vendredi 19 juillet 2013

Hou hou fais-moi peur



Je m'intéresse depuis très longtemps au phénomène des rumeurs, ces prétendues vérités qui n'en sont pas du tout ou à moitié (mais une moitié de vérité, c'est un parfait mensonge). Pourquoi se propagent-elles parmi les êtres humains ? Pourquoi y adhèrent-ils si facilement ? Bien sûr, deux préceptes éclairent le phénomène : il n'y a pas de fumée sans feu et plus c'est faux mieux ça passe (traduction personnelle du plus c'est gros mieux ça passe). J'ai une autre explication : la rumeur est le moyen pour les humains de se faire peur, de justifier leurs angoisses. Trois exemples dans la récente actualité corroborent cette thèse :

1- Il y a quelques jours, la tour Eiffel a été illuminée aux couleurs du drapeau arc-en-ciel des homosexuel(le)s. L'information a été reprise par plusieurs médias, des auditeurs se sont étonnés, pour ne pas dire scandalisés, de ce choix du maire de la capitale. Sauf que tout était faux, rien à voir avec les homos : les couleurs étaient celles de l'Afrique du Sud, en hommage à Nelson Mandela. Le mariage pour tous a tellement ébranlé une partie de l'opinion, qui y voit un complot du genre, que les fantasmes des anti se sont projetés sur le plus phallique des monuments de Paris, mondialement connu. Et l'arc-en-ciel après la pluie, est-ce une divine bénédiction au sein même de la Création ?

2- Kristian Vikernes est une moitié de fou et une pauvre tête, survivaliste, sataniste, néo-nazi et, il y a 20 ans, criminel. Il entrepose chez lui des armes et délire sur son blog. Il passe de tranquilles vacances dans la campagne française, seulement interrompues par une garde à vue et un sale bruit qui court (c'est aussi comme ça qu'on appelle la rumeur) : il préparerait sur le sol national un attentat terroriste. Mais la justice l'a laissé partir hier soir, ne trouvant rien de semblable à lui reprocher. L'opinion en sera pour ses frais : il est tellement tentant de se faire peur avec un affreux néo-nazi norvégien pour oublier la gentille et bien française Marine. La rumeur est un subterfuge , un déplacement de nos peurs.

3- La tragédie de Brétigny s'estompe au profit d'un scandale : les victimes auraient été dévalisées, y compris les morts ; les secours auraient été empêchés de faire leur travail. La rumeur ajoute l'ignominie à l'horreur, comme si celle-ci ne suffisait pas. Et la vérité dans tout ça ? Calomniez, il en restera toujours quelque chose ... Aucun fait de cette ampleur n'a été sérieusement signalé, seulement un vol de portable et quelques jets de pierre par des gamins. Aucune plainte n'a été déposée, les témoignages sont rares et contradictoires. Certains politiques croient malin et électoralement rentable de faire monter l'affaire comme une crème chantilly. La rumeur est une boîte à fantasmes : les voici les voilà, les "jeunes de banlieue", barbares des temps modernes, dépouillant les cadavres comme autrefois sur les champs de bataille, riant à coup de jets de pierre du malheur, de la souffrance et de la mort, transgressant ainsi les règles élémentaires de la civilisation. Comme elle est riche et misérable, astucieuse et bête à la fois, la rumeur qui cherche à nous faire peur, à se faire peur.

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