mardi 9 juillet 2013

La fin du député-maire



L'Assemblée nationale va se prononcer aujourd'hui sur une réforme qui fera date dans le quinquennat de François Hollande : la limitation du cumul des mandats, plus précisément l'impossibilité pour un parlementaire d'exercer une fonction exécutive locale. L'opinion le réclame depuis longtemps, la société en a besoin, la France doit rejoindre sur ce point les autres pays d'Europe, je suis à fond pour. A terme, notre paysage politique en sera complètement bouleversé. C'est le plan de carrière, au demeurant fort légitime, de nos hommes et femmes politiques qui en sera profondément modifié, et aussi le rapport des citoyens à la chose publique.

Jusqu'à présent, la réussite en politique passait par trois étapes, une sorte de sainte trinité de l'action politique : maire, député, ministre (le dernier niveau pour les plus chanceux et les plus talentueux), sans parler du stade suprême, président de la République, qui ne concerne que ceux qui se rasent le matin en y pensant (au lieu comme tout le monde de veiller à ne pas se couper, ce qui fait que ceux-là sont très peu nombreux). Pour l'immense majorité des ambitieux, député-maire suffit à leur bonheur, c'est la consécration qui fait dire qu'on n'a pas perdu son temps dans cette perte de temps qu'est la politique. Aux yeux des citoyens, il n'existe vraiment que Monsieur le maire ou Monsieur le député qu'on connaisse et respecte. Conseillers ou adjoints, c'est de la valetaille. Le conseiller général n'est connu et apprécié que dans les campagnes et le conseiller régional que dans son parti. En politique, il faut être maire, parlementaire, ministre ... ou rien.

La nouvelle loi va changer tout ça, il va falloir choisir. Ce sera la fin de la figure la plus populaire de notre République, le député-maire. Je n'ai aucun regret ni aucune inquiétude, je suis au contraire plein d'espoir : le parlementaire pourra se consacrer entièrement aux lois, le maire au service de ses administrés, la tentation du potentat local, prince dans sa ville et seigneur dans la capitale, disparaîtra, la classe politique s'ouvrira et se renouvellera. Tout ça est très bien.

Est-ce que la campagne des municipales (je pense bien sûr à Saint-Quentin) en sera modifiée ? Je ne crois pas. Bien sûr, Xavier Bertrand devra choisir entre le palais bourbon et l'hôtel de ville, soit dès maintenant, soit en 2017 (date d'application de la loi). L'honnêteté à l'égard des citoyens l'incite à dévoiler sans attendre ses intentions : réclamer un mandat qu'on sait devoir interrompre à mi-parcours, ça ne va pas. D'autant qu'entre maire et parlementaire, je ne doute pas qu'il choisisse la seconde solution : quand on est candidat à la candidature pour la présidence de la République, je suppose qu'on tient à conserver un mandat national. La gauche aura donc peut-être à affronter l'an prochain quelqu'un d'autre que Xavier Bertrand. Mais ça n'augmentera ni ne diminuera ses chances de l'emporter. Xavier Bertrand, de toute façon, restera très présent dans la campagne et dans la ville. Surtout, les thèmes de campagne, les attentes des Saint-Quentinois, avec ou sans Bertrand, seront les mêmes : la gauche n'a donc rien à craindre ni rien à espérer d'un changement de tête dans la liste de l'UMP.

Pierre André, dans le Courrier picard, a dressé le portrait d'un possible candidat : 40 ans, femme, gaulliste, pas forcément UMP. A-t-il quelqu'un à l'esprit ? On peut toujours s'amuser à chercher parmi les personnalités locales ... Une seule, finalement, a devancé la réforme : c'est Anne Ferreira, dont on peut penser que le renoncement inattendu aux élections municipales a été motivé par le désir de redevenir députée européenne (le non cumul s'appliquera aussi aux parlementaires européens, à partir cette fois de 2019). Quoi qu'il en soit, la population ne se prononcera pas sur les ambitions des uns et des autres, mais sur leurs propositions.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Tant que les partis politiques ne feront pas une sélection sévère de leurs candidats , on sera les dindons de la farce ... Et ce n'est pas vous qui direz le contraire !!

Emmanuel Mousset a dit…

Est-ce que j'ai une tête de dindon ?