jeudi 7 juillet 2016
Rocard, héritage sans héritier
Aux Invalides comme à Solferino, les hommages rendus aujourd'hui à Michel Rocard ont sonné juste. Dans la presse se posait souvent une question, ces derniers jours : qui peut prétendre incarner maintenant l'héritage du rocardisme ? Deux noms reviennent : Manuel Valls et Emmanuel Macron. François Hollande ne peut pas être cité : il était proche de Mitterrand, pas de Rocard. Certes, au sein du Parti socialiste, il a fait partie, depuis le début, des modernistes, des sociaux-démocrates, mais dans cet étrange courant des transcourants, dans les années 80, et pas dans les rangs rocardiens.
Valls est historiquement un ami politique de Michel Rocard, un de ses lieutenants, comme on dit. Mais est-ce suffisant pour s'inscrire dans sa continuité idéologique ? En matière économique, oui : Valls comme Rocard ont intégré la logique du marché dans leur socialisme. Mais la plupart des socialistes ne sont-ils pas désormais à la même enseigne ? La contradiction entre Valls et le rocardisme, c'est que l'actuel Premier ministre, admirateur de Clémenceau, est un républicain autoritaire (ce n'est pas un reproche), alors que le leader de la deuxième gauche appartenait au courant autogestionnaire, décentralisateur, qu'on qualifierait aujourd'hui de libéral-libertaire. On est loin de Valls.
Macron a t-il davantage le profil pour bénéficier des droit de succession ? Dans Le Un de cette semaine (en vignette), il s'en réclame ouvertement. Le ministre de l'Economie a pour lui ce "parler vrai" (qu'on dit aujourd'hui transgressif, que je préfère qualifier de sincère) qui a été l'une des marques de fabrique du rocardisme. Mais, comme pour Valls, je pense que ça ne suffit pas. Michel Rocard développait toute une série de thématiques sociétales qui sont pour le moment absente chez Emmanuel Macron. Je dirais qu'il y a présomption d'héritage, mais pas jouissance immédiate !
Le fond de la question est encore ailleurs. Le rocardisme est né et s'est développé dans une culture politique, les années 1960-1970-1980, qui a complètement disparu aujourd'hui. C'était l'époque où la gauche se définissait par rapport au communisme, national et soviétique, où la social-démocratie n'intervenait jamais dans le débat politique. Nous n'en sommes plus là aujourd'hui ! Dans les années 70, il était naturel de se référer à Proudhon (les rocardiens) et à Jules Guesde (les mitterrandistes), à se sentir plus proche de Blum ou de Jaurès. Vu d'aujourd'hui, ce sont des débats d'extraterrestres !
Parmi les réactions à la disparition de Michel Rocard, une absence m'a frappé : celle de Jean-Pierre Chevènement, qui était, chez les socialistes, son adversaire intellectuellement le plus construit. Aucune autre voix du CERES, courant antirocardien par excellence, ne s'est exprimée, à ma connaissance. Ne nous leurrons pas : tout ça, c'est de l'histoire ancienne, qui n'a gardé un sens que pour ceux, comme moi, qui l'ont vécue, même si j'étais jeune. Ca ne veut plus dire grand chose aujourd'hui.
Une dernière raison me laisse penser que Michel Rocard nous laisse un héritage sans légataire universel : c'est qu'il ne se voyait pas en monarque transmettant la couronne à un successeur désigné, pressenti ou autoproclamé. Rocard nous a légué des idées, qui ne sont l'usufruit de personne en particulier. Il n'y a pas de droit de préemption sur le rocardisme ! Toute pensée s'offre à qui veut bien la faire fructifier, la réactualiser. Les héritiers de Rocard seront ceux qui sauront faire du Rocard sans Rocard. Nous attendons.
François Mitterrand, lui, en homme d'ambition et de pouvoir (ce que n'était pas Rocard), avait ses dauphins, ses fils préférés, qui se sont vite déchirés, Laurent Fabius et Lionel Jospin. C'est parce que Mitterrand était un roi, que tous les socialistes vouvoyaient, alors que Michel Rocard était un camarade, que tous les socialistes tutoyaient. Un tel homme, socialiste et républicain authentique, ne s'arroge pas le droit de désigner un successeur. C'est pourquoi aucun socialiste ne peut se réclamer de lui, sans faire ses preuves. Nous attendons et nous espérons.
