mercredi 13 juillet 2016

Macron, la transgression tranquille



Il voulait remplir la Mutualité, il l'a fait. L'image qu'Emmanuel Macron nous a donnée hier soir, c'est d'abord celle d'un homme qui aime la politique, qui goûte le contact avec la foule, qui apprécie de s'adresser à un auditoire, qui a quelque chose à lui dire. Ses yeux, sa voix, son allure nous disaient cet amour de la politique, que le ministre a découverte et pratiquée depuis peu, dans sa dimension publique. Macron aime la politique. Mais pourquoi aimons-nous Macron, pourquoi provoque-t-il un véritable engouement depuis quelques mois ?

Nous aimons l'homme, le style : décontraction, charisme, intelligence, sur scène, affranchi des codes habituels de la politique, la cravate, le pupitre, le papier qu'on lit au garde-à-vous. Pas de salamalecs pour remercier les uns ou faire allégeance aux autres. La parole est libre. La rupture avec l'homme politique classique est évidente, même si certains traits demeurent : le lieu archi-traditionnel, l'assistance qui écoute et applaudit, la longueur de l'intervention.

Sur le fond, qui est indissociable de la forme, quelle est la petite musique de Macron, qui nous plaît tant ? C'est un air bien connu depuis quelques années, très apprécié, mais non sans danger : l'air de la transgression. Ce qui m'a marqué dans ses propos, c'est sa critique du "système", de "l'ordre établi". Bayrou il y a quelques années, Mélenchon et Le Pen encore aujourd'hui, surfent sur cette tendance. Mais à la transgression hystérique du FN et à la transgression utopique de la gauche radicale, Emmanuel Macron propose une transgression soft, recevable, raisonnable. Il me fait penser à ces héros de western, bien sapés, qui renversent la table et provoquent une bagarre, tout en restant propres sur eux, la chevelure impeccable lorsqu'ils se relèvent, essuyant simplement un peu de poussière sur leur veston.

Le Pen et Mélenchon cultivent la transgression anxiogène, qui a de nombreux adeptes. Chacun à leur façon, opposées, ce sont des oiseaux de malheur. La transgression Macron est tranquille, positive, optimiste, et répond elle aussi à un besoin d'une part de la population. La grande vertu qu'on peut au moins accorder au ministre, c'est de ramener à la politique, surtout à gauche, ses déçus et ses dégoûtés, en ne laissant pas le champ (et le chant !) de la transgression aux extrêmes. Macron a le bon profil personnel : pas élu, pas encarté. Autrefois, c'aurait été des handicaps ; dans l'état actuel de l'opinion, ce sont des atouts.

Reste maintenant la suite des événements. Une popularité, un style, des idées, c'est bien joli, mais pour en faire quoi ? Je vois trois défis qu'Emmanuel Macron aura à surmonter :

1- L'ancrage dans la durée. L'enthousiasme d'un moment est une excellente chose. Mais il n'y a de politique que dans la persévérance. Notre société a des engouements éphémères. Il faudra que Macron surmonte l'épreuve du zapping, qu'il installe son action dans le temps. Quand les idées sont justes, elles tiennent. Ce ne sera pas le défi le plus difficile à relever pour lui.

2- Macron ne peut pas être que Macron, quels que soient ses talents, et il n'en manque pas. Il lui faut un entourage, une équipe, des lieutenants, des porte-paroles. A la Mutualité, nous avons reconnu le maire de Lyon, Gérard Colomb. Il faudra élargir le cercle. Ce défi-là est délicat. Savoir bien s'entourer, c'est l'épreuve à laquelle est soumise tout responsable politique, sur quoi on le juge aussi.

3- Sous la Ve République, on n'accède au pouvoir que si l'on est soutenu par un parti, le sien si possible. Emmanuel Macron a mis en place un mouvement, En Marche, qui soit s'étoffer, se consolider, s'assurer des relais locaux, un ancrage sur le terrain, dans la population. Le risque actuel, c'est que le phénomène Macron demeure médiatique. Le ministre veut s'affranchir de la logique d'appareil, et il a raison, car c'est ce qui fait une partie de son succès. Mais il doit réinventer une nouvelle forme de collectif politique, et c'est là aussi une rude tâche, à laquelle il nous a donné hier soir envie de participer pleinement.

