dimanche 4 septembre 2016
L'homme qui va jusqu'au bout
Dans la vie, rares sont ceux qui vont jusqu'au bout : de leurs choix, de leurs idées, d'eux-mêmes. C'est difficile, incertain, risqué. L'environnement pousse à tergiverser, modérer, faire une moitié du chemin, s'arrêter au milieu du gué, parfois même avant. Et puis, il y a nos faiblesses, nos hésitations, nos craintes. Aller jusqu'au bout, on ne sait pas où ça mène : on ne préfère pas.
Ce qui est vrai dans la vie est encore plus vrai en politique : les circonstances sont pesantes, les compromis sont constants. Dans ces conditions, comment aller jusqu'au bout de son projet ? Dans le Journal du Dimanche, Emmanuel Macron revient sur les raisons de sa démission : il est l'homme qui va jusqu'au bout. Il aurait pu rester confortablement au gouvernement, personne ne l'a poussé à sortir. Mais il a voulu aller jusqu'au bout de sa cohérence : reprendre sa liberté pour exposer ses propres idées.
Aller jusqu'au bout, c'est aussi demeurer fidèle à ce qu'on a fait et à ceux avec qui on l'a fait : "Je ne construis pas ma démarche dans le rejet de ces années [...] au sein du gouvernement". On ne va jusqu'au bout que dans une démarche positive, d'affirmation de soi et de son projet, sans se définir contre ou par rapport à autrui, vice si fréquent dans notre culture politique.
Mais pourquoi ce départ minutieusement préparé, qui ne doit rien à une foucade ou à l'improvisation ? Une formule ramasse l'argument : "On a fait beaucoup de choses à moitié". Le gouvernement n'est pas allé jusqu'au bout de cette social-démocratie qu'il s'efforce pourtant de pratiquer. C'est surtout vrai pour la loi sur les nouvelles opportunités économiques, que portait le ministre, qui était la marque de sa philosophie et qui a été largement amputée. A négocier avec une aile gauche hostile à la social-démocratie et jamais satisfaite de rien, la majorité parlementaire et le gouvernement s'épuisent dans des compromis qui font perdre toute lisibilité à sa politique, qui l'empêchent d'aller jusqu'au bout.
Aller jusqu'au bout, c'est aussi dire quel est ce bout : "Mon objectif est que les idées progressistes soient présentes au second tour de l'élection présidentielle". On ne peut pas être plus clair : le danger, auquel il faut absolument remédier, c'est l'élimination de la gauche au soir du premier tour. Macron dénonce "le cynisme du système politique", qui joue avec l'extrême droite comme avec le feu, les uns et les autres pensant pouvoir gagner non pas sur leurs idées, mais sur le rejet de Le Pen.
Aller jusqu'au bout, en politique, c'est dire quel est l'adversaire principal. Pour Emmanuel Macron, c'est là aussi très clair : il rhabille Nicolas Sarkozy pour l'hiver ! Brutal, cynique, incohérent, irresponsable, conservateur, ce sont les qualificatifs dont il l'affuble. Mais aller jusqu'au bout, c'est dire enfin quels seront vos alliés, avec qui vous souhaitez gouverner : la stratégie de Macron est de rassembler les progressistes des deux camps, comme en son temps Jean-Pierre Chevènement (que Macron a d'ailleurs un moment soutenu) a voulu rassembler les républicains "des deux rives". Les centristes de l'UDI lui ont tendu la main, Macron dit oui.
Il y a tout de même un domaine où Emmanuel Macron n'est pas encore allé jusqu'au bout : c'est celui des questions de société. Mais son périmètre ministériel l'en empêchait jusqu'à présent. Nous savons seulement qu'il était hostile à la déchéance de nationalité (il le redit dans le JDD) et qu'il s'est plutôt rangé à l'avis de Manuel Valls sur le burkini. Emmanuel Macron a maintenant tout son temps pour aller jusqu'au bout et nous proposer, d'ici la fin de l'année, ce projet de société qui sera celui d'une social-démocratie enfin assumée.
