lundi 4 juillet 2016

Des jours où rien ne va




Il y a des jours où rien ne va. Samedi, nous apprenions la disparition de Michel Rocard. Dimanche, nous apprenions l'annulation de l'université d'été du Parti socialiste. Il y a des jours où rien ne va, surtout lorsqu'on est socialiste. Libération l'a exprimé ce matin, à travers un très joli et bien triste titre (en vignette). L'université d'été, qui l'avait fondée ? Michel Rocard, en 1993, lorsqu'il était à la tête du PS ! Pendant 23 ans, ce rendez-vous incontournable des socialistes s'est tenu sans aucune interruption, quoi qu'il arrive, chaque année. Sauf cette année. Il y a des années où rien ne va.

Cette annulation est une humiliation. Sa raison ? L'impopularité des socialistes est telle qu'ils n'osent plus tenir réunion publique, à cause du risque de manifestation. Les anti-loi El Khomri se croient tout permis. Il y a vraiment des jours où rien ne va dans la démocratie. Un parti de gouvernement n'est plus maître chez lui ! Mais où va-t-on ? L'université d'été, que j'ai fréquentée de longues années, c'est un moment unique, presque magique dans la vie d'un socialiste : il sort de sa section, il voit du monde, il rencontre des personnalités, il participe à des débats, il en sort gonflé à bloc. Cette année, il n'y aura rien de tout cela.

Pour vous donner une petite idée, à vous qui n'êtes pas forcément socialiste, supprimer l'université d'été du PS, c'est comme si on arrêtait le Tour de France, comme si on annulait le défilé militaire du 14 juillet sur les Champs-Elysées, comme si on reportait l'ouverture de la chasse. Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire, jamais avare de solutions lorsque se pose un problème, a annoncé que l'université d'été serait remplacée par cinq ou six autres, décentralisées, dans les grandes villes de France. On pourrait presque croire qu'on y gagne au change, un seul événement transformé en plusieurs. Mais c'est un leurre : divisez la tour Eiffel en six morceaux, vous n'aurez plus la tour Eiffel, même en petite dimension.

Fallait-il prendre la décision d'une telle suppression, si symbolique, si fâcheuse, qui donne l'impression que le Parti socialiste a peur du peuple, qu'il n'ose pas affronter la contestation ? Je réponds sans l'ombre d'une hésitation que oui, mille fois oui. Et pourquoi donc ? D'abord pour une question de principe : le chef a toujours raison. Cambadélis, mieux que vous, mieux que moi est en capacité de trancher, dispose des données qui justifient ce choix douloureux. Camba n'est pas né de la dernière pluie. Quand il décide, c'est pensé, pesé. Il faut suivre et approuver.

Mais il y a autre chose, plus fondamentale. Lorsque Camba explique que la ville de Nantes, où devait se tenir l'université d'été, menaçait d'être "détruite" par les manifestants, j'espère tout de même que vous n'en croyez pas un mot ! D'abord parce qu'en fin août, encore en vacances, nous ne savons pas où en sera le niveau de mobilisation des opposants à la loi travail. On peut douter qu'il soit aussi fort qu'aujourd'hui, puisqu'il va déclinant de semaine en semaine. Quant aux anti-aéroport qui veulent poursuivre leur guérilla, le récent référendum délégitime leur combat. Franchement, il n'y a pas trop à craindre de la rue à ce moment-là. Et même si cela était, les forces de police sont là pour faire leur travail et protéger une réunion publique.

Non, je connais bien mon Camba, je sais d'où il vient, je connais sa formation et son sens inégalable de la tactique. Les raisons de l'annulation sont bien différentes, sous leur couverture officielle. Elles sont au nombre de quatre, très précisément :

1- L'hémorragie militante est énorme dans les rangs socialistes, et avec elle la baisse des inscriptions (qui sont payantes) à l'université d'été, à tel point qu'une formule qui a 22 ans d'âge est en train de s'essouffler. Ce rendez-vous de rentrée a toujours été une vitrine médiatique pour le Parti. Mais avec une chute de fréquentation, l'image donnée devient périlleuse.

2- Cette année, pour la première fois de son histoire, l'université d'été devait être transférée à Nantes. Auparavant, depuis toujours, nous étions à La Rochelle. Ah, La Rochelle ! J'y ai connu mes plus belles années de vie militante ... L'air marin qui fouette l'enthousiasme, les terrasses de café où l'on refait le monde et surtout le Parti socialiste, les virées nocturnes sur les quais où il fait bon se montrer, les réunions à moitié secrètes des courants où l'on fourbit ses armes, quel charme politique que ces fins d'été passées à La Rochelle ! Nantes, ce n'aurait pas été pareil. Vous voulez le fond de ma pensée ? le Parti n'était pas prêt à ce transfert, peut-être même que son subconscient, comme le mien, s'y refusait. Il y a des annulations qui désolent tout le monde et qui arrangent tout le monde.

