mercredi 14 septembre 2016

La fatigue des élus



L'annonce de Bruno Le Roux, le patron des députés socialistes, surprend : le quart des parlementaires PS ne se représenteront pas l'an prochain, aux législatives. La proportion est énorme, inhabituelle et paradoxale : le cliché veut que les élus s'accrochent au pouvoir, cumulent les mandats dans la durée, aient beaucoup de mal à laisser leur place. Alors, qu'est-il en train de se passer ?

On peut d'abord voir le bon côté de la chose. Nos députés ont compris que le renouvellement de la classe politique était nécessaire, que de nouvelles têtes étaient attendues, que le rajeunissement se faisait indispensable. C'est la version optimiste. Pourquoi n'aurait-elle pas sa part de vérité ? Pourquoi voir systématiquement le mal partout ? En même temps, je ne crois pas que l'explication suffise.

Il y a aussi un nouveau rapport à la politique, chez les plus jeunes élus. Ils ne considèrent plus un mandat électoral comme un sacerdoce, ils ne conçoivent plus la politique comme le sacrifice de toute une vie, ils ont besoin à un moment de passer à autre chose. Plusieurs déclarations publiques de députés socialistes vont dans ce sens. La politique n'est plus pour eux la seule source de reconnaissance qui les conduit à agir. D'autres formes d'engagement, tout aussi gratifiantes, sinon plus, leur sont possibles.

Et puis, l'image de l'élu s'est dégradée. Il est moins le notable qu'on admirait autrefois, qui faisait envie. C'est plus souvent la critique qu'il doit supporter, son travail est devenu plus difficile, plus exigeant. Autrefois, on demandait beaucoup moins aux élus, l'attente de la population était moins grande, ils se contentaient souvent de la tâche honorifique de représentation. Aujourd'hui, un élu doit être quasiment un professionnel de la chose publique. Il y a de quoi réfléchir à deux fois avant de continuer dans le métier !

D'autres pistes sont à explorer. L'état de "fatigue" est constamment évoqué dans notre société (on parle même souvent d'épuisement). Les enfants à l'école sont fatigués, les parents sont fatigués par la fatigue de leurs enfants, les enseignants sont fatigués des réformes continuelles qu'on leur impose. Les chômeurs sont fatigués de ne pas travailler, les actifs sont fatigués de trop travailler (burn out) ou de s'ennuyer au travail (bore out). Les électeurs sont fatigués d'aller voter et s'abstiennent massivement. Les policiers sont fatigués depuis l'instauration de l'état d'urgence. J'arrête là la liste, elle est interminable. On dit que le mal de dos, c'est le mal du siècle : non, c'est la fatigue ! Dans ces conditions, pourquoi les élus ne seraient-ils pas frappés par cette pathologie contemporaine, la fatigue ?

La dernière hypothèse est la moins glorieuse : un quart des députés socialistes ne se représenteront pas parce qu'ils ont peur de perdre, parce qu'ils se sentent condamnés à la défaite ! J'ai été élevé dans l'idée que la défaite n'était pas un obstacle en politique, qu'elle pouvait être honorable, stimulante, prometteuse, que le courage exigeait de se battre à tout prix, qu'aucune fatalité ne pouvait amener à baisser les bras ... Mais sommes-nous encore aujourd'hui dans cette morale-là, un peu austère, stoïcienne et janséniste ? Je n'en suis pas certain. Après tout, à chacun sa morale : il y a peut-être de la sagesse, de la lucidité à renoncer lorsqu'on sent que tout est perdu.

La démocratie rencontre tout de même un problème avec ces défections. Car si le PS perd des sortants qui craignent d'échouer, combien va-t-il perdre de candidats qui n'ont aucune chance de réussir ? Prenez la circonscription de Saint-Quentin : l'objectivité conduit à reconnaître que les chances de succès de la gauche sont très minces aux législatives de l'an prochain. De quoi être terriblement fatigué d'avoir à se présenter, de quoi jeter l'éponge au nom du simple réalisme ! On va où comme ça ? Plus de candidat socialiste ? Mais que devient alors la démocratie ? Allez, du cran, engageons-nous, présentons-nous, oublions tout confort, toute fatigue et laissons le peuple décider de qui mérite l'emporter.

12 commentaires:

C a dit…

"Car si le PS perd des sortants qui craignent d'échouer"
Ce n'était pas la peine de disserter aussi longtemps en essayant de mettre du suspens !
Vous auriez pu tout de suite dire ce que vous pensiez du sujet : les sortants ont peur de perdre.
Ils en ont le droit.
Ils ont le choix.
Cependant, les combats qu'on est sûr de perdre, ce sont les batailles qu'on n'a pas menées.

