samedi 5 décembre 2015
"Je suis Gabriel Matzneff"
Nous avons fêté cette année les 50 ans de vie littéraire de Gabriel Matzneff. Pour moi, depuis 35 ans, il est plus qu'un écrivain : un maître, qu'on ne se contente pas de lire, mais d'écouter, parce qu'il nous parle, nous inspire. Son style est beau, son existence est passionnante mais ce sont surtout ses réflexions qui me stimulent. Que nous dit-il, à travers son oeuvre ?
D'abord qu'il nous faut être fidèle à notre passé, se ficher de l'avenir et goûter le moment présent. C'est tout le contraire de notre société, qui ne pense qu'à demain, dénigre hier et passe rapidement sur l'instant. Matzneff est un maître en amitiés, qu'il a nombreuses et diverses, de François Mitterrand à Alain de Benoît, en passant par Guy Hocquenghem et Hergé, sans oublier ses chers orthodoxes. Malgré tout, cet homme-là se sent seul : preuve que l'amitié lui est indispensable. Maître en amour, bien sûr : je ne retiens pas celui des jeunes personnes, qui lui est si précieux, mais de Dieu, qu'il nous fait sentir en de belles pages, lorsqu'il communie ou se confesse.
Ce grand amoureux est un homme d'esprit, amusant, qui nous apprend à ne pas nous départir de notre humour, à entretenir une distance envers nous-mêmes et nos difficultés ordinaires. Il n'a pas son pareil pour croquer une scène cocasse, par exemple ses démêlés avec l'administration, ou bien rapporter une saillie entendue dans le bus. Après sa lecture, les barbus à poussettes, les filles enrhumés et les adverbes excessifs nous font sourire. C'est un fin politique : relisez ses chroniques dans Combat, durant les années 60. L'analyse des luttes internes à la gauche, entre radicaux, centristes et mitterrandistes, est étonnamment juste. Son soutien aux dissidents soviétiques et aux Palestiniens est d'heureuse mémoire.
Maître de vie, Gabriel Matzneff l'est parce qu'il nous fait découvrir et aimer d'autres maîtres, les anciens Romains, les jansénistes du Grand Siècle ou les romanciers russes. La principale leçon qui traverse ses livres et son existence, c'est l'invitation à être et à demeurer, coûte que coûte, soi-même. C'est pourquoi, m'inclinant devant lui, je ne suis pas matznévien. Un véritable maître conduit à l'émancipation de son disciple.
Que lire de Matzneff ? Tout ! Mais pour saisir l'homme et la pensée, une récente page est à recommander, dans son dernier Journal, 2009-2013, Mais la musique soudain s'est tue, Gallimard, 2015, p. 34, deuxième paragraphe. Notre écrivain est à Bayonne, il apprend que l'Académie lui refuse un prix, il s'en moque, se tape la cloche (c'est l'une de ses expressions favorites), travaille à un texte sur l'élégance et conclut d'un superbe : Heureusement, j'ai 72 ans. Bientôt la fin. Je tiendrai jusque-là. Je suis Gabriel Matzneff. Ce paragraphe, il faut le porter sur nous, le relire à l'occasion, à haute voix, et en faire notre règle de vie. En cette année terrible où nous avons commencé par être Charlie puis par être Paris, n'oublions pas, en temps ordinaires, d'être nous-mêmes.
L'écriture n'épuise pas la vie, qui lui est supérieure, d'après Matzneff. De même, ce billet ne dit pas tout ce que l'écrivain m'a apporté : c'est un court hommage à l'oeuvre et à l'homme, un appel à le lire ou à le relire. J'ai eu le plaisir et l'honneur de le rencontrer, il y a un an à un jour près, celui de la Saint-Nicolas, à l'Institut Saint-Serge, à Paris : sa disponibilité et sa gentillesse m'ont ému. Outre l'ouvrage cité, son dernier roman, La lettre au capitaine Brunner, est sortie en 2015 aux éditions de La Table Ronde.
Bonne lecture à tous et longue vie à Gabriel Matzneff !
En vignette, à l'émission La Grande Librairie, sur France 5, le 26 février 2015, en compagnie de Mélanie Sadler.
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7 commentaires:
"Je me souviens d'une de nos soirées à l'époque du traité de Maastricht. Les propos que nous tint Jean-Marie Le Pen étaient la raison même, la justesse même, l'avenir allait nous le prouver, et ce soir-là je pris conscience à quel point était absurde l'image d'excité extrémiste que la presse purée de droite et de gauche s'appliquait à donner de lui.
