samedi 10 septembre 2016

Mort au traitre ?



Depuis sa démission, les critiques contre Emmanuel Macron, de gauche comme de droite, tournent autour d'un seul mot : trahison ! Même le modéré Alain Juppé, qui a pourtant quelque air de ressemblance avec l'ex-ministre, s'y est mis et a prononcé hier chez Bourdin le mot qui tue : trahison ! Quand on veut se débarrasser de son chien, on dit qu'il a la rage : en politique, la rage, c'est la trahison. L'accusation vaut condamnation, sans autre procès. Elle a pour objectif de rabaisser, de discréditer. Elle sent bon (c'est-à-dire très mauvais) la rhétorique stalinienne, qui n'est pas le privilège des anciens communistes, comme on le constate.

Qualifier quelqu'un de traitre, en politique, c'est faire l'économie de tout débat avec lui : on ne discute pas avec une personne aussi infréquentable. C'est donc un bon signe, paradoxalement : on craint d'affronter ses idées, on n'explique pas pourquoi le social-libéralisme de Macron serait contestable, on préfère lui accoler une étiquette infamante. C'est la preuve involontaire qu'on le redoute. Le fond de l'histoire, la fureur soudaine des uns et des autres, c'est qu'Emmanuel Macron est devenu pour eux une force inquiétante, un rival redoutable, qui prend des voix un peu partout.

Mais aucun argument ne doit être méprisé en politique : il faut répondre méthodiquement à celui qu'on vous inflige, aussi détestable soit-il. Macron, un traitre ? Allons voir ça :

Un traitre, c'est d'abord quelqu'un qui quitte une situation pour en trouver une autre beaucoup plus enviable. La trahison est généralement motivée par le profit. En politique, on trahit pour obtenir une place. Est-ce le cas de Macron ? Non, et c'est même le contraire : il quitte les avantages matériels et psychologiques d'un ministère prestigieux pour se retrouver à la tête d'un mouvement politique naissant, sans aucune certitude quant à son avenir et à sa réussite. Des traitres comme ça, je n'en connais pas beaucoup, et même aucun.

D'autre part, la trahison en politique est un retournement de veste, c'est-à-dire de convictions : on change de positions, on dit aujourd'hui le contraire de ce qu'on soutenait hier. Les exemples sont nombreux, mais pas chez Macron, qui fait exactement l'inverse : s'il quitte le gouvernement, c'est par fidélité à ses idées, c'est parce qu'il veut aller plus loin que ce qu'il a pu pratiquer au pouvoir.

Enfin, contrairement à ce qu'on croit, trahir, ce n'est pas partir, c'est rester. L'adultère n'existe que dans le couple ; quand chacun se sépare et vit sa vie, il n'y a plus tromperie. Les "frondeurs" sont des traitres : ils font partie d'un groupe parlementaire et n'en respectent pas les décisions majoritaires et la discipline de vote. Certains socialistes sont des traitres : ils sont censés soutenir François Hollande et le critiquent dans son dos, au risque de le faire échouer. Mais Emmanuel Macron n'est pas de ce style-là. Il est franc du collier, éprouve des désaccords, tient à défendre son propre point de vue, en tire honnêtement les conséquences et s'en va : c'est clair, propre et net. La trahison est toujours glauque, brumeuse et hypocrite. Le traitre agit de l'intérieur, pas de l'extérieur.

En politique comme dans la vie, la question n'est pas tant de savoir qui trahit-on ? que à quoi sommes-nous fidèles ? Une évolution n'est pas une trahison. Macron a changé, il n'a pas trompé : dans ses déclarations d'après démission, il a rendu hommage au président, au Premier ministre et au gouvernement. Ce n'est pas un lunatique et pusillanime Montebourg. Emmanuel Macron est fidèle à une ligne chez lui ancienne, celle d'une social-démocratie renouvelée, qui ne peut plus se contenter du rôle redistributeur de l'Etat-Providence. Si on veut l'attaquer, qu'on le fasse sur ses idées, et on verra. Mais qu'on n'invente pas la figure facile d'un traitre de cinéma, qui en réalité ne trompe personne.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Macron, un traitre? C'est lui faire trop d'honneur ! C'est bien excessif comme qualificatif. C'est plutôt l'histoire classique d'un jeune politicien ambitieux, un Rastignac de notre époque. C'est quelqu'un qui vend une vieille soupe (programme) avec des habits neufs (lui-même). Cela ne trompe que ceux qui veulent bien être trompés. Pour son ambition il se doit d'être infidèle aux gens qui l'ont promus et s'en démarquer de plus en plus pour affirmer une prétendue différence. Une fois encore il propose la même chose que ses prétendus adversaires, oligarques comme lui, un ultralibéralisme dans le cadre d'une mondialisation et d'une Europe défavorable au monde du travail. D'ailleurs les promesses du ministre des finances, Macron, envers les ouvriers d'Alstom-Belfort n'engagent que ceux qui les reçoivent.
D'autre part il n'a point de scrupules à aller à Londres, une seconde fois, lever des fonds pour sa campagne électorale à 7500 € la participation à un dîner où il va débiter ses fadaises dans le cadre d'un marketing politique classique.
Macron ne trahit personne, pas plus que n'importe quel politicien qui a renié le vote populaire du 29 mai 2005.

Anonyme a dit…

S'il y a des traitres en l'occurrence, le premier d'entre eux c'est François Hollande par son discours du Bourget "mon ennemi, c'est la fiance" et qui dès le lendemain s'en va rassurer les financiers et dire au " Guardian" que ce sont les socialistes qui ont libéralisé la finance en France et que donc elle n'a rien à craindre de lui ni des socialistes. La deuxième trahison c'est son simulacre de renégociation du traité Merkozy. A partir de là tout s'enchaine et il se condamne à faire la même politique que la droite.