M a dit…

""laissons le peuple décider de qui mérite l'emporter""...
S'il n'était question que de mérite...
Le peuple décide mais ne se préoccupe absolument pas de la question du mérite.
J'en connais certains qui par le passé votaient systématiquement Brigitte Bardot et d'autres pour "Monsieur le Curé".
Etait-ce pour le mérite ?
S'il était seulement question de mérite, il n'y aurait même plus besoin de voter mais seulement d'envoyer à la Chambre tous les membres de l'ordre du mérite.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Non, je ne privilégie aucune hypothèse. C'est pourquoi j'en expose plusieurs, sans a priori.

2- Vos connaissances ne sont pas très recommandables.

Anonyme a dit…

A un phénomène donné il y a toujours de multiples raisons que vous avz raisons d'énoncer. Cependant je pense que vous sous-estimez la défaite probable qui risque de se transformer, comme lors des élections intermédiaires depuis 2012, en déroute électorale. Le premier à l'avoir compris est Pouria Amirshahi, député d'une circonscription des Français de l'étranger, pour aussi un désaccord politique majeur avec son parti qu'il juge insoluble. Il renonce aussi à toute fonction politique pour se reconvertir en d'autre métier.Bruno Le Roux se trouve dans une circonscription difficile du 93, dont il a déjà perdu la mairie d'Epinay sur Seine en 2008, département autrefois rouge puis rose et en train de passer à droite depuis les municipales de 2014, 21 communes sur 40 sont à droite désormais. En décembre dernier le PS a perdu la région Ile de France qu'il détenait depuis 1998. Arnaud Montebourg a renoncé dès 2012 à son mandat de député parce qu'il a constaté que l'Assemblée nationale n'était qu'une chambre d'enregistrement prise entre les volontés de l'éxécutif et les impératifs de l'UE pour enregistrer dans le droit national les oukases de la Commission de Bruxelles.
Présentez-vous donc, Monsieur Mousset! Vous avez essayé par le passé mais sans obtenir l'investiture de votre parti, si mes souvenirs sont exacts. Retentez votre chance de l'avoir cette fois-ci. Cependant votre ambiguïté entre Macron et Hollande va jouer contre vous.
Ce qui joue est le sentiment d'impuissance publique à peser sur le cours des choses mais elle est volontaire dans la mesure où les députés et les gouvernants ont transmis à Bruxelles, Berlin et Washington une part de plus en plus importante de leurs pouvoirs décisifs notamment budgétaire. Ils sont malvenus de se plaindre. Qu'ils commencent par respecter le vote populaire du 29 ami 2005!

Anonyme a dit…

"de nouvelles têtes étaient attendues" on pourrait commencer par le premier d'entre eux: le président avec sa carrière politique plus que trentenaire, ensuite un renouvellement. Cependant à quoi bon avoir un jeune politicien, Macron par exemple, si c'est pour nous servir la même soupe politique inefficace et stérile depuis l'entrée ne politique de François Hollande.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Vos souvenirs sont exacts. A votre sollicitation, ma réponse ne semblera pas très politique, ni philosophique, mais l'essentiel est qu'elle soit juste : "J'voudrai bin, mais j'peux point" (Annie Cordy, "La bonne du curé").

2- Commencez par surveiller votre langage : la "soupe", c'est pour la table, pas pour la politique, même si le préjugé prétend le contraire.

Anonyme a dit…

Pourquoi vous ne pouvez pas vous présenter? Vous n'avez pas les "tripes" pour cela? Votre positionnement ambigu entre Macron et Hollande peut ne pas être appréciés par les militants.
Vous m'avez bien compris quand je parle de soupe vous finassez. Pauvre petit chou ( de Bruxelles)! Et ses chastes yeux;

Anonyme a dit…

Si un quart des députés socialistes renoncent à se représenter cela fait un quart de gens lucides. Plus que Monsieur Mousset.

Anonyme a dit…

Commencez aussi par surveiller vos références : Annie Cordy est très sympathique mais la citer politiquement c'est plus que moyen.
Si vous n'aimez pas la soupe en politique je peux parler de plat de lentilles, ou Macron, c'est du réchauffé! Comme vous qui aimez le terme impropre de factieux.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Je suis plus côté cerveau que côté tripes.

2- Ne pas confondre lucidité et lâcheté, même si un film ancien s'intitulait "Courage, fuyons !"

3- J'apprécie Annie Cordy. Quoi de grave ?

Anonyme a dit…

Oui mais vous avez plutôt le cerveau lent ! Pauvre petit chou ! Les tripes, ça se mange, pas le cerveau. Question de goût.
Si vous aviez me lire vous sauriez que j'aime, aussi, Annie Cordy, mais elle commence à dater comme vos idées. L'habit Macron vous donne un air jeune qui ne trompe que ceux qui veulent bien être trompés comme vous.

Emmanuel Mousset a dit…

Pas d'accord avec vous : il y a quelque chose d'éternel dans l'œuvre d'Annie Cordy, qui s'entend avec la même oreille, hier, aujourd'hui et, j'en suis certain, demain.