Dans la vie française, en littérature comme en politique, il y a les gens qui sont blanc-bleu, les bien-pensants, les vertueux ; et puis il y a les sulfureux, les infréquentables. Jean-Marie Le Pen fait partie de ces derniers. Même si je n'avais pas déjà des raisons personnelles d'avoir de l'amitié pour cet homme, son éternel statut d'excommunié suffirait à me donner l'envie de le défendre, et quand il a raison (en ce moment sur la Russie, par exemple), de l'applaudir." Gabriel Matzneff 01/08/2015
http://www.lepoint.fr/invites-du-point/gabriel-matzneff/matzneff-vous-avez-dit-le-pen-01-08-2015-1954001_1885.php
Sur le plan purement politique, un fossé me sépare des idées de Monsieur Mousset, honorable professeur berrichon dans un honorable établissement scolaire vermandois de Saint-Quentin. Et c'est peu compréhensible pour moi, qu'un homme aussi intelligent et d'apparence tellement "ouvert" soit aussi "buté" au point de ne jamais trouver de défaut à ses prétendus amis politiques qui au moins sur le plan local, ne se gênent guère à le minimiser.
Sur le plan littéraire, s'il est Gabriel Matzneff, c'est tout aussi incompréhensible d'un esprit à nul doute éclairé.
Mon avis : même si vous ne me l'avez pas demandé, je vous le livre : il s'agit d'un "beau parleur" et rien de plus, je parle du divin tombeur de jeunes nubiles.
Je lui préfère les gens d'action (même s'il leur arrive de se tromper) et les beaux penseurs.
1- Si Matzneff m'intéresse, ce n'est pas tant sur le plan politique que philosophique. Il est très critique envers la social-démocratie et a voté Mélenchon aux dernières présidentielles. Son accord avec Le Pen sur la Russie n'efface pas son antiracisme et son cosmopolitisme (Matzneff se qualifie volontiers de "métèque").
2- Matzneff n'est pas un "beau parleur". Il reconnaît lui-même que l'éloquence n'est pas son truc. Mais c'est un bel écrivain, oui.
Il aurait voté Front de Gauche ?
Qu'il dit...
Comment pourrait-on concilier les Le Pen et Mélenchon ?
Si je devais avoir confiance en l'un des quatre, à tous les coups, j'opinerais pour la Merluche...
Et pourquoi ne voterait-il pas aussi un jour trotskiste ?
Oui, à coup sûr, il s'agit d'un cosmopolite..
Mais pas un cosmopolite de raison, de choix, un cosmopolite forcé par sa destinée familiale et rien de plus.
Un esthète tout au plus, mais il a bien le droit de l'être...
Matzneff n'est pas d'extrême droite. Ses engagements politiques l'attestent. Ce n'est pas non plus un homme de parti. Son lien avec les Le Pen est d'ordre privé : nous n'avons pas à le commenter. Mitterrand aussi avait des amitiés que certains ont pu contester. Mais nous ne sommes pas là pour ça. Quant au cosmopolitisme, il est de cœur, puisque Matzneff est né en France et ô combien de culture française. Là encore, n'allons pas chercher des raisons d'ordre privé, faciles et fallacieuses.
On va stopper là la digression mais il faut quand même se questionner : pour quelqu'un qu'on peut considérer comme publiquement connu et reconnu pour ses qualités intellectuelles, être cosmopolite dans l'ordre du privé ce serait quand même plus admissible dans un état comme le nôtre et dans sa situation actuelle que vouloir l'être publiquement.
C'est presque trouver normal que la carpe convolerait avec le lapin ou qu'Arlette pourrait fréquenter un ayatollah... Et pour moi, c'est tout simplement impensable.
Il s'agit d'un homme de littérature aux goûts assumés mais discutables, à la foi certaine à n'en pas douter, mais que ce soit un "politique" dont les avis compteraient ? Certainement pas pour moi ! Et même pas du tout ! Il ne peut être l'avenir...
Je ne comprends pas tout dans votre commentaire, mais je peux vous assurer que Gabriel Matzneff a eu des analyses politiques souvent prophétiques. Ces recueils d'articles, que je recommande à votre attention, l'attestent.
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