3- Le PS a des problèmes du côté de ses finances. Quand on perd des adhérents et des élections, c'est la conséquence à laquelle souvent on ne pense pas, mais qui explique bien des choses. L'université d'été enregistrait certes des recettes, mais surtout elle occasionnait de lourdes dépenses. Problème réglé.

4- J'en viens à l'argument de fond, que Cambadélis n'a pas pu ignorer. Cette université d'été se serait tenue à quelques semaines d'une primaire de tous les dangers pour les socialistes et pour leur candidat programmé pour l'emporter, François Hollande. Quelle tribune que cette université pour les opposants internes, les frondeurs ! Camba a vu venir l'autobus, il a crevé les pneus en arguant d'un prétexte inattaquable, sécuritaire, qui n'est en réalité que du flan. Ce ne sont pas les antisocialistes qui sont à redouter (qu'on peut facilement transformer en faire-valoir, surtout quand on s'appelle Camba), ce sont certains socialistes qui sont menaçants. La meilleure solution à un problème, c'est de changer de problème. Ca, Camba sait faire. Il m'a toujours épaté là-dessus. Nous n'irons plus à La Rochelle, ni à Nantes, ni nulle part ailleurs cette année, et c'est mieux comme ça. Il y a des jours où l'on croit que rien ne va, mais ce n'est pas le cas.

21 commentaires:

Anonyme a dit…

Pauvre monsieur Mousset, vous n'avez pas fini de vous lamenter ainsi. Prenez donc une dose de Macron et vous serez guéri! Votre mentor est aux abonnés absents parce qu'il ne pèse rien au sein du PS du moins encore moins que Monsieur 5,63% de la primaire de 2011 qui fracture durablement la gauche sur une ligne droitière pour essayer d'en résoudre ses contradictions. Quand u parti socialiste entérine une Europe libérale de droite en 2005, 2008 puis par un simulacre de renégociation du traité Merkozy de la part de Hollande il perd normalement tous ses électeurs donc toutes les élections. En attendant "the big one" en 2017 comme disent nos amis britanniques qui ont quitté cette UE ultralibérale.
Un exemple de la crise générale des gauches européennes est le choix du leader travailliste pour le Remain alors que son électorat a voté pour le Brexit d'une UE qui, par la liberté de circulation des travailleurs, leur apporte une concurrence déloyale au service du patronat pour la baisse des salaires et des conditions de travail.

Emmanuel Mousset a dit…

- Ce n'est pas au sein du PS qu'il faut peser, c'est dans l'opinion. Et là, Macron a tout bon.

- Vous pouvez vous féliciter du vote xénophobe et nationaliste des Britanniques. Moi pas.

Denis.Mahaffey a dit…

Emmanuel, je n'adhère pas toujours à tes analyses, moi dont la conscience politique est née dans le monde poétique de l'anarchisme ; mais j'adore (je choisis exprès ce mot d'adolescent, moi qui suis loin de l'adolescence) la beauté de leur expression, leur précision intellectuelle et intelligente. Tu fais vivre ce dont tu parles.

Anonyme a dit…

Peser dans l'opinion c'est se donner un avenir à la Delors, Barre, Rocard, Balladur, donc ne pas accéder à la fonction décisive dans notre pays: la présidence. En plus Macron n'a même pas un micro-parti derrière lui, aucun élu! Il n'aura même pas un avenir comme les personnalités citées parce que Macron n'est qu'une bulle médiatique.

Le vote britannique qui a permis le Brexit c'est celui des classes populaires et laborieuses abandonnées à leur sort sur l'autel de la concurrence libre et non faussée de travailleurs venus du reste de l'UE qui acceptent les pires conditions de travail. La meilleure preuve en est que le dirigeant travailliste a été désavoué par son électorat. Comme eux vous qui vous prétendez un homme de gauche les avez abandonnés. Vous n'avez aucun souci du peuple ,ni du monde du travail. Vous défendez un monde en train de mourir comme l'UE..RSS.....comme un homme de droite.

Anonyme a dit…

Prendre une dose de Macron c'est prendre une drogue pour voir la vie en rose, un hallucinogène qui vous fait oublier le réel. Le retour sur terre sera brutal.

Emmanuel Mousset a dit…

Vous récitez bien votre leçon, mais il manque quand même un peu de spontanéité.

Anonyme a dit…

Le spontanéisme c'est du gauchisme, tout ce que vous n'aimez pas. Ce qui me guide c'est la raison politique qui consiste aussi à penser contre soi. Ne pas prendre ses désirs pour la réalité !

Emmanuel Mousset a dit…

Continuez à penser contre vous. Mais ne devenez pas fou.

Anonyme a dit…

Penser contre soi, contre son propre choix politique pour une vraie gauche, est un moyen de ne pas prendre ses désirs pour la réalité, tout le contraire de vous.

