vendredi 15 janvier 2016

Ruquier Premier ministre



Devait-il y aller ou pas, Manuel Valls, à l'émission télévisée "On n'est pas couché" ? D'abord, pas d'hypocrisie et un peu de cohérence : ceux qui désapprouvent vont regarder, moi le premier. Et puis, il y a ceux qui critiquent mais qui se précipiteraient s'ils étaient invités. Ceci dit, ce n'est pas non plus une raison pour être d'accord avec cette participation, dont je comprends pourtant les motifs légitimes : besoin de communication, grosse audience, public jeune, style décalé, longue durée. Mais ça ne suffit pas pour me convaincre de s'y rendre.

Certes, Valls est déjà allé chez Ruquier. Mais il n'était pas alors le premier des ministres. Bien sûr, c'est une excellente émission, bien menée, rythmée par un vrai pro de la télévision. Mais ça ne me convient toujours pas. Pourquoi ? Parce que nous sommes dans le divertissement, quel que soit le sérieux avec lequel les entretiens sont conduits. A ONPC, le public rit et applaudit comme au cirque, les invités, très variés, font le show, les animateurs (qui ne sont pas des journalistes) cherchent à faire le buzz, et c'est très bien ainsi. Mais ce n'est pas la place d'un Premier ministre. Il y a suffisamment d'émissions de qualité, rigoureusement politiques, dans lesquelles Manuel Valls pouvait choisir de s'exprimer.

Le fond de la question, c'est l'idée qu'on se fait d'un responsable politique. Depuis toujours, je pense qu'il doit être différent de ceux qu'il représente et administre, qu'il doit s'élever et non pas s'abaisser, qu'il doit guider et non pas suivre. Ce matin, dans la matinale de France Inter, Vincent Lindon a parfaitement exprimé, à sa façon, ma pensée. Le comédien veut des hommes politiques rasés de près, en costume sombre avec cravate, sans col déboutonné. Il n'apprécie pas de les voir distribuer leur numéro de téléphone portable à tout le monde, ni de tutoyer ou faire la bise à tout va.

Les parents n'ont pas à être copains avec leurs enfants, les enseignants n'ont pas à être copains avec les élèves, les politiques n'ont pas à être copains avec les citoyens. Nous ne sommes pas des américains ! Lindon souhaite que l'homme politique cultive l'absence, se rende inaccessible, exige qu'on passe par son directeur de cabinet pour être approché. Très bien : l'homme qui est au service de tous ne doit pas se mettre à la portée de n'importe qui. J'ajouterais que l'homme politique ne doit absolument pas être précis ni concret, mais généraliste et théoricien. Ce que je ne veux pas, c'est que Laurent Ruquier, dont je pense le plus grand bien, devienne samedi soir Premier ministre d'une émission dont Manuel Valls serait le divertissement.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Ce que je ne veux pas, c'est que Laurent Ruquier, dont je pense le plus grand bien, devienne samedi soir Premier ministre d'une émission dont Manuel Valls serait le divertissement.
Ce sera pourtant forcément le cas.
Nos "politiciens" ont une échelle de valeurs incompréhensible pour une grande partie des citoyens et une bonne proportion des abstentionnistes.

Anonyme a dit…

Je veux parler de choses plus sérieuses que l'émission de divertissement à laquelle se prête, hélas, le premier ministre. Je ne sais si vous écoutez l'émission "Concordance des temps" de Jean-Noël Jeanneney sur France-Culture sinon je vous y invite, elle est toujours très instructive et elle peut se réécouter en podcast sur le site en ligne de France-Culture? Ce samedi 16 janvier elle avait pour invité un historien spécialiste de l'Allemagne Johann Chapoutot qui a exposé l'histoire économique et politique de ce pays depuis la première guerre mondiale. Ce fût très intéressant parce qu'elle éclaire certains aspects contemporains de l'UE.

Emmanuel Mousset a dit…

Oui, j'écoute cette émission, quand le thème m'intéresse. Juste après "Répliques".

E a dit…

Répliques et Concordance des temps sont comme des grand'messes du samedi matin au cours desquelles on n'apprend pas beaucoup.
Les deux émissions qui s'ensuivent, sont autrement instructives : l'économie y a sa place.
Vous connaissez quelque chose de plus important de nos jours, que l'économie, vous ?

Emmanuel Mousset a dit…

Oui, la littérature, l'art, la spiritualité, la philosophie, la politique, la science et quelques autres ...

E a dit…

Mais c'est quand même quoi qui permet de vous payer à la fin de chaque mois ?

Emmanuel Mousset a dit…

L'argent n'est pas, à mes yeux, la valeur suprême de l'existence.

Erwan Blesbois a dit…

L'économie pensait Marx est l'infrastructure, il pensait tout expliquer par l'économie, les guerres, les crises, les conflits sociaux ; l'argent c'est les fondations de la maison ou le nerf de la guerre, tout le reste ; littérature, art, spiritualité, philosophie, politique et science sont la superstructure, la peinture que l'on met sur la maison pour la décorer, au fond c'est du vent. Tu es un cas de "parasite sacré" de la société de part ton statut de prof de philo, qui garde encore une certaine dose de prestige, en tout cas encore aux yeux de tes maîtres, si ce n'est de tes élèves. Mais tu restes au service de la classe qui te paie, la bourgeoisie, tant que tu ne mordras pas la main de tes maîtres on te laissera une certaine liberté d'action et d'opinion, mais ces deux notions sont très relatives. N'oublie pas que nous sommes par notre nature des Cro-Magnons implacables et génocidaires, capables parfois de générosité mais de façon furtive, c'est cela le fond inaliénable de la nature humaine. Et en ces temps de crise que nous traversons, c'est malheureusement toujours le mauvais côté de la nature humaine qui se révèle.