lundi 14 décembre 2015
Le Pen ne passe pas
Ce qui est amusant un soir d'élections, c'est qu'on a l'impression, à entendre leurs réactions, que tous les partis ont gagné. Mais hier, nous avions plutôt le sentiment que tous les partis avaient perdu ! Mettons de côté la subjectivité ou l'habileté : en politique, le gagnant est celui qui obtient ou conserve le pouvoir, le perdant est celui qui ne le conquiert pas ou ne le garde pas. De ce point de vue, il n'y a qu'un seul véritable perdant dans ce scrutin régional, c'est le Front national, qui augmente en voix, en élus mais pas en responsabilités. La droite a remporté 7 régions : c'est moins que prévu. La gauche s'est maintenue dans 5 régions : c'est mieux que ce qu'on pouvait pronostiquer. Voilà le bilan ; le reste ne sont que des commentaires à convenance personnelle.
Gilbert Collard, du FN, qu'on devrait pour l'occasion rebaptiser Gilbert Connard, a trouvé une formidable expression pour qualifier les résultats de son parti : une "défaite victorieuse" (hier soir, sur RTL). Pour une fois, je vais être magnanime avec le Front national : des "défaites victorieuses" comme celle-là, je lui en souhaite à chaque élection. Qu'il gonfle ses voix autant qu'il voudra, qu'il demeure éternellement dans l'opposition, qu'il n'accède jamais à aucun pouvoir, je m'en satisfais volontiers, je jure de ne plus rien dire contre lui.
On a beaucoup parlé d'un "plafond de verre", à propos du vote FN. Je n'aime pas cette expression, comme toutes les expressions qui ne veulent plus rien dire à force d'être répétées. Les plafonds, c'est bon pour l'immobilier, pas en démocratie. Un plafond de verre signifie ou bien qu'on ne le voit pas (les limites du vote d'extrême droite sont très visibles), ou bien qu'on peut le casser (ce qui est contradictoire avec ce qu'on veut lui faire signifier). Pour comprendre pourquoi Le Pen ne passe pas (à tous les sens du terme), il faut se souvenir de trois données historiques, qui conditionnent le succès électoral d'un mouvement fasciste :
1- L'indifférence de la droite. Certes, le renvoi dos à dos du FN et du PS, le fameux ni ni, est la règle adoptée. Mais la droite a fermement exclu tout accord avec le Front national. Dans les années 30, l'extrême droite l'emportait qu'en se faisant des alliés chez les conservateurs. Là, ce n'est pas le cas.
2- La division de la gauche. Certes, ce camp est dispersé, mais socialistes, communistes et écologistes se rassemblent naturellement au second tour, contre un même ennemi commun, le FN. Dans les années 30, c'est la lutte entre staliniens et réformistes qui prévalait. Le fascisme n'a pas tout de suite été perçu comme une priorité à combattre.
3- La crise sociologique. C'est selon moi l'élément le plus déterminant. Ce qui fait gagner le fascisme, ce n'est pas le ralliement des classes populaires, mais des classes moyennes. Or, durant ces élections régionales, une fraction des classes moyennes inférieures, comme on les dénomme, a incontestablement basculé du côté de l'extrême droite. Ce maillon faible de la République se sent déclassé, prolétarisé : il s'en prend moins aux riches qu'il déteste les pauvres, auxquels il se sent de plus en plus assimilé. Mais un maillon ne fait pas toute la chaîne : le gros des classes moyennes tient à la démocratie, chérit ses libertés, aspire à l'égalité, apprécie la paix civile, ne se reconnaît pas dans l'agressivité, le racisme et l'autoritarisme du Front national. Culturellement, notre pays n'est pas prêt à une aventure néofasciste, même s'il est du devoir des partis républicains de demeurer constamment vigilants.
Durant cette soirée électorale, j'ai particulièrement apprécié deux interventions : celle de Jean-Pierre Raffarin, qui a redemandé à ce que la droite abandonne le ni ni, qui a souhaité que la gauche et la droite travaillent ensemble, même s'il n'est bien sûr pas question de gouverner ensemble, démocratie oblige ; celle de Julien Dray, qui a proposé un changement de nom et d'organisation du PS, qui ne peut plus réunir que les seuls socialistes, mais s'ouvrir à toute la gauche, qui doit aussi complètement changer son mode de fonctionnement. Voilà deux propos peu convenus, hors des sentiers battus, qui me paraissent stimulants en ces temps de morosité.