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13 commentaires:
Rocard n'est que le survivant d'une période révolue qui se clôt définitivement en suite au décès de Pierre Mauroy il y a 3 ans.
Rocard n'a pas d'héritier mais son réalisme a imprégné presque toute la gauche dans lequel l'électorat se retrouve pas si l'on se fie à toutes les élections intermédiaires depuis 2012.
Le temps où la gauche essayait de transformer le monde non sans succès comme entre 1945 et 1975; il faut lire et relire le livre "quand la gauche essayait" paru en l'an 2000 après le stimulant livre du même auteur Serge Halimi "le grand bond en arrière" réédité en poche aux éditions Agone en 2012.
Le problème, c'est que la gauche n'a jamais été vraiment et durablement au pouvoir entre 1945 et 1975. Et quand la SFIO s'est retrouvée au gouvernement, sa politique a été très contestable. Ah ! tout est si beau quand on n'assume aucune responsabilité !
Si la gauche n'a jamais vraiment été au pouvoir entre 1945 et 1975 c'est la faute à sa désunion ( qu'actuellement vous approuvez) avec hégémonie du PC qui la rendait impossible, et la constitution de la IVè et son mode d'élection des députés, une République purement parlementaire avec l'ancêtre du PS la SFIO s'alliant déjà avec la droite, et incapable de résoudre la crise algérienne, Merci Guy Mollet.
Cela n'a pas empêché que soient mises en oeuvre des politiques que l'on dit actuellement "de gauche" par des gens qu'on qualifie actuellement de "droite" comme le général de Gaulle. Comme quoi les concepts de droite et gauche sont parfois flous et variables selon que l'on a à faire à un gouvernement Républicain c'est-à-dire selon la philosophie politique classique de la Res publica le Bien commun qui consiste à gouverner en vue de l'intérêt général de TOUS les citoyens et non pas seulement ceux qui s'en tirent bien dans le cadre d'une Europe et mondialisation néolibérales que vous approuvez comme tous vos amis "socialistes". Et qui ont laissé tomber les classes populaires et qui, de ce fait, croient voire leur salut dans le vote FN.
Comme disait Bosuet " Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes". A cet égard le petit militant bien discipliné d'un parti "socialiste" que vous êtes Monsieur Mousset est pathétique et pitoyable, vous n'avez pas fini de vous lamenter.
Le concept de gauche ne date pas de 1945; Il est apparu dès la Révolution française où se sont rangés à gauche du président de l'Assemblée Constituante les députés en 1791 qui ont refusé le veto royal et le bicaméralisme qui aurait évité les excès de ladite révolution.
Ensuite ce sont des gens de gauche qui ont fait la Troisième République à partir de 1875.
Laissez Dieu tranquille. Il ne fait pas de politique. Quant à "l'union", c'est une tarte à la crème pour clowns. Ce qui prévaut, c'est la cohérence. Après, on rassemble. Mais on ne fait pas l'inverse. Sauf les opportunistes.
Ah 1945-1975, c'était l'âge d'or, une période de prospérité et de fraternité, parce qu'il fallait reconstruire ! L'Histoire c'est météorologique, nous sommes entrés dans une sale période d'intempéries, et nous nous dirigeons certainement vers une très brève période d'enfer absolu, soit nous nous relèverons des dégâts causés et alors pourra renaître une période de beau temps, soit nous ne nous relèverons pas, devant l'ampleur des dégâts causés par la technique. D'autre part la gauche de gouvernement cela n'existe pas, le pouvoir est forcément à droite, du côté de la force, de l'autoritarisme, et de l'égoïsme, et le discours utopique, celui de la fraternité et du partage, est à gauche ; les deux ne se rencontrent jamais. Ou encore la droite c'est le principe de réalité, et la gauche le principe de plaisir : le principe de réalité finit toujours par l'emporter. C'est pour cela qu'en réalité Emmanuel Mousset a toujours été à droite, car il a toujours choisi le principe de réalité contre le principe de plaisir : mais chut ! Cela il le nie à lui-même. Pour réussir il faut faire preuve de dureté, de force, d'égoïsme et d'autoritarisme, il faut être de " droite", même si l'on se dit de "gauche", surtout quand l'époque n'est plus à la reconstruction, exigeant un minimum de solidarité et de fraternité ; mais est à la " destruction créatrice ", principe fondamental du capitalisme triomphant, depuis maintenant 300 ans, et cause profonde de tous les conflits meurtriers depuis, et des génocides qui vont avec. Il y a deux autres choses à opposer : le devoir républicain, d'origine notamment kantienne, clairement du côté du principe de réalité, finalement à " droite ", et le principe de la grâce, d'origine davantage religieuse, plus naturel que culturel, et finalement à " gauche ", du côté du partage, de la solidarité, et du principe de plaisir. Dès son origine, le devoir républicain a très vite abouti à la Terreur, donc au totalitarisme, donc au mal absolu, car au fond la vertu des révolutionnaires était complètement anti-naturelle, alors que le principe de la grâce est du côté de la nature et donc du bien. Danton par exemple fut davantage du côté de la grâce et du principe de plaisir, et fut exécuté par Robespierre qui était du côté du devoir, et du principe de réalité.
