vendredi 26 juillet 2013

Les vacances pour tous ?



Après le mariage pour tous, le concept fait florès : maintenant, les vacances pour tous ? Y compris et surtout pour nos ministres ? si j'en crois les interrogations de la presse. De ce point de vue, la ligne de François Hollande est à peu près la même que celle de Nicolas Sarkozy : pas longtemps, pas loin ... c'est-à-dire pas vraiment de vacances pour les membres du gouvernement, qui paraît-il s'en plaignent parce qu'ils travaillent beaucoup et ont besoin de souffler !

On s'attendrait peut-être qu'un candidat normal devenu président normal se réjouisse d'avoir des ministres normaux, qui ont envie comme tout le monde de repos en cette période de l'année. Sauf que tout ça est faux : un homme politique n'est pas quelqu'un de normal et un ministre n'est pas monsieur tout le monde. La politique n'est pas un travail ou une profession, mais une vocation, un engagement. Un ministre n'est pas un salarié, ministre n'est pas un métier, mais une charge, une mission.

La notion de congés payés, qui est à la base des vacances, n'a pas de sens pour un membre du gouvernement. Un travail, qui mérite salaire et congés, c'est une activité pour gagner sa vie : on ne fait pas de la politique, on ne devient pas ministre pour gagner sa vie, mais pour améliorer celle des autres. Donc, quand j'entends parler en politique de travail et de son corollaire, les vacances, je me dis toujours que c'est une imposture.

Autrefois, il y a vingt ou trente ans au moins, évoquait-on ce problème ? Discutait-on de savoir si les ministres devaient prendre des vacances ou non, où, comment, combien ? Non, tant il allait de soi que la fonction ministérielle avait une éminence, une dignité, celle d'oeuvrer pour toute la nation, qui la détachait et l'élevait d'un travail ordinaire. On savait d'instinct qu'être ministre n'était pas un travail, mais un service.

Et puis, on savait autre chose, qui a hélas disparu : c'est qu'il y a, en République, une distinction absolue entre vie publique et vie privée, à la différence de la monarchie, où il peut y avoir un royal baby, alors que la République n'engendre pas de bébé républicain. Les éventuelles vacances des ministres, leur temps consacré au repos ne regardent pas, n'intéressent pas les citoyens, ne font pas partie de la sphère publique. Je n'ai donc pas à m'interroger sur ce que vont faire ou ne pas faire nos ministres dans la première quinzaine d'août, s'ils vont se tremper les pieds dans l'eau ou crapahuter sur des chemins de montagne, s'ils vont à Dijon ou à Tahiti.

Cette discrétion est-elle encore possible dans une société médiatique qui a fait de l'indiscrétion son principe de fonctionnement ? Je pense que oui. On ne voit dans les médias que ceux qui s'y montrent. Rien de plus facile que se faire oublier provisoirement. Mais voilà le hic : l'homme politique d'aujourd'hui, et on ne peut pas vraiment le lui reprocher, veut qu'on parle de lui jusque sur la plage, au creux de l'été. C'est pour lui une façon d'exister. Ce n'était pas le cas à une époque, pas si lointaine, où les moyens de communication étaient moins nombreux et moins présents dans la vie des gens. Aujourd'hui, quelques heures d'absence lors d'un événement crucial, pas de passage à la télé, le silence radio, et votre carrière politique est amochée, sinon foutue.

Pourtant, paradoxalement, les ministres ont moins besoin d'être dans leur ministère qu'autrefois. Avec l'informatique, le travail en ligne, le téléphone mobile, la notion d'espace est relativisée. On n'a plus besoin d'être sur place pour être présent. Et puis, et la remarque est de tout temps, un ministre n'est pas un homme seul : il s'entoure d'une équipe, d'un directeur de cabinet, de conseillers ; il décide rarement seul. Sa fonction est souvent d'arbitrage ; les décisions techniques sont renvoyées à d'autres, bien sûr avec son aval. Bref, l'idée d'un ministre rivé à son bureau me semble discutable et dépassée.

Enfin, cette petite polémique autour des vacances de nos ministres part d'un présupposé qui ne va pas de soi, d'une équation que je ne fais pas mienne : vacances = partir. Non, ce n'est pas ma définition des vacances. Pour moi, on ne va pas en vacances, on est en vacances, qui consiste essentiellement à ne rien faire (c'est la définition du repos), quand on fait beaucoup le reste de l'année. Plus précisément, ne rien faire de ce qu'on fait habituellement (ce n'est pas glander).

En ce qui me concerne, je ne pars pas (sauf quelques jours dans ma terre natale du Berry, mais c'est une destination régulière, pas vacancière), je me promène dans Saint-Quentin, je rencontre les personnes que je n'ai pas eu le temps de voir dans l'année, et surtout je lis et j'écris : lecture d'une pile de bouquins et magazines qui s'empilent dans un coin de mon salon ; écriture qui n'a plus rien à voir avec ce qui m'intéresse sur ce blog, c'est-à-dire la politique (mais je n'arrête pas la rédaction du blog, ça je ne peux pas, comme je ne peux pas m'arrêter de respirer).

Ceci dit, autour de moi, très fréquemment, quand on m'interroge sur mes vacances, on me demande : tu pars où ? (le mot vacances a disparu de la question). Et quand je réponds : nulle part, quand je dis que je reste à Saint-Quentin, que je m'y sens bien, on me regarde d'une drôle de façon, à la limite comme si je n'étais pas normal. J'essaie alors de philosopher : pourquoi partir ? Pour fuir quoi ? Aller vers quoi ? Les vacances, quand il faut partir, c'est fatiguant, stressant. Le président de la République a raison de prévenir ses ministres de l'illusion des vacances, ce faux délassement. Paradoxalement, les périodes de travail sont plus reposantes. Bref, je suis un peu comme François Hollande : les vacances, c'est pas trop mon truc. Faire un break de temps en temps, une journée ici ou là, oui : mais un éloignement de plusieurs jours ou de plusieurs semaines, non. Les grandes vacances, c'est pour les petits enfants, pas pour les grandes personnes, et encore moins pour ces grands que sont nos ministres.

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