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13 commentaires:
En dehors des calculs et stratégies politiques, il faut voir si le FN gagne dans les consciences. On le voit la société est encore majoritairement intransigeante face au FN, le discours autoritaire fait peur. Il y a un réflexe républicain très fort dans les consciences. Reste à savoir si ce verrou sautera un jour ou non ? Cependant la limite qui sépare le FN des 50 % fatidiques, tend à s'estomper de plus en plus. Et on peut s'attendre à un travail des élus FN sur le terrain, pour travailler les consciences, et peu à peu faire sauter le tabou et le verrou. En matière d'idéologie gauche et droite on épuisé toutes leurs réserves, elle ne proposent en dernier recours non un vote d'adhésion, pas un vote POUR, mais un vote CONTRE l’extrémisme. Cela commence à devenir épuisant pour les électeurs, qui ne votent plus par désir d'adhésion, mais par devoir de rejet. Alors qu'en matière d'idéologie le FN a un boulevard devant lui ; mais choisira-t-il la voie de la droite patriote et gaulliste, ou la voie de l'extrême-droite raciste et antisémite ? Si il choisit la première voie, il est clair que je pourrais adhérer à son discours, si c'est la seconde, j'entrerai en résistance. Il aurait effectivement été intéressant que le FN gagne au moins une région, afin de le voir à l'œuvre, et de juger en conséquence, mais les stratèges de la rue de Solferino en ont décidé dogmatiquement autrement. Or plus la pression va monter dans la cocotte, colère et frustration s'accumulant, plus l'explosion risque d'être dévastatrice, quelquefois il faut utiliser ce qu'on appelle une soupape de sureté, afin de faire redescendre la pression.
c'est évident Erwan que le fn va faire un carton en 2017 : le second parti de France ne possède que deux députés et quelques villes, ou est la démocratie ?????
M. Mousset vous devenez de plus en plus insultant même si je ne port pas G Collard dans mon coeur ( carriériste et incompétent selon moi) j en'irai jamais jusqu'à oser des jeux de mot faciles. Je n'irai jamais non plus traiter l'umps de parti fasciste, qualificatif un peu simple quand on connait sa définition et qui pourrait aussi bien s'appliquer aux deux partis qui trustent le pouvoir depuis plus de 10 ans
Ni droite, ni gauche, c'était le discours de l'extrême droit-française, mais par delà le clivage gauche-droite, c'était le discours rassembleur de De Gaulle ; on ne sait pas encore, puisqu'on ne l'a pas vu à l'œuvre, l'option du FN, et sa capacité éventuelle à dépasser et transcender le clivage gauche-droite, dans un parti social et patriote (je n'ai pas dit national-socialiste). Les gardiens de la morale républicaine, singulièrement les socialistes se comportent vis-à-vis du FN, comme les psychanalystes vis-à-vis du symptôme de leurs patients, nous savons mieux disent-ils ce qu'il y a dans la tête d'un électeur ou élu du FN, qu'eux-mêmes ne le savent ; comme si il s'agissait presque d'un inconscient fasciste, dont les malades n'auraient pas conscience. Donc les socialistes se comportent, et particulièrement les militants socialistes, comme toi Emmanuel, comme une police et hygiène de la pensée. C'est d'ailleurs l'attitude des médias en général, où j'ai suivi la soirée électorale sur France Télévision, et où pas un seul représentant du FN ne fut invité sur le plateau pour débattre, malgré son très haut score, et où l'on en parlait comme d'un symptôme, symptôme de colère, de malaise, maladie en somme, mais pas projet ; infantilisant ainsi des millions d'électeurs, un peu par un conformisme et un réflexe, imposé par plusieurs décennies de mitterrandisme et de militantisme "sos racismant" et vitupérant, qui est plus responsable par son intolérance, son sectarisme et sa stratégie politique de rejet dans "le camp du mal" de tout adversaire, de l'émergence de sa propre créature que constitue le FN, qu'autre chose. Le FN est effectivement le bouc émissaire dont les socialistes ont besoin pour donner une bonne conscience à leurs électeurs ; et à défaut de leur proposer un projet, un vote d'adhésion, ils leur proposent un vote CONTRE. Face à un parti sectaire représenté par le PS, face au parti de l'argent et du patronat représenté par la droite traditionnelle, les Français rêvent d'une troisième voie sociale et patriote pour adhérer enfin. Tant qu'il n'y aura pas de démocratie directe, tant que les Français ne se sentiront pas représentés par une caste d'élus qui va contre ses désirs et aspirations, tant que les acteurs de la société civile ne seront pas davantage consultés, tant que les Français ne seront pas consultés pour les grandes décisions, tant qu'ils se sentiront bafoués, floués trahis, la crise perdurera.
Puisque bil36 n'aime pas, je vais la refaire, rien que pour lui, et à mon plus grand plaisir : Collard est un connard !