4 commentaires:

Philippe a dit…

Ce que j'évoque ci-dessous n'est absolument pas ma tasse de thé, je place la morale humaniste au-dessus de la politique … tuer même symboliquement est, pour moi, un comportement de salaud ne méritant que mépris. On peut évidemment penser l'inverse, ce qui fut d'ailleurs mon cas à propos de Gd Charles !
Macron pourra-t-il suivre ce chemin de « l'excellence » politicienne qui fera de lui un salaud ?
De Gaulle pour qui a lu sa littérature et ce qui s'est dit de lui a excellé dans cette discipline.
Il a tué dans l’œuf pas mal de concurrents potentiels pour s'accaparer, pour lui seul, du mythe « Résistance » sur lequel il a bâti son destin ultérieur de politicien.
Quelques exemples : exit et savamment déshonoré le général Henri Giraud, effacée au point d'être inconnue la mémoire du général Aubert Frère, manipulation de Maurice Thorez par les deux « bêtes » politiques De gaulle et Staline etc.
Mitterrand s'est de la même façon emparé du mythe « PS » en écartant, marginalisant ceux qui pouvaient lui faire de l'ombre et quelque part partager ce mythe.
Ils ont donné vie à deux fables successives De Gaulle = Résistance, Mitterrand = PS.
Une autre fable est à écrire.
Pour réussir Macron doit en effet s'inscrire comme socialiste et y avoir un courant capable de s'allier puis de siphonner les autres courants.
Il n'en est pas membre et cherche à gagner par l'extérieur, la présence de personnages qui se mettent au premier rang partout où ils vont comme Collomb n'est gage de rien !

Philippe a dit…

Dans "Challenges" un point de vue intéressant, en résumé, Valls et Macron les deux faces d'une même médailles ?
l'analyse sur cette page :
http://www.challenges.fr/politique/20160713.CHA1853/hollande-ou-comment-vaincre-les-deux-brutus-macron-et-valls.html

Philippe a dit…

Réveil avec des nouvelles de Nice .... gueule de bois .....
Notre humanisme va être mis en danger très rapidement.
Un gouvernement qui dit être en guerre sans même nommer l'ennemi avec clarté : l'islamisme politique guerrier prenant ses racines idéologiques dans des sectes religieuses prêchant la haine des non musulmans.
Cerise sur l'incompétence : sans décréter l'état de guerre qui donne des moyens républicains prévus par la Constitution de lutte contre l'ennemi aux autorités civiles et militaires.
J'ai peur de revivre la prise en main « spontanée » par la « population » en faisant appel à notre histoire républicaine des années 1793/94, ce qui avait d'ailleurs été légèrement ébauché en 1957/58 et avait décidé la SFIO (Guy Mollet pris de peur) à faire appel à De Gaulle (les comités de salut public) !!!!!!!!!!!!

Anonyme a dit…

En effet aucun président de la République n'a été élu s'il n'a derrière lui un parti cohérent structuré avec un réseau d'élus minimum ce qui n'est pas du tout le cas de Macron. Ce qui fût le cas de Giscard en 1974 avec son petit parti des "Républicains indépendants" face au parti gaulliste de Chaban-Delmas.
Son micro-parti est insignifiant et son audience est surtout médiatique autrement dit superficielle. Le PS lui est hostile, et donc la seule chance de Macron est soit le renoncement de Hollande, soit et/ou son échec en 2017 et celui du PS qui serait laminé politiquement ce qui lui ouvrirait une voie politique pour 2022. A moins que nos concitoyens lassés des fausses alternances n'en choisissent une vraie genre Mélenchon ou Marine Le Pen qui l'enverrait lui et le parti "socialiste" dans les poubelles de l'Histoire par un raz de marée genre 1958 ou 1981.