politique car perdre des aides sociales est un fait politique. Tout comme vivre dans un 11m2, sauter des repas par manque d'argent, ou ne pas aller chez le medecin.
Simon Dubois-Yassa, étudiant précaire.

Unknown a dit…

http://www.parti-socialiste.fr/articles/en-seine-saint-denis-un-budget-de-revolte-en-deficit-comment-en-est-arrive-la

Anonyme a dit…

Bonjour,
Juste une petite correction, le RSA n'est pas alloué aux étudiants sauf dérogation et sous certaines conditions.
Alors, avant de flinguer le Département, vérifiez vos arguments et relisez donc les textes de loi se rapportant au RSA et au FNSA. Merci

Laurent ELIE