mercredi 6 juillet 2016

Hulot n'en fait qu'à sa tête



En renonçant à se porter candidat à l'élection présidentielle, Nicolas Hulot confirme une fois de plus une des lois les plus étranges du monde politique : ce ne sont pas les meilleurs qui se présentent, qui sont désignés et qui l'emportent, à quelques exceptions près. Parmi les exemples les plus illustres : en 1981, Rocard était meilleur que Mitterrand ; en 1988, Barre était meilleur que Chirac ; en 1995, Delors était meilleur que Jospin et Balladur était meilleur que Chirac ; en 2012, DSK était meilleur que Hollande. Je pourrais poursuivre la liste, en descendant les échelons.

Vous m'objecterez : mais c'est quoi, être meilleur ? Ce sont souvent les mauvais qui posent la question, parce qu'évidemment ils ne savent pas. Les bons et les autres ont intuitivement la réponse. C'est comme un bon élève : on sait ce que c'est, sans avoir besoin de l'expliquer. A ceci près qu'en politique le meilleur n'est pas forcément le gagnant, et inversement. Plus grave : il n'est pas si rare, dans ce domaine, que le pire soit le vainqueur. Il faudrait bien sûr des trésors de psychologie, de sociologie et peut-être de parapsychologie pour rendre compte d'un tel mystère. Mais le mystère des mystères, c'est que les meilleurs finissent par se convaincre eux-mêmes qu'ils ne le sont pas, intériorisant ainsi la loi qui les amène à renoncer.

Nicolas Hulot était le meilleur candidat écologiste possible à l'élection présidentielle, à tel point que les écologistes étaient, fait rarissime, quasi unanimes pour qu'il soit leur porte-parole. Il avait tout pour lui et tout pour eux : popularité, crédibilité, sérieux, sympathie, compétence, éloquence ... Un gendre idéal pour un parti politique volage. On en rêverait. Pourtant, à la dernière présidentielle, les écolos n'avaient pas voulu de lui. On se demande même pourquoi ils le sollicitent tant aujourd'hui, et pourquoi Hulot a songé à réclamer le soutien d'un parti qui l'avait d'abord rejeté.

Les explications de ce candidat en or ne m'ont pas convaincu. Hulot justifie son renoncement parce qu'il ne serait "ni suffisamment armé, ni suffisamment aguerri". Mais il ne le savait donc pas d'avance, et même depuis la fois précédente ? Pourquoi faire attendre, laisser espérer quand on pense ne pas avoir les capacités ? Le meilleur des candidats avance un autre argument : il ne voulait pas être "l'homme providentiel". Mais où est-il aller chercher ça ? On lui proposait d'être candidat, parce qu'il était le meilleur, pas de jouer à "l'homme providentiel".

Alors, où est la véritable explication de cet inexplicable refus ? C'est très simple, comme souvent : Nicolas Hulot, bourré de talents, n'a pas la tête de l'emploi. Observez bien son visage : c'est celui d'un vieux bébé, d'un gamin gentil, d'un élève sage. Son regard est doux, son sourire timide. Il a quelque chose d'hésitant en lui. Sa paupière est tremblante. Je l'imagine assez facilement susceptible, comme un enfant. C'est un ado irritable. Il est fragile, prompt à dire oui, puis non. Ce casse-cou est aussi un timoré, un velléitaire quand on le sort de son domaine. C'est Tintin qui s'engage dans bien des aventures, mais jamais dans ce coupe-gorge qu'est la politique.

A cet homme qui a toutes les qualités pour réussir, il en manque deux, dont l'absence gâche tout : le sens de l'adversité, l'indifférence aux attaques. En politique, bien des défauts sont autorisés : l'incompétence, l'impopularité, l'antipathie, la légèreté, le lucre, la trahison, l'incohérence ... autant de vices qui peuvent aller jusqu'à se retourner en vertus. Mais il y a deux qualités incontournables : aimer la bagarre et mépriser l'adversaire. Nicolas Hulot n'était pas de taille, il le portait sur son visage. Un faciès ne ment pas.

"Ce sont les meilleurs qui partent les premiers", dit l'adage populaire. Mais ce n'est, dans le cas d'Hulot, qu'une mort politique. Il lui reste, devant lui, toute une vie de douceur, de gentillesse, d'aventure, de réflexion et d'action qu'il saura, je n'en doute pas, nous faire partager à nouveau dans les prochaines années.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Je salue la lucidité de Nicolas Hulot de ne pas se lancer dans une course à la présidentielle, là où il a plus de coups à prendre qu'à donner dans une monde politique impitoyable. Ce n'est pas un politicien, et comme il y a 5 ans, il a la sagesse de se contenter de défendre l'écologie à sa façon non partiale et partielle du parti Vert EE-LV, le pari qui prétendait rénover les moeurs politiques et qui a eu le comportement le plus politicien possible comme le trio opportuniste Placé-Cosse-Pompili. L'écologie n'est pas le monopole des partis écologistes comme le socialisme celui du parti socialiste

A a dit…

"C'est comme un bon élève : on sait ce que c'est, sans avoir besoin de l'expliquer. A ceci près qu'en politique le meilleur n'est pas forcément le gagnant, et inversement."
C'est pareil pour les acteurs et les actrices...
Les "meilleurs" au théâtre Français sont moins connus, moins célèbres, que tous ces "acteurs" qui nous envahissent le petit écran à longueur de nullités.
Eux aussi sont moins "gagnants" (en argent sonnant et trébuchant, cette fois) que les "stars" de télévision.

F a dit…

"Un faciès ne ment pas" ?
Si ça pouvait être vrai !
Votre opinion est bien souvent des plus intéressante et plus particulièrement lorsqu'il ne s'agit pas de politique.
Ne truffez pas vos opinions (respectables bien entendu) d'assertions improbables du genre "un faciès ne ment pas" que j'oserai rapprocher d'un "la terre ne ment pas" de triste mémoire.

Emmanuel Mousset a dit…

Ah bon, pour vous, une tête et la terre, c'est la même chose ? Une physionomie et le maréchal Pétain, même combat ? C'est ce qu'on appelle un raccourci.