lundi 22 juillet 2013

Le jour le plus chaud



Il paraît que c'est aujourd'hui le jour le plus chaud de l'été, comme il y a eu autrefois le jour le plus long. La météorologie, bien sûr, n'en sait rien, puisqu'elle n'est pas une science exacte. Nous non plus, nous n'en savons rien mais le sujet est dans toutes les conversations et dans toutes les préoccupations. J'ai connu un temps où il ne venait à l'esprit de personne de se plaindre du temps, surtout pas de la grosse chaleur. Trouver qu'il faisait trop chaud l'été, trop froid l'hiver, c'était une manie de vieux, parce qu'ils souffraient de la température ou qu'il leur fallait un sujet de discussion : quand ce n'était pas le temps, c'étaient leurs maladies. En 1976, le mot de canicule n'existait que dans le dictionnaire. On parlait alors de sécheresse, parce que la forte chaleur n'exaspérait que les agriculteurs.

Depuis, nous avons été habitués au confort, nous voulons un soleil à température ambiante. A Saint-Quentin, les agents municipaux chargés de la propreté font grève pour ne pas travailler dans l'après-midi, comme leurs collègues des autres services : ils demandent à bénéficier, eux aussi, du plan canicule. La chaleur, accélérant la copulation et la reproduction des moustiques, multiplie les attaques d'insectes dans le centre ville, faisant fuir les consommateurs des terrasses de café, affectant ainsi le chiffre d'affaires des commerçants (je l'ai lu dans le journal).

La montée de chaleur ne frapperait pas tant les esprits si nous n'avions pas été traumatisés, il y a dix ans, par la canicule meurtrière : 15 000 victimes dans le pays qui se targue d'avoir le meilleur système de santé et de prévention du monde ! Mais ce n'était nullement lui qui était en cause, ni même cette pauvre canicule (c'est à partir de ce tragique événement que le mot est devenu à la mode) : seulement l'individualisme contemporain, qui fait que beaucoup de nos vieux restent seuls et meurent seuls. Car mourir parce qu'il fait trop chaud, on n'a jamais vu ça dans un pays moderne et hyper-médicalisé.

Désormais, le terme de canicule est une formule magique, une forme d'exorcisme qu'on brandit même et surtout lorsqu'il n'y a pas de canicule (comme en ce moment). On pourrait fort bien utiliser l'expression de chaleur tropicale, qui serait le pendant du fameux froid polaire qu'on évoque durant l'hiver, deux mots aussi faux, aussi menteurs l'un que l'autre. Mais la canicule historique a été préférée en termes de langage, tant elle ravive le souvenir, tant elle est efficace en matière de mémoire. Et puis, je ne vois pas, pour le très grand froid, l'existence d'un vocable technique équivalent à canicule.

Les spécialistes, dans les médias, viennent nous expliquer comment nous préparer pour le grand combat. Ils le font à leur façon, très scientifique, parfois involontairement comique. Car ce que les médecins nous recommandent sont des gestes et des précautions de bon sens, que les générations passées avaient spontanément à l'esprit sans qu'on ait besoin de leur expliquer savamment à la radio ou à la télévision. Les comportements les plus élémentaires de protection contre le soleil et la chaleur ont été oubliés depuis que notre société a rompu avec la nature, ses risques, ses dangers (d'où le succès un peu naïf de l'écologie). Mes grands-parents eux-mêmes auraient rigolé à entendre un monsieur en blouse blanche leur conseiller de boire quand il fait chaud et de mettre un chapeau quand le soleil tape. Quant à moi, j'ai choisi de vous parler aujourd'hui de ce dont tout le monde parle aujourd'hui, mais entre nous soit dit, cette histoire de grosse chaleur, ça ne me fait ni chaud ni froid.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Mon pere qui etait ne en 1916 parlait tout autant de la meteo et avait lui aussi ses hivers et ses etes de references, il avait ses dictons. Je pense contrairement a vous que rien n a change. La meteo reste et restera le premier sujet du citoyen.
Quand a l individualisme qui serait la cause de la solitude des personnes ages, je prefere dire que cela est le resultat de l augmentation du cout des logements qui ne permettent plus d avoir l espace suffisant pour heberger meme temporairement nos aieuls dependant.
On se moque de nous a pole emploi si on refuse un poste a plus de 50 km pour pouvoir s occuper de nos parents dependants.
C est pas l individualisme qui est la cause de tout mais notre economie qui se soucie peu des inactifs.
Quand a se moquer du discours qui incite les personnes agees a boire pendant des fortes chaleurs, sachez qu une personne a partir de 80 ans ne ressent plus autant le besoin de boire, le cerveau ne communique plus toujours les symptomes de deshydratation. Dans les maisons de retraites c est un combat de tout les
jours pour faire boire les personnes ages.
Les periodes de fortes chaleurs revelent plus que de l individualisme et de la betise mediatique.