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9 commentaires:
Toute l'énergie de nos hommes politiques se dépense dans les stratégies de conquête du pouvoir, une fois au pouvoir, c'est un encéphalogramme plat. C'est passionnant les stratégies de conquête du pouvoir, je comprends que tout le monde se focalise là-dessus : surtout si l'on aime le jeu politique, comme d'autres ont pour hobby le jeu des échecs par exemple. Il n'empêche, le dernier homme politique a avoir gouverné fut Charles de Gaulle. Il s'est passé des choses en ce temps-là, de Gaulle était lui-même l'idéologue de sa propre politique, et cette idéologie, c'était la France. Après plus rien, une lente, et très systématique entropie (une transformation vers un état toujours plus grand de désorganisation du système), vers ce qu'est l'état de la France aujourd'hui : une désorganisation sociale résultant de l'absence de normes communes. Et le triomphe du laisser-faire, de la paresse, de l'abandon de l'humain, représenté par la toute-puissance du libéralisme économique. Les hommes politiques aujourd'hui n'ont plus la "foi" en un idéal supérieur comme Charles de Gaulle. Ils ne se fient qu'à leur propre image, dont la caricature est Macron notamment, ou Sarkozy, uniquement préoccupés de stratégies de communication pour la conquête du pouvoir. Avec notre "bon client" ou "idiot utile" régional, Emmanuel Mousset, qui tente de donner un cohérence idéologique à ces expressions du vouloir-vivre absurde, aussi absurde que peut l'être la trajectoire du vol d'un mouche dans une pièce. Parler encore de Bernanos à l'ère de la communication et de l'image, ère sans valeurs supérieures, sans transcendance, sans religion (si ce n'est la religion de réaction que constitue l'islam, et non religion d'affirmation), écrivain que plus personne n'est en mesure d'entendre, c'est comme parler le bas-breton au journal télévisé pour se faire comprendre de tous les Français.
Ah ! le Général ... Tout allait tellement mieux de son temps, surtout vu d'aujourd'hui.
Il est vrai qu'en son temps, il était vu comme le "père symbolique" de la nation. C'est tellement facile de se révolter contre le "père" (mai 68). Aujourd'hui aucune révolution ou même contestation n'est plus possible, ni audible, ni efficace, car plus personne parmi nos hommes politiques n'est assez fort (ou assez masochiste) pour endosser le rôle du père, ou même de l'autorité. Le paradigme du libéralisme économique dans lequel nous vivons, du laisser-faire et de la paresse idéologique, est une société de la perversion et de l'hypocrisie institutionnalisée entre pairs (une société de "potes"), et une société sans père. Je sais que je suis né durant le règne du général de Gaulle, et j'ai ressenti confusément que c'était un "âge d'or", qui s'effritait à mesure que j'évoluais.
Ah ! Papa, papa, toujours papa ! Problème de père, de pair ou de paire ?
Donald Trump par exemple est un faux père, et un vrai pair... (pervers narcissique), avec une grosse "paire" qu'il exhibe. On va vers ça, y compris en Europe très certainement. MLP semble aussi en avoir une "grosse paire". Il faut effectivement en avoir une "grosse paire", dans une société sans garde-fous, sans protection, et soumise au règne de l'argent roi. L'ensemble de la société, et pas seulement ma petite personne, a effectivement un problème de père (l'héritage symbolique), de pair (le relationnel), et de paire... de couilles (le charisme). Mais en réalité les trois notions sont étroitement liées, et soit s'enrichissent mutuellement, soit pâtissent les unes les autres de leurs carences.
Le père peut être le pire. Les enfants ont besoin d'un père. Mais les adultes ? Et Dieu le Père, qu'en fais-tu ? Etre soi-même père et avoir besoin d'un père : bizarre ... Mais tu m'entraines dans la psychologie, une science qui ne m'intéresse pas.
Il me semblait que Devos avait démontré qu'il y a toujours un bout à un bout.
Quel est le bout du bout de Macron ?
Restez debout, proposer une alternative à une France à bout, le faire sans tabou.
Restez debout comme Nuit Debout ?
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