C'est bien de m'apprendre que je suis de droite, parce que je ne le savais pas.
Si vous me lisiez bien ce n'est pas Dieu qui est cité mais Bossuet. Il est vrai que vous que vous évacuez trop facilement tout ce qui dérange votre confort intellectuel petit-bourgeois. Quand à l'union elle est indispensable pour que la gauche gagne, tout ce que ne fait pas votre gouvernement. Avec Mitterrand l'Union de la gauche fût un slogan facile qui permit la victoire malgré les incohérences, le manque de réalisme du "Programme commun". L'Union, vous dis-je! sans laquelle la gauche ne peut gagner en 2017 et perdra comme elle a perdu toutes les élections intermédiaires depuis 2012 ce que, comme d'habitude, vous ne voulez pas voir, ni savoir par aveuglement.
1- Vous citez Bossuet qui cite Dieu : c'est kif-kif bourricot.
2- Je vais vous rafraîchir la mémoire : en 1974, la gauche est unie et Mitterrand est battu ; en 1981, la gauche est divisée et Mitterrand est vainqueur.
La gauche a perdu de peu en 1974 et elle a gagné à contretemps en 1981 alors que le libéralisme économique porté par Ronald Reagan, et Margaret Thatcher, des politiciens bien à droite, mais qui allaient imposer leur vision du monde partout et même à gauche. En France la gauche s'est convertie au libéralisme par modernité et par le fait de n'avoir pensé un autre monde. Rocard et les siens ont été les fourriers de cette capitulation idéologique en rase campagne sans combattre, sans vraie réflexion intellectuelle et politique. Depuis mars 1983 le PS s'est ainsi droitisé sans en faire l'aveu officiel d'où la contradiction qui le mine de façon mortelle. Jospin prétendait que c'était une parenthèse mais même lui, le "vertueux" malgré son droit d'inventaire à l'égard de l'héritage politique de Mitterrand n'a pas mis fin à la contradiction.
Hollande n'est qu'un sous-Mitterrand qui n'aura jamais et n'a pas son habileté tactique, est bien plus impopulaire que le fût jamais ce dernier, son seul atout est le Front national que vous pouvez bien honnir mais qui peut servir toujours. Cependant l'Histoire ne se répète pas parce que Le PC a été laminé et que le PS est lui-même divisé comme rarement et que la politique gouvernementale de Hollande-Valls-Macron fait fuir les électeurs qui ne cessent de vous infliger défaites sur défaites en attendant celle de 2017. Vos mentors "théorisent" cette fracture entre 2 gauches présumées irréconciliables, c'est leurs défaites qu'ils théorisent. Je me demande bien dans quel monde ils vivent pour de tels dénis de réalité. On a toujours dit que le pouvoir isole voire rend fou, jamais l'adage latin selon lequel Jupiter rend fous ceux qu'il veut perdre n'a été aussi juste.
Vous dites un homme de gauche mais en fait comme le petit militant discipliné du P"S" que vous êtes mais vous vous êtes droitisé.
Vous perdez la raison.
Je vous défie de prouver le contraire de mes analyses. Raisonnées et raisonnables quand on fait preuve d'esprit critique à l'égard de son propre camp, la gauche, c'est lui rendre service mais comme vous , elle s'aveugle dans de mauvais choix qui la coupe de son électorat d'où toutes les défaites depuis 2012 en attendant la grande, celle de l'an 2017.
En bonne méthode, ce n'est pas à moi de prouver que vous avez tort, c'est à vous de prouver que vous avez raison.
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