C'est facile quand on a tout pour soi, le métier, les médias, l'idéologie dominante, oserais-je dire le physique (hi hi hi ! vengeance mesquine), de traiter les autres de cons.
1- La jalousie est mesquine, pas la vengeance.
2- "Connard" n'est pas une insulte, mais un constat, répertorié dans les meilleurs dictionnaires. Je me répète, bien qu'ayant horreur de ça : Collard, en parlant de "défaite victorieuse", est un "connard". Mais il a tout ce qui lui reste de vie pour se rattraper.
Monsieur Mousset, gloire à vous, vous nous donnez la parole grâce à ce blog, vous tendez à priser de plus en plus les déclarations des dirigeants de droite, vous qui vous dîtes de gauche...
Un tantinet normal, vu que vous ne vous appuyez que sur la communication, les paroles, vu que vous reléguez les actes d'aucuns par pertes et profits...
Voilà maintenant que l'ancien premier ministre de Monsieur Chirac entre dans votre panthéon...
C'est inaudible, c'est même incompréhensible...
Après l'appel à voter pour Monsieur Bertrand (il fallait oser ! Se remémorer le comportement du maire de Saint-Quentin vis à vis d'un journaliste local du Courrier Picard)...
Monsieur Mousset, vous voulez faire le buzz chaque jour mais il pourrait être mieux pour vous de vous contenter d'un texte hebdomadaire pour lequel vous auriez un véritable temps de réflexion préalable... Et même éventuellement un billet tous les quinze jours, ce serait mieux réfléchi. Peut-être...
Pas d'accord avec vous : une fois par mois, ce serait bien, et une fois par an, encore mieux. Comme vous le faites si justement remarquer, la réflexion a besoin de beaucoup de temps.
Peut-être qu'il vaut mieux lâcher un gros paquet tous les ans, du style essai roman ou réflexion critique ; qu'un petit jet béni oui-oui tous les jours. Je dis ça pour ta postérité.
La prime annuelle de nos recteurs va être augmentée de 10 000 euros soit une augmentation de 68 %. Nos salaires de profs étant gelés depuis je ne sais combien d'années. Je deviens un peu comment dirais-je populiste peut-être ? Râleur, "Français" ; mais nos gouvernants sont en train de prendre de sales habitudes sur le modèle des grands patrons du privé. La colère va encore monter, et l'on sera de toute façon sommé de faire barrage au FN. Ou encore "faites ce que je dis pas ce que je fais" ou encore les "grands" donnent l'exemple. On se fout surtout bien de notre gueule de petits bourgeois, heureusement tu ne fraies pas avec cette lie (les petits-bourgeois qui chez Mousset sont toujours sur la sellette en tant que potentiels électeurs du FN, donc ennemis du peuple) et n'admire que la grande bourgeoisie (DSK), ou le très bas peuple. Nous aurions pu et dû être gouvernés par la "gauche caviar" représentée par DSK, mais il n'a pas saisi l'occasion, pourtant la société française était mûre pour se donner à lui et donner raison à ma prof de philo de fac, Sarah Kofman, qui répétait nietzschéenne, "les juifs ont vocation à être les guides et les maîtres de l'Europe." Je ne dis absolument pas ça par antisémitisme, car d'une part j'apprécie Nietzsche, et il s'est montré prophétique dans bien des domaines, et d'autre part soyons lucides, que serait la vie intellectuelle et culturelle en France, sans l'apport des juifs, de quelque bord qu'ils se trouvent, puisqu'on trouve chez eux tout et son contraire, ce qui en fait sa richesse.
1- Si je me préoccupais de ma postérité, tu aurais raison. Mais ce n'est pas le cas. J'ai suffisamment à faire avec le présent.
2- Tu ne peux pas me reprocher d'admirer les "grands" ni de soutenir les pauvres.
Tu as tout à fait raison de dire que ce que la petite bourgeoisie reproche aux "grands", corruption, combines etc... elle se l'applique à elle-même ; je le constate moi-même dans mon comportement. Non la seule chose qu'on peut reprocher aux riches, c'est d'avoir du fric et pas nous, pas leur comportement. Mais c'est cependant aux "grands" de montrer l'exemple et non l'inverse, ce n'est pas à la base d'être vertueuse, alors que l'élite s'empiffre. En cela une fois encore De Gaulle fut exemplaire, notamment dans son ultime geste théâtrale de la démission quand il fut désavoué par référendum populaire.
La vertu qu'on s'impose : sans réserve...
Celle que d'aucuns veulent imposer à autrui : ça mériterait qu'on se penche là-dessus, non ?
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