samedi 9 janvier 2016

Taubira, libre et disciplinée



En politique, chacun veut voir ses idées l'emporter, chacun espère jouer un rôle ou accéder à une responsabilité. C'est normal. Mais si chacun s'y met, c'est la cacophonie, puisqu'il faut bien, à un moment, retenir une seule idée, désigner un unique responsable ou candidat. Comment s'y prendre ? Comment doit-on se comporter ? Je crois que c'est tout l'art de la politique, qui consiste à concilier deux inconciliables : la discipline et la liberté. L'actualité illustre cette réflexion :

Christiane Taubira est ministre de la Justice et hostile à la déchéance de nationalité. La droite lui demande de renoncer à son opinion ou de démissionner, faisant référence à la formule devenue canonique de Jean-Pierre Chevènement : "Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne". Sauf qu'on oublie de préciser en quelles circonstances elle a été prononcée, par deux fois : d'abord pour le changement de politique économique en 1983, ensuite pour l'entrée de la France dans la guerre du Golfe en 1991. La démission ou le silence se justifiaient alors par l'ampleur de l'événement. Or, la déchéance de nationalité reste un point mineur, secondaire et symbolique au milieu de toute une réforme constitutionnelle. Il ne faut pas juger d'une mesure politique à l'aune du battage médiatique qu'elle déclenche.

Surtout, Christiane Taubira a eu l'intelligence politique de rappeler que le dernier mot, l'arbitrage suprême revenaient au chef de l'Etat et qu'elle s'y rangeait. Voilà aussi toute la différence avec Chevènement, qui, lui, en son temps, n'acceptait pas. Que la ministre soit en charge de défendre un point de vue qu'elle ne partage pas n'a rien non plus d'étonnant ni de problématique : c'est le devoir ordinaire de tout serviteur de l'Etat, qui privilégie la décision générale, s'exprimant par la voix du président de la République, à son point de vue particulier. Toute personne entrant dans un gouvernement sait qu'elle ne s'appartient plus, que quelque chose de supérieur prévaut. Beaucoup d'entre nous le vivons, à notre petit niveau : en tant que fonctionnaire, j'obéis, même à ce avec quoi je suis en désaccord (ce qui arrive rarement).

Que Christiane Taubira continue à exprimer son avis divergent dans les médias n'est pas non plus choquant ou gênant. L'obéissance, en politique, ne consiste pas à renoncer à ce qu'on est ou à ce qu'on pense, mais à faire preuve de discipline. Personne n'entrerait dans un parti ou soutiendrait un gouvernement s'il devait être d'accord avec tout ! Simplement, quand une question est tranchée, il faut s'y tenir : c'est ce que fait Taubira.

Mais je reconnais que les mœurs politiques, et même toute la société ont changé depuis le temps où Chevènement assénait son fameux principe. Dans une époque soucieuse de transparence, férue de communication, il n'y a plus à se taire quand on n'est pas d'accord, pourvu qu'on demeure discipliné (et ce n'est pas antagonique). Dans l'ancienne culture politique, les problèmes se réglaient en interne et le linge sale en famille ; les divergences étaient étouffées, et leur expression publique était perçue comme une trahison. Je ne sais pas si c'était mieux. Il y avait quelque chose de vaguement stalinien dans cette conception.

Aujourd'hui, ce n'est plus possible, et c'est heureux. Jean-Christophe Cambadélis l'a fort bien dit : c'est une chance que des voix plurielles puissent s'exprimer à gauche, jusqu'au plus haut sommet, pourvu que la discipline soit préservée, que le soutien à la décision arrêtée soit sans faille et que tout le monde marche en ordre de bataille. L'obéissance ou la discipline, c'est alors le sens des responsabilités.

15 commentaires:

C a dit…

JPC : stature d'homme d'état capable de mener une nation, un gouvernement et pas seulement un ministère. Ses prises de position ménageaient son propre avenir et ses futures éventuelles candidatures.
CT : stature de femme de gouvernement, de ministre, pas de chef de gouvernement.
Rappel : ministre est un mot à connotation de collaborateur, de serviteur.
Il n'est cependant pas particulièrement adroit de se comporter comme CT qui a grillé toute possibilité de se représenter à une présidentielle avec un zeste de chance (quoiqu'en politique, on dise que rien n'est jamais terminé avant la mort du politicien en question).

Denis.Mahaffey a dit…

Ta clarté d'analyse me fait me sentir plus analytique moi-même, voire plus intelligent.

Anonyme a dit…

On ne peut être très longtemps libre et disciplinée. Il lui faudra bien choisir en effet comme disait Mendes-France gouverner c'est choisir.