Emmanuel Mousset a dit…

Libre à vous. Moi, je préfère penser en accord avec mes choix politiques. Quant à la "vraie" gauche, je ne sais pas ce que c'est. Il y a plusieurs gauches, très différentes, souvent opposées, pas une "vraie" et une "fausse" (nous ne sommes pas chez les enfants, qui jouent "pour de vrai" ou "pour de faux"). Enfin, quand on est de gauche, on ne se soumet pas au réel, on pense que le désir conduit à le transformer. Appelez-ça "prendre ses désirs pour des réalités" si vous voulez. J'ai plus court à vous proposer : "l'utopie".

Anonyme a dit…

Une "vraie" gauche est celle qui ne contente pas de la plus orthodoxe gestion du capitalisme financier dérégulé et d'une Europe ultralibérale. Votre gauche s'est totalement soumise au réel, une droite raisonnable peut se trouver en parfait accord avec vous et vos amis politiques comme votre mentor Macron, cette bulle médiatique. D'ailleurs Hollande a mis ses pas, sa politique dans le droit fil de celle de son prédécesseur de droite. Un peu d'utopie ne nuit pas pour penser un monde un peu plus juste pour les faibles.
Comme tous les chiens de garde médiatiques de l'oligarchie, qui se déchainent de façon insensée contre le Brexit, vous avez choisi le parti des riches et des puissants. Vous n'avez rien appris de toutes vos défaites électorales depuis 2012, vous pourrez toujours vous lamenter cela sera stérile faute d'ouvrir les yeux donc de vous remettre en question.

Anonyme a dit…

Ce n'est pas le désir de transformer le monde qui permet d'y aboutir un peu, mais la volonté de le transformer fondée sur des analyses et donc un projet politique. En ce domaine comme en bien d'autres on peut toujours faire autrement c'est toujours un choix délibéré de s'en donner les moyens par exemple quand un pays veut faire la guerre, il trouve toujours les moyens humains, matériels et financiers même s'il est pauvre. Vous et vos amis politiques ne veulent pas envisager, un tant soit peu un autre monde (ce qui est le nom d'un courant du PS) en conséquence ils se coupent de leur électorat et essuient défaites sur défaites depuis 2012 mais ne veulent pas changer de politique par aveuglement. La défaite probable en 2017 risque d'être sévère, cela vous donnera l'occasion de vous lamenter, une fois de plus.

Emmanuel Mousset a dit…

Ceux qui ont essayé "un autre monde" ont conduit les peuples à la tragédie. Merci bien !

Anonyme a dit…

Toujours une vision caricaturale! Il fût un temps où même la SFIO puis le PS essayait de changer le monde de façon pacifique et démocratique que vous avez bien oublié si j'en juge par votre analyse et vision des choses. Votre parti, aussi. Souffrez que d'autres y croient encore sans tomber dans la caricature propre aux conservateurs qui ne veulent rien changer comme vous et votre parti "socialiste". Si Léon Blum voyait le PS et sa pratique, sa gestion conservatrice, il s'en retournerait dans sa tombe.

De renoncement en renoncement depuis mars 1983 le PS est devenu un parti conservateur. Tous ses embarras,ennuis et déroutes électorales viennent de là mais par aveuglement vous ne voulez pas le voir. C'est bien connu c'est toujours la faute des autres, raisonnement propre à ceux qui ne veulent ou ne peuvent se remettre en question. La religion nommée Europe du parti "socialiste" en est une des causes.





Emmanuel Mousset a dit…

Vous vous contredisez : le PS évolue, sa doctrine ne peut plus être celle de Blum, à laquelle vous aimeriez retourner, si j'ai bien compris (pourquoi pas Jules Guesde ou Proudhon, tant que vous y êtes ...). Le conservateur, c'est vous. Pire même que conservateur : réactionnaire ! Non, le socialisme, ce n'est pas du folklore, aussi jolis soient les costumes.

Erwan Blesbois a dit…

Le PS "évolue"... dans le mauvais sens, tu ne trompes que toi-même Emmanuel, mais le peuple est lucide et ne votera plus PS.

Emmanuel Mousset a dit…

Si tu le dis ... puisque tu es le peuple.

Anonyme a dit…

Erwan Blesbois a bien raison de dire que le PS "évolue" dans le mauvais sens alors que je pense même que son évolution est une régression qui lui fait perdre la lus grande partie de ses électeurs puis de ses élus enfin son appareil dirigeant qui est mis à mal par la perte ses moyens financiers et donc de cadres et assimilés.

Emmanuel Mousset préfère la politique de l'autruche par paresse et conformisme. Un bulle médiatique comme Macron ne fait me printemps d'un parti usé par ses contradictions. L'entre-soi des congrès et des universités d'été ne peut cacher le mal qu'à ceux qui ne veulent pas voir.

Emmanuel Mousset a dit…

Des bulles comme ça, j'en veux bien tous les jours.

B a dit…

M Macron tente un coup : il réussira ou il échouera.
S'il réussit, un boulevard comme celui qui mène à sa résidence du Touquet s'ouvre à lui.
S'il échoue, il a déjà prévu le coup d'après et son avenir financièrement est loin d'être compromis.
Des politiciens comme ça, la France, n'en a nul besoin !

Emmanuel Mousset a dit…

Démago et facho.