mercredi 6 janvier 2016

Wolinski aime Wolinsky



L'actualité d'hier a été préoccupée par une information majeure, prise et reprise tout au long de la journée dans les médias, commentée et analysée, soumise à diverses réactions. Le petit événement concerne une grosse faute, pas politique, pas diplomatique, pas même morale, mais peut-être bien les trois à la fois : une faute d'orthographe. Sur l'une des plaques commémoratives mentionnant les noms des victimes de Charlie hebdo, le dessinateur Wolinski a été écrit avec un y à la fin. C'est l'objet de la polémique, de l'indignation, du scandale.

Dans un monde où tout doit être techniquement parfait, une pareille bévue ne passe pas, est jugée insupportable. Pourtant, les gens écrivent de plus en plus mal et font énormément de fautes de français. Mais ce qu'on s'autorise pour soi-même, on ne le permet pas forcément aux autres, surtout lorsqu'il s'agit de professionnels. Autrefois, il n'y a pas si longtemps, personne n'aurait parlé de cette contrariété, les médias l'auraient passée sous silence, n'en n'auraient pas fait matière à information. Mais aujourd'hui, la transparence et la précision sont devenues des vertus cardinales, même quand elles ne servent à rien. Une faute, ça se corrige, et puis on tourne la page. Pourquoi donc tout ce bruit pour pas grand chose durant toute une journée, alors qu'il y a beaucoup plus important à dire ?

La veuve de Wolinski dénonce un quasi-sacrilège à la mémoire de son mari, qui n'aimait pas, dit-elle, qu'on se trompe sur son nom et qu'on l'affuble d'un y. En tant qu'enseignant, j'ai remarqué que les élèves sont très susceptibles quand on commet une erreur sur la prononciation de leur nom de famille, comme si c'était une atteinte ou une entorse à leur identité. A l'époque de l'individualisme-roi, il ne faut pas jouer avec ça : un patronyme, c'est sacré, il ne faut pas y toucher, comme dans le judaïsme les mots de la Bible sont sacrés. Une faute sur une seule lettre, et c'est le drame.

Mais qu'en dirait le principal intéressé ? Je crois d'abord que Georges Wolinski éclaterait de rire devant une dispute aussi minuscule qu'un i ou un y, une gaffe qui ressemble à un gag. Ensuite, il me semble qu'il en tirerait quelque fierté. Car la faute ressemble à un lapsus qui finalement l'honore, le singularise. Un vieil anar comme lui se moque des plaques et des commémorations. Qu'à son sujet, sur son nom, une petite dissonance intervienne, qu'une légère perturbation dérange l'ordre établi du langage et la bienséance des noms propres, oui, Georges aimerait. Il est à espérer que l'erreur reste gravée dans le marbre, pour l'éternité, offrant une petite énigme à nos lointains descendants, une facétie post-mortem. Foi de Moussey !

6 commentaires:

Cabu fan a dit…

lisez sans attendre le Canard enchaîné de ce jour et ce qui concerne la légion d'honneur décernée à Cabu à titre posthume: quel est l'imbécile qui a eu cette idée? certainement qu'il ne savait rien du dessinateur et qu'il n'avait jamais ouvert un Charlie hebdo d'avant janvier 2015. Pauvre Cabu, pris dans une rafle de décorés comme un vulgaire galonné ( il faut savoir qu' un colonel a forcément la légion d'honneur même s'il n'a jamais que dans l'intendance et jamais au front); Ah Napoléon quelle belle trouvaille avez-vous eue en créant ce machin

Anonyme a dit…

Pour moi l'info du jour c'est surtout le fait que Rachida Dati a enfin dit quelque chose d'intelligent et d'osé :elle n'aimait pas Charlie, comme une majorité de français d'ailleurs si l'on en juge par le nombre ridicule de lecteur de ce journal. Comme quoi les français ont du goût finalement!

Emmanuel Mousset a dit…

Le goût ne se mesure pas à la quantité mais à la qualité.

K a dit…

Que fassent vivre sempiternellement nos mémoires, à la fois ce regrettable George Wolinski enfant de Tunis, défuncté comme un parigot et cet enfant du bon dieu jamais pris pour un canard sauvage, l'inimitable Kabut natif de Chalons kapout à Paris lui aussi par un brumeux matin de janvier et qu'on ne nous parle pas d'orthographe quand il s'agit d'humanité.
Avec un "i" ou avec un "y", qu'est ce que ça change à la fin ?
"Y a pas d'faute d'orthographe, m'sieur, pour les noms propres, c'est vous qui nous l'avez appris !"

L a dit…

Qu'est ce que le goût a à voir là dedans ?
Est ce que la Rachida a fait des choses intelligentes lorsqu'elle ministrait ?
C'était tout juste "La voix de son Maître"...
Et ça voudrait leçonner ?

Bil36 a dit…

Il y a une intéressante parodie à la une de Charlie sortie aujourd'hui par des protestant évangélique http://www.20minutes.fr/strasbourg/1761175-20160107-strasbourg-charlie-hebdo-parodiee-evangeliques aussi bien sur le fond que la forme. La vidéo est amusante lorsque l'on voit une commerçante s'étonner du faible nombre de ventes on comprend que l'on n'a pas encore chassé tout les marchands du temple...