Anonyme a dit…

Je suis complètement d'accord avec cette analyse.
Mais est-elle valable pour tous les tempéraments ?
Cette analyse peut-elle s'appliquer aux personnes âpres au gain ou ayant beaucoup de besoins financiers pour de multiples raisons bonnes ou mauvaises ?
Ces personnes sont statistiquement nombreuses dans la population générale, la population des politiciens professionnels serait-elle différente ?
L'un ayant un compte non déclaré s'accrochait à son poste de ministre, un autre était atteint par une maladie rarissime la phobie des documents administratifs etc.
Peut-on imaginer un tempérament associant deux caractéristiques, vouloir absolument jacter pour se distinguer des autres devant des micros cherchant le buzz et avoir un œil sur son compte en banque et s'accrochant pour continuer à faire gonfler un bas de laine ?
Concernant MmeTaubira on peut avoir un doute concernant son classement dans les intéressés ou dans les désintéressés suite aux révélations concernant son bail de location à prix réduit alors qu'elle dispose d'un appartement de fonction.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Si vous êtes "complètement d'accord", c'est déjà ça.

2- Quand on veut faire de l'argent, on ne fait pas de politique mais des affaires.

3- L'affaire du logement de Taubira a été éclaircie et est sans suite.

bil36 a dit…

Vous avez bien raison de défendre cette ministre indépendantiste (nommer une indépendantiste guyanaise pour lutter contre des indépendantiste corse n'a pas été la chose la plus intelligente faite par François...) et franc maçonne
Ce n'est pas parce que Christiane a été obligée de faire très vite machine arrière qu'elle n'a pas bénéficié d'un cadeau de la part d'une socété d'Etat, cadeau franchement très douteux...

Cadeau d'un appartement à loyer limité très inférieur au marché, cadeau de ne pas avoir stagné sur une liste d'attente, cadeau d'avoir proposé des justificatifs fallacieux non actualisés, cadeau d'avoir fait porter la combine par "un membre de son cabinet"...

Emmanuel Mousset a dit…

A la façon des fascistes de toujours, vous stigmatisez, vous calomniez, vous mentez, vous manipulez. Et par dessus tout, vous veillez à rester anonyme, protégé par votre lâcheté. C'est un cas d'école, instructif pour tous ceux qui veulent lutter contre la néo-extrême droite.

Philippe a dit…

Si je ne suis pas d'accord avec Mr Mousset et que je ne suis pas PS hollandais, c'est que je ne suis pas d'accord avec la République, donc je ne suis pas républicain.
Si je ne suis pas républicain c'est que je suis pétainiste, donc nazi ...
Donc simplifions je ne suis pas d'accord avec Mr Mousset = nazi ...
Amen ... la messe est dite = électroencéphalogramme plat.

Emmanuel Mousset a dit…

Je n'ai pas besoin de cette parodie pour deviner que vous êtes d'extrême droite. C'est d'ailleurs votre droit.

Philippe a dit…

Il y a le point de vue du militant adhérent/cotisant, celui du cotisant qui ne milite pas à un parti politique et qui finalement se range aux décisions de la direction de son parti pour chaque sujet débattu. Éventuellement si un jour il n'est plus suffisamment en phase il peut ne plus adhérer, cesse de cotiser. Il peut même d'ailleurs ponctuellement, secret de l'isoloir voter en sens contraire de sa carte partisane ………
Il sort alors de cette première catégorie pour rejoindre la suivante.
Il y a le point de vue que se forge le citoyen qui n'est membre d'aucun parti. Ce dernier n'est lié par aucune discipline partisane. Il se forge des opinions au fil de l'eau. Il peut se rallier cas par cas temporairement, totalement ou plus souvent partiellement aux idées d'un parti. Cette catégorie de citoyens concernent quasiment 99 % du corps électoral.
Je fais partie de cette dernière catégorie.
Avant de voter j'évalue à la louche le pour et le contre et je vote pour ce que je pense aller le plus vers le bien commun.
En fait la plupart du temps pour ce qui me semble être le moins pire pour le bien commun.
Les politiques se demandent pourquoi on cesse de voter pour eux … en fait c'est parce que ils ont cessé de servir le bien commun qu'un nombre de plus en plus significatif de citoyens se détournent d'eux.
Le PS est sur cette pente localement, en France et en Europe.

Emmanuel Mousset a dit…

Faites plus court, plus efficace, parce que ce n'est pas clair.

Philippe a dit…

"Faites plus court, plus efficace, parce que ce n'est pas clair."
Donc je m'adapte à votre niveau.
99% des français n'en ont rien à foutre des partis politiques, quand il votent, de moins en moins, c'est pour les candidats du parti qui leur semble le moins con ou le moins toxique, hélas de plus en plus souvent ils se trompent.

Emmanuel Mousset a dit…

Vous avez fait court, c'est bien. Il vous reste un dernier effort, dire des choses vraies, et ce sera parfait.

Philippe a dit…

Vous la poignée de militants (les godillots, quelque soit la boutique du FN au FG)) vous nous em..... avec vos états d'âme et vos jeux de chaises musicales "familiales".
Il faut quand même que quelques uns prennent la peine de vous le dire de temps à autre.

Emmanuel Mousset a dit…

Ne prenez cette peine : depuis un siècle, c'est la vieille rengaine des ennemis de la démocratie.