jeudi 7 janvier 2016

Le méchant, la gentille et la vieille dame



Frédérique Macarez sera donc le prochain maire de Saint-Quentin, désigné dans une semaine. Aucune surprise : c'est le choix de Xavier Bertrand, c'est l'évidence qui s'est imposée. En politique, les bons candidats sont les candidats naturels. Un élu l'a résumé en une formule : "elle a le niveau". Et si c'était ça, le secret de la politique, au-delà des petites ambitions : avoir le niveau, sans quoi on est recalé. La droite saint-quentinoise, à son habitude, va passer ce cap dans l'unité : après quelques velléités des uns ou des autres, tout le monde se rassemble, comme un seul homme, Xavier Bertrand bien sûr. Evidence et unité : les deux cartes maîtresses de la réussite en politique.

Frédérique Macarez maire, ça nous change ... mais ça ne change rien. La politique sera la même et le patron sera toujours Xavier Bertrand, comme en religion chrétienne le Père est au dessus du Fils, engendré par Lui. Le Conseil municipal ne sera que le prolongement du Conseil d'agglomération, que continue à présider Xavier Bertrand. En revanche, pour l'opposition, cette tête nouvelle change beaucoup de choses. Dans un premier temps, on pourrait penser que c'est une chance pour la gauche : Bertrand, c'était la figure du méchant de droite, coriace, percutant, parfois cynique, une cible bien utile quand on est de gauche. Et puis, il était droite de droite, ancien ministre de Sarkozy, ancien chef de l'UMP. Un régal, quand on est son adversaire. C'est pourquoi son maintien à la tête de la Municipalité aurait été un atout pour une gauche offensive et batailleuse.

Mais Frédérique Macarez ? C'est une gentille, douce, aimable, qu'on n'ose pas attaquer. Son sourire est plus désarmant qu'une répartie cinglante dont Xavier Bertrand a le secret. Et puis, elle n'est pas identifiée à la droite. On ne pourra lui reprocher aucun bilan gouvernemental, à quoi elle n'a pas participé. Enfin, c'est une femme de dossiers, une gestionnaire, très au fait des questions municipales : il sera beaucoup plus difficile, en séance, de l'entraîner dans des polémiques dans lesquelles, à la différence de Xavier Bertrand, elle n'entrera pas. Sa jeunesse, son style apportent quelque chose de neuf, qui ne peut que plaire à une opinion lassée des gravures anciennes.

Dans l'intérêt de la gauche, il aurait mieux valu que le prochain maire s'appelle Freddy Grzeziczak, dont le passé aurait excité ses opposants à l'adversité, ou bien Marie-Laurence Maître, militante de droite enthousiaste, clairement identifiée. Mais je ne pense pas que Xavier Bertrand ait arrêté son choix en fonction des intérêts de la gauche locale. En tout cas, face à Frédérique Macarez, les socialistes sont dans une situation plus compliquée, avec un adversaire paradoxalement plus redoutable que Xavier Bertrand. Vous connaissez la formule : il faut se méfier de l'eau qui dort. Surtout quand elle sourit.

Mais rien n'est insurmontable en politique : il suffit de prendre la mesure de la situation, corriger le tir ou changer son fusil d'épaule. La politique, c'est l'école de l'adaptation. Si la gauche ne le fait pas, si elle ne saisit pas l'opportunité de se réformer, dans trente ans, elle sera toujours dans l'opposition. A la tête de la mairie, une jolie jeune femme sera alors devenue une charmante vieille dame, et la plupart des socialistes actuels seront morts, moi le premier. Et j'ai envie de vivre.

10 commentaires:

vincent Savelli a dit…

toujours la même es très fine analyse de la situation : excellent !!!mais bon sang , je vais finir par voter pour vous!!! aie .. , mais c ' est vrai , votre parti , le PS ne vous soutient pas !!!que voulez -vous , ils se complaisent dans l'échec!!!

Emmanuel Mousset a dit…

1- Réservez votre vote pour un prochain scrutin. On ne sait jamais ...

2- Le PS local a fait d'autres choix. C'est son droit. Je n'en fais pas une affaire personnelle.

3- Aucun parti ne peut se complaire dans l'échec. On fait de la politique pour gagner, non ?

G a dit…

"On fait de la politique pour gagner, non ?"
Sans douter de votre sens profond de l'intérêt commun, j'ai bien envie de reprendre votre formule pour la transformer...
Allez, je ne résiste plus :
"On fait de la politique pour que le peuple puisse gagner, quand on est de gauche...

Emmanuel Mousset a dit…

La question ne se pose même pas, ni à la droite ni à la gauche : en démocratie, le peuple est toujours gagnant, puisque c'est lui qui se choisit ses représentants.

Anonyme a dit…

La France n'est pas une démocratie, notion qui reste une utopie ou un idéal, mais une république représentative. Les candidats "représentants" sont soumis aux divers suffrages populaires par des structures partisanes dîtes partis politiques.

Emmanuel Mousset a dit…

Démocratie ou république représentative, c'est kif kif bourricot. Quant aux partis politiques, ils concourent à l'expression du suffrage universel, comme l'indique le texte de notre Constitution.

Bil36 a dit…

L'usage du référendum devrait être plus fréquent en France, cela éviterait beaucoup de dérapages actuels, quand à la nouvelle maire Une question m'obnubile, a-t-elle sa carte au grand orient de France comme son prédécesseur ?

Emmanuel Mousset a dit…

Au lieu de vous obnubiler, respectez la vie privée des hommes et des femmes publics.

Anonyme a dit…

à E M 19H05
"Démocratie ou république représentative, c'est kif kif bourricot."
Un peu voire très court, d'un prof on pourrait espèrer un argumentaire plus étayé.
La constitution française a des concurrentes peut être plus proches de l'utopie démocratique, éventuellement même à ses frontières.

à Bil36 20H35
L'appartenance au GODF n'implique absolument pas que l'on soit d'accord sur les crédos politiciens des partis d'ailleurs très fluctuants. C'est un peu une activité de café philo mais sans prof. On peut remplacer le terme "café" par "auberge espagnole". L'influence politique est surfaite.

Emmanuel Mousset a dit…

Les démonstrations les plus courtes sont les meilleures. Je n'aime pas qu'on bavasse.