jeudi 18 juillet 2013

35 heures ? Non, 29 !



La gauche étant au pouvoir, ses partis, ses élus, ses militants doivent soutenir la politique gouvernementale et la défendre publiquement. C'est une question de discipline et de cohérence élémentaires. D'honnêteté aussi. Cependant, la réflexion et le débat ne s'arrêtent pas. C'est au contraire du rôle des intellectuels d'apporter des idées nouvelles, d'autant que l'ambition de la gauche est de gouverner la France dans la perspective de la décennie, si les électeurs en décident ainsi. Parmi les ouvrages qui contribuent à enrichir la pensée de la gauche réformiste, je vous recommande "La gauche n'a plus le droit à l'erreur", de Michel Rocard et Pierre Larrouturou, , aux éditions Flammarion, qui bouscule les idées reçues.

Première idée iconoclaste : inutile de rêver à un retour en arrière, cessons de mythifier les Trente Glorieuses, le plein emploi, etc. La notion de "crise" est erronée : elle suppose une période passagère de difficultés avant de retrouver une situation normale. Non, ce que nous vivons depuis 40 ans n'est pas une "crise", c'est une mutation, un changement complet de système économique qu'il faut analyser en des termes tout à fait nouveaux.

La croissance, par exemple : tous les gouvernements ne jurent que par elle, laissant entendre qu'elle serait la solution à nos problèmes. Mais jamais nous ne retrouverons les taux de croissance des années d'après-guerre, quand il fallait reconstruire le pays et que la société de consommation était dans sa phase ascendante. Jamais nous ne pourrons rattraper et concurrencer les pays émergeants, dont la croissance s'établit dans des conditions que nous ne trouverons pas chez nous, par bonheur.

Faut-il blâmer, comme on le fait souvent, l'Etat-providence ? Non, Rocard et Larrouturou s'en prennent plutôt au capitalisme dérégulé, qui rend aujourd'hui inopérantes les réponses classiques. Les plans de relance ne servent à rien. Si l'économie tient encore le coup, c'est grâce à l'endettement sans fin des ménages et des Etats, sans quoi le monde serait en récession depuis quinze ans.

Les préconisations des deux socialistes sont aussi décapantes que leurs analyses : créer deux millions d'emplois avec une croissance nulle, c'est possible, selon eux ! Il faut d'abord cibler les secteurs, notamment le logement et les questions climatiques (on ne peut plus suivre une politique énergétique qui met en cause l'avenir de la planète), tous les deux créateurs d'emplois.

Surtout, il faut poursuivre la réduction du temps de travail (Aïe ! c'est la droite qui va être furax, elle qui n'a toujours pas digéré les 35 heures), se diriger vers les 29 heures, la semaine de quatre jours. Tant pis pour les moralisateurs de la valeur travail ! Je suis moi aussi persuadé qu'on ne peut pas attendre le retour hypothétique de la croissance, que notre rapport au travail a beaucoup changé dans une société où existe depuis plusieurs décennies un chômage de masse.

De même que certains gagnent trop, d'autres travaillent trop (je parle du travail rémunéré). Quand le gâteau se réduit, il faut le partager et ne pas laisser croire qu'il pourrait enfler ; il faut aussi songer à produire d'autres gâteaux. Et puis, le travail ne se limite plus aujourd'hui à sa définition classique d'activité salariée : si je prends ne serait-ce que le bénévolat, on constate qu'il dégage lui aussi de la richesse économique et sociale. Il faut repenser le travail, ne plus le limiter aux heures de bureau et d'usine.

Voilà des idées sur le travail qui sont à méditer, sur la plage ou à la campagne, puisque une bonne partie de la France, pendant deux mois, sans trop de mauvaise conscience, cesse de travailler, du moins légalement. Lisez Rocard et Larrouturou, non pour adhérer, mais pour réfléchir (et puis, lire et réfléchir, même dans le farniente, c'est un travail !).

Aucun commentaire: