lundi 21 septembre 2015

L'homme à abattre



Emmanuel Macron fait de nouveau parler de lui. On se demande bien pourquoi. A-t-il une nouvelle réforme en vue ? Un projet à soumettre ? Non, ce sont des propos qu'on rapporte, assez insignifiants : il souhaite une réflexion sur le statut de fonctionnaires et son adaptation. Rien de plus, pas de scandale, aucune menace, ni même une idée précise. Le chef du gouvernement a d'ailleurs réitéré son soutien à son ministre de l'Economie et des Finances. Alors, d'où vient le problème ?

D'abord, ce n'est pas nouveau, la polémique se déclenche à chaque fois de la même façon : quelques paroles anodines, sur l'illettrisme chez les salariés, sur la place du travail dans notre économie, aujourd'hui sur la Fonction publique, et c'est la médiatisation immédiate, les commentaires des adversaires, l'indignation généralisée, avec une obsession latente : faire de cette tête de gentil un monstre caché, un traître à la gauche, un agent de la droite au sein du gouvernement. C'est toute la rhétorique stalinienne qui est recyclée au goût du jour.

A qui profite le crime, puisque Emmanuel Macron semble l'homme à abattre ? Sa popularité dans l'opinion publique manifestement gêne. S'il ne représentait rien, on n'en parlerait même pas. Même si ses avis n'engagent que lui et ne tirent pas vraiment à conséquence, ils visent juste, touchent des sujets sensibles, expriment la tendance de cette social-démocratie moderne qu'il incarne si bien. C'est là qu'il devient une cible.

La gauche du Parti socialiste ne le supporte pas et veut sa peau, c'est évident. Elle voit en lui la réalisation parfaite de ce qu'elle déteste et qui n'apparait pas si clairement, si nettement chez François Hollande ou même Manuel Valls. Macron est un trentenaire qui n'a pas la langue de bois, qui n'a pas besoin de prendre des gants pour s'exprimer (après, on est d'accord ou pas, mais c'est le débat).

Si le jeune ministre n'avait que des ennemis à gauche, l'affaire n'irait pas si loin. Mais toute une partie de la droite ne peut que s'inquiéter de la montée de ce social-démocrate qui affronte les problèmes à bras-le-corps. La droite aime les socialistes quand ils sont dans le formol, inoffensif. Macron est dangereux pour la suite.

L'homme à abattre se laissera-t-il abattre ? Il n'a pas l'expérience politique des vieux crocodiles, mais en a-t-il besoin pour survivre au marécage ? Je ne pense pas. Le gouvernement est avec lui, une partie de l'opinion est derrière lui et il a le temps, suprême allié, pour lui. A partir de là, il peut durer longtemps et aller loin. C'est ce que je lui souhaite.

Un signe de réconfort, une confirmation pour Emmanuel Macron : la victoire en Grèce, une nouvelle fois, d'une social-démocratie d'un nouveau genre, d'un réformisme renouvelé, qui a su se débarrasser de son aile gauche, de ses frondeurs, l'Union populaire, qui n'a même pas dépassé les 3%. En France, c'est le score cumulé que ferait Montebourg-Hamon-Lienemann, s'ils se présentaient à une grande élection nationale. Ils tiennent un peu, ont un semblant d'existence devant un congrès restreint de militants, mais face au peuple, ce serait la claque, comme on l'a vue ce dimanche en Grèce. Macron-Tsipras, même combat, même adversaires, mais toujours debout, pas abattus !

4 commentaires:

D. a dit…

Aucun thème sociétal, aucun sujet de débat n'est à exclure du champ public, pas plus le fonctionnariat que l'obtention de la retraite ou que l'accueil des réfugiés politiques ou des victimes de conflits armés et l'examen des demandes des migrants économiques. Aucun.
Quant à qualifier de chasse à l'homme les réponses d'aucuns aux réflexions d'un ministre social-démocrate (selon vous), n'est-ce pas un tantinet excessif voire carrément provocateur ?
Egalement, gratifier du même label social-démocrate le vainqueur grec des élections d'hier, ne serait-ce pas fermer les yeux sur son opportunisme ?
Guère de doute qu'avec de tels billets, vous hérisserez les poils socialistes, vraiment socialistes...

Emmanuel Mousset a dit…

Je ne cherche pas à "hérisser", j'expose des convictions déjà anciennes. Quant à être "vraiment" socialiste, je ne sais pas ce que ça veut dire.

Quant à Macron et les attaques qu'il subit, chacun les qualifie comme il veut : c'est le fond politique qui compte.

Tsipras opportuniste ? Non, ni plus ni moins qu'un autre, et même plutôt moins. Courageux, lucide, social-démocrate, oui je le crois.

Anonyme a dit…

La 5ème République est née de l'incapacité des dirigeants de la 4ème a gérer le problème algérien.
La 5ème risque fort de périr de l'incapacité de ses gouvernants à régler le problème du chômage qui malheureusement est "surligné" par la propagande destinée à faire accepter toute la misère du Monde... ce qui est impossible évidemment.
Comment dire à la fois que l'on ne peut pas soigner le chômage et dire, son contraire économique, que l'on peut accepter cette misère.
Alors on fait diversion, on cherche l'éternel bouc émissaire ... "les" fonctionnaires. On a l'impression que le PS assaisonné Macron reprend les slogans de l'ex-extrême droite et que cette dernière reprend le social.
On vit une époque formidable à observer car glauque.

Emmanuel Mousset a dit…

S'il y en a un qui reprend les slogans de l'extrême droite, c'est vous, en tout cas dans ce message. Mais il est bien connu qu'on attribue aux autres ses propres vices.